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de venir fecourir leur ville affligée de la pefte. Nicon y
confentit ; mais à condition qu’ils chafferoient. les Juifs
de leur v ille , & il leur promit même à ce prix de paifer
chez eux le refte de fa vie. La chofe fut executée , Ôi
on vo ïo it tous les jours les malades venir en troupes
de tout le Peloponefe chercher le faint homme, qui en
les guériffant les exhortoit à penitence. U n nommé
Jean Aratus étoit le feul qui fe plaignoit de l’expulfion
des J u if s , ôc il murmuroit hautement contre N icon.
Il ofa même en faire entrer un dans la v ille , fous prétexte
de quelque ouvrage : mais Nicon s’y oppofa v i-
goureufement , ôc aïant pris un bâton qu’il rencontra
, il en maltraita le J u i f , Ôc le mit dehors : car il ne
p ouvoit fouffrir cette nation. Aratus furieufement irrité
de cette aéfion , commença à charger Nicon d’in jures,
mais il lui dit fans s’émouvoir : Reviens à t o i ,
pleure tes pechez , tu fentiras bien-tôt quel eft le fruit
de l’arrogance. La nuit fuivante Aratus eut un fonge
te r rib le , où il fe vit fouetté ôc mis en prifon , pour
avoir injurié le ferviteur de Dieu. A fon reveil la fièvre
le pr i t , il demanda pardon à N ic o n , ôc mourut le
troifiéme jour. C e t exemple répandit une grande crainte
à Lacedemone , ôc accrut beaucoup l’autorité de S.
N icon .
Un dimanche pendant les vêpres le gouverneur nommé
Grégoire joiioit à la paume autour de l’églife, enforte
que les cris des joüeurs ôc des fpecfcateurs troubloientle
fe rv ic e .N icon fo r tit,& le s reprit avec beaucoup de liberté.
Grégoire, qui aimoit le jeu & perdoit, le chargea d’injures
, ôc le fit chaffer de la ville. Mais fi-tôt qu’il voulut
lever la main pour recevoir la balle, il fut frappé de
paralyfie par tout le corps avec de cruelles douleurs.
L i v r e c i n q u a n t e - s e p t i e ’m e . 3 0 7
N ’y trouvant point de remede, il appella S. Niconfpa r
le confeil de l’évêque, ôc lui demanda pardon. La faint
homme fans lui faire aucun reproche, lui pardonna, &
le guérit ; ôc depuis ce temps Grégoire fut un de fes meilleurs
amis. S. Nicon mourut vers l ’an 998. le vingt-fi- Mmyr, R. & *
xiéme de Novembre , jour auquel l’églife tant Greque
que Latine, honore fa mémoire. Il fe fit plufieurs miracles
à fon tombeau dans fon monaftere de Lacedemone
ôc l’on y gardoit fon portrait fait par miracle, à ce que
l ’on c ro ïo it , Ôc fur lequel l ’auteur de fa vie le décrit :
ainfi II etoit grand de taille , le poil n o ir , les cheveux Ap.Smon. «n<
négligez , vétu d’un habit d’ermite fort u fé , tenant à
la main un bâton terminé en haut par une croix. Cette
vie fu t écrite environ cent cinquante ans après la mort |
du fa in t, par un abbé du même monaftere.
En France, le différend entre Arnou lév êqu e d’Q r - xliv.
lean s , ôc l’abbé de Fleury A b b o n , pour le ferment que b0p°logje d Ab'
le v êq u e lui demandoit, s'échauffait de plus en plus.
Comme Abbon alloit à Tours pour la fête de S, Mat- rnaAU.c.»,
tin , des gens de levêq ue l’attaquerent de n u it , ôc lui
firent in fu lte , jufques à bleffer à mort des o-ens de fa
fuite. L ’évêque voulant faire fatisfadion à l ’ab b é , lui
amena quelques-uns des coupables, pour être battus de
verges en fa prefence : mais l ’abbé ne voulut pas pren- ’
dre vengeance de cette injure,
^ Vers le meme temps on tint un concile de plufietîts c-t-
évêques à faint Denis en France, où on parla d’ôter les To^ cme- t -^
dîmes aux laïques ôc aux moines qui lespolfedoient, ôc
les rendre aux eveques : Abbon yrefifta fortement, ôc
excita contre les évêques les moines de faint Denis
ôc leurs ferfs. La fedition fut te lle , que les évêques furent
contraints de fe fauver, fans avoir rien fait. Se—
Qél fij