
G H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
fon pere , & pendant deux ans on lui fit inutilement
toutes fortes de remedes. Enfin fon pere crut que S.
Martin le'redemandoit : lui-même en fut perfuadé,
il fe fit couper les chev eux, 8c fe mit entre les chanoines
de faint Martin de T o u r s , la dix-neuviéme
année de fon âge l’an 858. Sa réception fut folemnel-
l e , & il y eut un grand concours de feigneurs, entre
autres Foulques le bon comte d’A n jo u , qui l’avoit
nourri quelque temps ; 8c qui lui donna aufli-tôt un
logis auprès de l ’églife , & une penfion fur le revenu
de l’abbaïe.
Odon commença alors ! s’appliquer à la priere 8c
â l’étu de , priant la nuit 8c lifant prefque tout le jour*
Après avoir étudié la longue grammaire de Prifcicn,
il fut détourné dela led ture de V irg ile , par un fonge
où il vit un vafe très-beau en dehors, mais plein de
ferpens; tk laiifant les poctes, il fe donna tout entier
à l’étude des interprètes de l’écriture fainte. Les àu-
tres chanoines le trouvoient mauv ais, demandant
pourquoi il s’embarafloit de tant de ledtures : & voulant
qu’il fe contentât de fçavoir les pfeaumes par
coeur. Mais il les laiifoit dire , 8c joignoit à l ’étude
la pauvreté 8c la mortification. Car il donna aux.pau-
vres tout ce qu’il avoit apporté avec lu i, 8c couchoit
fur une natte tout vétu. Entre fes ledtures fut celle
de la réglé de faint B e n o ît , qu’il commença dès-lors
à pratiquer autant que fon état le permcttoit. Il
jeûnoit fréquemment, ne mangeant qu’une demie
livre de pain avec une poignée de fè v e s , 8c bûvant
très-peu.
Comme il y avoit un grand concours de dévotion
! faint Martin de T o u r s , enforte que les rois- mêmes
L i v r e c i n q j j a n t e - c i n q u 1 e m e . 7
& les princes de diverfes nations y venoient avec des
offrandes : plufieurs perfonnes s’adrefloient au chanoine
Odon , tout jeune qu’il étoit ; 8c il leur don-
noit a tous les avis convenables pour la correétion
de leurs moeurs. Ils lui offroient de grands prefens,
mais il les refufoit conftamment ; & le comte Foulques
l’aïant contraint à recevoir cent fols d’or , il
les diftribua aufti-tôt aux pauvres. Il alla enfuite à
P ar is , il où étudia fous Remi d’A u x e r re , qui lui fit
lire la dialeétique de S. Auguftin 8c le traite des aits
libéraux de Marcien. On croit que cette prétendue
diale&ique de faint Auguftin eft le traite des dix ca- M i.
te^ories, qui lui étoit attribué dès le temps d’ Alcuin.
R em i, fameux do&eur de ce temps-lâ, étoit un moine
de'faint Germain d’A u xerre: qui avoit eu pour mmu. Pr*f.f*c.
maître Heric moine d e là même communauté , dif- item eio¿. urod.
ciple de Loup de Ferrieres &c de Hairaont d’Halber-
ftat , qui tous deux l’avoient ete de Raban , & celui-
ci d’A lcu in . Car il eft important de montrer la fuc- '
ceifion de la dodbrinc. ^
Odon étant revenu ! Tours s’appliqua a la leélure
des morales de faint Grégoire fur Job , & y prit tant
de p la ifir , qu’il en fit un abrégé, que nous avons.
Les chanoines de faint Martin réduits à cent cinquante
, au lieu de trois cens m o in e s , gardoient encore
beaucoup de régularité. Ils s’acquittoientfidelement
des heures féparées, aufquelles on avoit reftraint la
pfalmodie perpétuelle. Les femmes n’entroient point
dans le cloître ; 8c quelques années après,comme on
s’étoit relâché de cette obfervance, le pape Léon V I L 1 , 0 « ^ . ^
écrivit à Hugues le grand , comte de Paris & abbe
de S. Martin pour la faire rétablir.