
H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e ."
du comte 5 il ne prenoit que du pain & de l’eau ; il
en vint jufquesà ne voulo ir plus monter à cheval, & à
ne marcher que iiir un âne. O n s’en moquoit & on le^
traitoit d’infenfé ; mais il demeuroit ferme en là làinte
réfolution, & paiïa trois ans en cet état.
Ce qui le retenoitàlacour étoit le defir de confèrver
les terres qu’il tenoit du comte , pour les confàcrer à
Dieu.Outre qu’-il ne iàvoit quel genre devieembraf-
lè r , & à qui s’adrelTer pour là conduite 5 tant la N o r mandie
étoit alors dépourvue de bons guides pour la
vie ipirituelle. Les prêtres & les évêques mêmes étoient
mariez publiquement, & portoient les armes comme
des laïques j tous gardoient encore les moeurs des anciens
Danois. Enfin il découvrit au comte le deiïèin
qu’il avoit dele retirer dans un monaftere, & obtint
de lui pour récompenlè de les lèrvices la difpofition de
fes biens & de tous ceux de là famille. A uffi-tôt il commença
à bâtir un monaftere dans une de lès terres nommée
Bornèville, & non content de conduire l’ouvrage,
il y travailloit de fès mains. Il creufbit la terre, por-
toit fur lès épaules les prières, le fable & la chaux,
malfonnoit lui-même,& en l’ablènce des autres il amafi-
foit ce qui étoit neceflaire pour leur travail. Il jeûnoit
tous les j ours, & ne mangeoit qu’à la fin de la journée
cir.secc. après avoir fini ion ouvrage.C’étoit l’an 10-3 4.6c H el-
loüin, qui avoit alors quarante ans, ne fçavoit pas lire,
fuivant les moeurs de la nobleffe de ce tems-là , qui
mépriibit entièrement les lettres. A cet âge il com-
mença< à apprendre le pièautier, & yemplo yoit p r e f
que toute la nuit j>our ne rien perdre du travail de la
journée. H ne laifla pas depuis d’entendre fi bien le fèns
des fàintes écritures, qu’il étonnoit les gens de lettres.
L i v r e c i n q u a n t e -n e u v i e ’ m î
V ou lan t apprendre la vie monaftique, il alla à un
certain monaftere ; & après avoir fait fa priere, il s’approcha
avec grand refpeét de la porte de la maifon,
comme fi ç’eût été la porte du paradis. Mais voyant
des moines bien éloignez de la gravité de leur pro-
feifion, il en fut troublé, & ne fçavoit plus quel genre
de vie il devoit embraifer: Alors le portier le voyant
entrer plus avant, & le prenant pour un voleur, le iàifit
par le coude toute fa.force , ô d e tira hors la porte le
tenant aux cheveux. Helloüin iouffrit cet affront fans
dire une parole. A N o ë l il alla à un autre monaftere de
plus grande réputation. Mais il y v it les moines pendant
la proceilion , fàluer en riant les feculicrs, d’une
maniéré indecente , montrer avec complaifànce leurs
beaux ornemens, & s’empreiTèr à qui entrerôit le'premier
, jufques-là que l’un deux donna à celui qui le
preffoitun tel coup de poing , qu’il le fit tomber à la
renverfè : tant les moeurs des Normands étoient encore
barbares. Toutefois la nuit iuivante étant demeuré
p ou f prier en un coin de l’églifè, il v it avec grande con-
iolation un moine, qui fans le voir , fè vint mettre auprès
de lu i, 8c demeura en prières jufques au jo u r , tantô
t profterné , tantôt à genoux.
Ne trouvant donc point de monaftere à fôn g r é , il
revint aceliii qu’il b â tiffo it,& en fit coriiaCfer leglife,
par Herbert évêque de Lifieux, qui en même tems lui
d on n a l’habit monaftique ; 8c trois ans après, comme
il avoit déjà rafïèmblé plufieurs difcïplës y il l ’ordonna 0riUric-
pretre & abbé. Helloüin continua à fndritréf l’exemple
du trayail. Après que l’office étoit achevé à l’églifè,
il marchoit le premier aux champs, ibit pour labourer,
ibitpour ièmer, foit pour porter du fumier ou le ré-
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