
H H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e ^
pour ce fu je t, où tous les auteurs du crime furent excommuniez
, mais Bernon fouitrit avec grande patience
l'injure qui lui avoit été faite : il renonça vo lontairement
à fon fiege , ôc t <D J on lui donna une abbaïe
pour fubfifter.
Par la permiffion du roi on élût canoniquement
A d alb e ron, qui fut ordonné évêque de M etz dans le
même concile. Il étoit de race ro ía le , frere de Frédéric
duc de Lorraine , ôc eut un grand zele pour la
réformation des monafteres, dont il ôta les clercs
feculiers qui les occupoient pour la plû p a r t, y mit
des moines reglez , ôc leur fit rendre les biens ufur-
pez. Il prit le même foin des monafteres de reli-
gieufes.
A Clugn i l’abbé Bernon fe voïant près de fa fin, ap-
pella les évêques voifins, en prefence defquels il fe dé-
po fade toute fuperiorité : reconnoiffant avec larmes
qu’il en avoit toujours été indigne. Et pour ne pas
laifferles abbaïes qu’il gouvernoit vacantes ôc expo-
fées à l’ufurpation des feigneurs : il les partagea du
confentement des moines, à deux de fes difciples V i-
don ou Gui fon parent & Odon ou Eudes qu’il n’ai-
moit pas moins. Il les fit tous deux élire & ordonner
abbez, pour en faire les fonctions après fa mort. C ’eft
ce qui paroît par fon teftament, où il donne à V i -
don les monafteres de G ig n i, la Baume, Ethic ôc la
C e lle ou prieuré de faint Lautein. Il donne à Odon
C lu g n i, Maffay Ôc Deols. Il les exhorte tous d e u x ,
ôc les freres qui leur font foûmis à l’union entr’eu x ,
ôc à l’uniformité de l’obfervance. V id on ôc Odon
fouferivirent en qualité d’abbez à ce teftament, quieft
datté de la quatrième année du regne de R a o u l; c ’eft-
L i v r e c i n q u a k t e - c i N q u i e ’m e . y
à-d ire , de l’an p i e . Bernon mourut le treizième
Janvier de l’année fuivante. O n voit par le partage
qu’il fit de fes monafteres, qu’il ne penfo.it point encore
à former un corps de congrégation ; ôc c’eft Odon
qui a proprement commencé celle qui depuis a porté
le nom de C lu gn i.
Il naquit au païs du Maine l’an 875». Son pere Ab -
bon étoit un feigneur d’une pieté finguliere ; qui fça-
vo it l’hiftoire ôc le droit R omain , au moins les novel-
les de Juftinien : car les feigneurs rendoient alors la ju-
fticeen perfonne, A b b o n s ’en acquittoit fi bien,qu’on
le prenoit pour arbitre de tous les différends ¡ôc il
étoit chéri de tout le m on d e , particulièrement de
Guillaume le pieux duc d’Aquitaine , qui fut le fondateur
de C lu gn i. A b b o n fa ifo it toujours lire l’évangile
à fa table, ôc obfervoit exa&ement les vigiles des
fê te s , paifant ces nuits fans dormir, particulièrement
celle de Noël. C e fut en celle-ci qu’il obtint par fes
prières d’avoir ce f i ls , quoique la femme fût déjà
avancée en âge ; Ôc comme il étoit au berceau il l’o ffr
it à S, Martin. D ’abord il le donna à un prêtre de
fa dépendance, pour commencer à l ’inftruire des lettres
: enfuite il le vit fi bien fa it , qu’il changea ledef-
fein de le confacrer à l’églife ¡-ôc le mit au fervice
du duc Guillaume , pour apprendre les exercices des
armes. Mais le jeune Odon commença bien-tôt à
craindre qu’il ne fut pas dans la vo ie où Dieu le voulo
ir : la chaife n’étoit pour lui qu’une fatigue ôc il ne
goutoit point les divertiflemens de fon âge. Il avoit
près de feize ans , quand un jour de N o ël il fut faifi
d’un mal de tête fi v io len t , qu’il crut être à la mort ;
ôc ce mal lui, dura trois ans. On le ramena chez
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