
656 DISTRIBUTION DES PLANTES
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siliceux, tandis que dans les Alpes occidentales, où il existe seul,
on le rencontre indifféremment sur les terrains calcaires et sur
les sols siliceux. Une espèce peut aussi en supplanter d'autres par
la manière facile dont elle se fractionne et dont elle multiplie
ses individus. C'est de cette manière que l'Élodée canadienne,
depuis son introduction en Europe, chasse peu à peu de tous les
fossés, étangs et ruisseaux presque toutes les espèces aquatiques
qui vivent dans des conditions analogues aux siennes.
L'extension de certains insectes nuisibles, l'influence directe des
animaux herbivores, et surtout les modifications apportées par la
culture dans la végétation, sont aussi des causes qui agissent puissamment
sur la distribution des espèces.
Influence de la répartition antérieure et du mode de dissémination.
— L'influence des conditions de milieu et celle de la lutte
pour l'existence ne suffisent pas pour expliquer la distribution
actuelle des plantes. Des deux côtés d'une mer, deux continents
peuvent offrir des climats identiques et pourtant être peuplés
d'espèces différentes. C'est qu'il y a un état antérieur, dont il
faut toujours tenir compte. La forme des continents n'a pas été la
même aux diverses périodes géologiques; même aux époques
les plus récentes de l'histoire du globe, la distribution des terres et
des mers a subi de notables ^changements. Il en résulte que les
climats ont eu autrefois une répartition très différente de celle
qu'ils ont actuellement. Mais sur cet état antérieur on n'a, comme
on le verra plus loin, que des renseignements forts incomplets.
Il faut considérer aussi le mode de dissémination des plantes.
Une mer, une haute chaîne de montagnes, peuvent être un obstacle
à la propagation d'un végétal. On s'en assure en transportant
des graines d'un continent à l'autre. Si les espèces ainsi introduites
prospèrent et luttent avantageusement contre les espèces
indigènes, c'est bien évidemment qu'aucune graine de ces plantes
n'avait pu jusqu'alors traverser la mer considérée. On peut citer
comme exemple la naturalisation facile en Europe de plusieurs
espèces de l'Amérique tempérée (Élodée canadienne, Vergerette
canadienne, etc.), et réciproquement.
Limites de végétation. — Pour observer dans toute sa netteté
l'influence des conditions de milieu, et notamment de la quantité
de chaleur, sur la distribution des plantes, il faut choisir une localité
assez restreinte pour que les graines et les spores puissent
y etre disséminées dans tous les points, et qui présente cependant
des différences considérables de climat; une région montagneuse
de la zone tempérée remplira bien cette double condition. Nous
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prendrons pour exemple la chaîne de Belledonne, dans les Alpes
françaises.
Si l'on s'y élève, depuis le fond d'une vallée basse jusqu'audessus
de la limite des neiges éternelles, on rencontre successivement
plusieurs végétations d'aspect différent.
La région basse, presque partout envahie par les cultures, présente
la végétation ordinaire des coteaux peu élevés, à cette
latitude; les bois de Chêne ou parfois de Hêtre sont dominants.
Au-dessus de cette zone inférieure, on ne tarde pas à entrer dans
une région qui renferme une tout autre végétation : c'est la sone
subalpine. Les Sapins sont les arbres les plus abondants. Le
Chêne a disparu lorsqu'on atteint cette zone ; le Hêtre cesse aussi
bientôt de croître. D'autres arbres dicotylés deviennent, au contraire,
relativement plus nombreux (Frêne, Bouleau, Sorbier des
oiseleurs. Aune vert) ; mais ce sont les Abiétacées qui forment
surtout les forêts (Sapin pectiné, Pesse élevée). Dans les forêts de
Sapins et de Pesses, et là même où les forêts manquent, une
végétation herbacée, spéciale à celte zone et comprise entre
des limites d'altitude déterminées, peut être considérée comme
très caractéristique. Ce sont le Mélampyre des bois, le Prénanthe
pourpre, la Pirole seconde, le Muigède alpin, etc , el, parmi les
plantes ligneuses, l'Airelle vigne-d'lda, un certain nombre d'espèces
de Chèvrefeuilles, de Groseilliers, etc.
Quand on a dépassé la région où les Sapins et les Pesses peuvent
croître, la végétation çhange assez brusquement. L'ensemble
des plantes qu'on trouve alors répandues sur les rochers ou dans
les prairies prend bientôt un caractère particulier. On appelle
cette zone la zone alpine inférieure. Des arbustes comme les
Rosages, les Genévriers nains, certains Saules, etc., y sont très
abondants et les plantes herbacées présentent à cette hauteur une
diversité de formes très remarquable. On peut citer, parmi celles
qui sont les plus répandues et les plus caractéristiques, les Dryade
oçtopétale, Anémone alpine, Renouée vivipare, Phléole alpine.
Silène acaule, etc.
Si l'on s'élève encore plus haut, on atteint les éboulis et les
maigres prairies qui avoisinent les névés. Les Mousses et les
Lichens fournissent alors les espèces dominantes ; il ne subsiste
plus qu'un nombre restreint de plantes vasculaires : la Saxifrage
bryoïde, la Renoncule glaciale, le Saule herbacé ; ce dernier est
la plante phanérogame qui s'élève le plus haut, avec le Pavot
alpin et le Paturin lâche. Cette zone, qui peut être caractérisée par
un certain nombre de plantes vasculaires, toutes vivaces, à rhizo-
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