
u § H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
dre, d it - i l , à la-vieilleife , pour t’engager dans la
vie monaftique,fi tu l’as réfolu.Non,repondit-il, Dieu
ne veut pas que nous foïons bons par neceiTue:un v ieillard
n’a plus la force de le fervir, non plus que de porter
les armes pour fon prince. Je veux fervir Dieu dans
ma jeuneiTe, afin qu’il honore ma vieilleife. Le Sarrafin
touché de ced ifcours ,lui montra le chemin,6c le quitta
en lui donnant des benedidlions, 8c l’encourageant a
fuivre fon delfein. N il fut faifi de crainte , fongeant
au péril qu’il avoit évité ; & fa peur augmenta, quand
il entendit le Sarrafin revenir encourant 4 8c criant
qu’il l ’attendît. C e lu i-c i l’aïant jo in t , lui donna des
pains fo r t blancs qu’il a voit apportez , voïant qu’il
n’avoit aucune provifion , ôc lui fit excufe de n’avoir
rien de meilleur à lui donner : mais en même temps il
blâma fa crainte 8c la mauyaife opinion qu’il avoit de
lui.
p. 11. Etant près du monaftere il rencontra un cavalier qui
vou lu t le détourner d’y entrer, difant mille maux des
moines : les traitant d’avares, de glorieux , de gour-
mans. Je tiendrois, di t - i l , tout entier avec mon chev
a l dans une des chaudières de leur cuifine. N il vou loir
lui répondre ; mais il s’enfuit fans l’écouter ; 8c N il
entra enfin dans le monaftere de S. Nazaire. L ’abbé
6c les moines le reçurent avec grande charité , 6c le
voïant fatigué du chemin,ils lui donnèrent du poiflon
8c du vin : mais il fe contenta de pain 6c d’eau. Il
pria qu’on lui donnât l ’habit monaftique , à condition
toutefois qu’au bout de quarante jours il retourneroit
au monaftere,où il a vo it d’abord été reçû. L’abbé vouloir
aulfi-tôt qu’on l’eût fait moine, lui donner le gouvernement
d’un autre monaftere : mais N il trouva
L i v r e c i n q u a n t e - s e p t i e ’m e .' 1 1 9
cette proposition fi étrange que deilors il fit ferment
de n’accepter jamais aucune dignité.
Le temps étant accompli, il retourna au monaftere
de Mercure, où les peres le reçurent avec une grande
joïe : particulièrement Fantin avec lequel il lia une
amitié très-étroite. On en parla quelque temps après à
Jean Supérieur de tous ces monafteres , qui aïant
éprouvé fon obéiifance en plufieurs maniérés, en demeura
très-fatisfait, 8c le retint quelque temps auprès
de lui. Enfuite,du confentement des peres, il fe retira
près du monaftere dans une caverne où étoit un autel
dédié à S. Michel. Là il s’impofa cette maniéré de vie.
Depuis le matin jufqu’à tierce il s’appliquoit à écrire ,
car il écrivoit bien 6c vite. Depuis tierce jufques à
fexte , il fe tenoit devant la croix, recitant le pfeautier
6c faifant mille génuflexions. Depuis fexte jufques à
n o n e , il demeuroit a f lis , lifant 6c étudiant l ’écriture
fainte 8c les peres. Après avoir dit none 6c vêpre s, il
fortoit de fa cellule pour fe promener 8c fe relâcher,
fans toutefois fe détourner de Dieu , qu’il confideroit
dans fes créatures , méditant quelques paifages des
peres. Après le foleil couché il fe mettoit à table 6c
mangeoit ou du pain fec , ou fans pain des herbes
cu ite s , ou du fruit félon la faifon. Sa table étoit une
groife pierre, 6c fon plat un morceau de pot de terre,
il ne beuvoit que de l ’eau 6c par melure. Il eflaïoit
d’imiter toutes les maniérés de vivre qu’il lifoit dans
les anciens. A in fi il pafla jufques à vingt jours fans
manger que deux fo i s , 8c fit trois fois cette expérience.
Pendant un an il ne but qu’une fois le mois ,
quoiqu’il ne mangeât que du pain fec : mais il quitta
cette pratique, pour ne fe pas deifecher le poulmon:
F f iij
Vie eremetique
le S. Nil.
». 18.
». z8.
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