
31 1 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q j j e .
“ Epargnez-moi pour Dieu,jefuis leplusgrandpecheuf
de cous leshommes,up vieillard demi mort & indigne
de ces honneurs : c’eft plutôt à moi à me profterner à
vos pieds, & à honorer vos dignitez fuprêmes. Ce
n’eftpas le defir de là gloire ou des biens qui m'a fait
venir à vous. C’eft pour celui qui nous a tant fervi
& que vous avez fi maltraité : qui vous a levés l’un
l’autre des fonts de baptême,& à qui vous avez fait
arracher les yeux. Je vousfuppliedemc le donner,
afin qu’il fe retire avec moi , & que nous pleurions
enfemble nos pechez.
A ce difcours l’empereur répandit quelques larmes f
car il n’approuvoit pas tout ce qui s’étoit palfé , & il
répondit à faint Nil: nous fommes prêts d’accomplir
tout ce que vous defirez, fi de votre côté vous avez
égardà notre priere; & fi vous voulez bien prendre
dans cette ville un monaftere tel qu’il vous plaira, &
demeurer toujours avec nous. Comme le faint^vieil-
lard refufoit de demeurer dans la ville,l’empereur lui
propofa le monaftere de faint Anaftafe, comme hors
du tumulte & de tout tems affeôté aux Grecs.S.Nil l’a-
voit accepté par le défir d’obtenir ce qu’il demandoit:
mais le pape, non content de ce que Philagathe avoit
fouffert, le fit promener par toute la ville de Rome,
ùuiujfnm revêtu d’un habit facerdotal, que l’on avoit déchire
»icskai. pur ju^ & monté ^ rebours fur un âne dont il tenoit la
queue entre fes mains.
S.Nil en fut fi affligé, qu’il ne demanda plus Phila-
gatheà l’empereur. Ceprinceluierivoïaun archevêque
de fa fuite , qui étoit un beau parleur, & le faint
vieillard lui dit : Allez dire à l’empereur & au pape:
yoicicequeditcevieux.radoteur : Vous m ’a v e z ac-;
L i v r e ë iN Q O À V T E - s E P T iE ’ME: 313
•torde cet aveugle, non par la crainte que vous aviez ^
de moi, niâcaufedemagrandepuiffance,mais pour | 99
lefeulamourde Dieu-.ainfi ce que vous lui avez fait
fouffrir déplus, ce n’eft pas lui, c’eft à moi que vous
| l’avez fait:ou plutôt,c’eft Dieu même à qui vous avez
[faitinjure. Sachez donc, que comme, vous n’avez
[ point eu pitié de celui que Dieu avoir livré entre vos
I mains,votre perecelefte n’aura point pitié de vos pe-
| chés.Commel’archevêqueneceiroitpoint de parler,,
[ pour excufer l’empereur 8cle pape,le S.vieillard baif-
■ fa la tête feignant de s’endormir,& le prélat voyant
I qu’ifne l’écoutoit point fe retira. S. Nil montaauifi-
I tôt achevai avec les freres qui l’avoient fuivi,& mar-
I chant toute la nuit, il retourna à fon monaftere. MoMftm ae
Cen’étoitplusValdeluceauprès du mont Caffin,il s.NUprèsGaste
l’avoit quitté après y avoir demeuré environ quinze
| ans. Ce monaftere étant devenu nombreux, opulent
I ôtrenomméjleS.abbévoïoit les moines fe relâcher de x
I leur première obfervance,àquoi contribuoit la mau-
I vaife conduite deManfon abbé du mont Caifin,hom-
[ meintereffé&ennemidelapieté.S.Nilfortitdonc de
[ Valdeluce, & chercha un lieu où les moines ne puif-
fentfubfifterque par le travail,& où ladifette les retînt
dans le devoir. C’eft ce qui lui fit refufer les offres
deplufieurs villes des en virons, qui vouloient lui donner
de leurs biens, & même des monafteres tout pre-
parés-.mais il n’y trou voit point cequ’ilcherchoit,la
| iblitude,lsrepos,& 1 éloignement des hommes.Car,
difoit-il, la vie commode & fans aucun foin necon-p
vient pas aux moines de ce tems : ils n’emploient pas
leur loifirâlapriere,lameditation & la leôture de ré*
criture;maisàdevains.difcours,demauvaifespeniées
S s ij