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 main,  me  traînant  après  lui  à  travers  les  marais  et  
 les  rivières.  Le-tonnerre,  l’obscurité,  les  hurle-  
 niens  des  betes  feroces  étaient  effrayansj  mais  le  
 bruit  que  fit,  en  tombant,  un  gros  arbre  que  le  
 vent  renversa près  de  nous,  me le parut encore  davantage. 
   Il  pouvait  être  minuit  quand,  épuisé  de  
 fatigue  d’une marche  si pénible,  je  laissai  échapper  
 de ma main  le bout  de  la pièce  d’étoffe ;  je  tombai  
 à  terre  et  je  m’endormis  à  l ’instant.  Mon  guide  
 fidèle  s aperçut que  j’étais séparé  de lui;  il me chercha  
 aussitôt, me  trouva,  e t ,  m’ayant  éveillé,  parvint  
 à  me  faire  comprendre  que  je mourrais,  si  je  
 restais  là. Nous  nous  remîmes  en  marche  ;  au  bout  
 d une heure,  il fallut traverser une rivière débordée  
 au  loin,  et  dont  les  eaux,  au  milieu  de  son  l i t ,   
 s élevaient au-dessus  de mon menton. Après ce dernier  
 effort,  je perdis toute  autre sensation  que  celle  
 de  la  lassitude  et  du  sommeil,  et  je  trouvais  une  
 sorte de plaisir à m’y   livrer. 
 L e bon Aschante me porta des bords  de  la rivière  
 dans  un  endroit  plus  sec;  j’y   dormis  environ  une  
 heure,  n’ayant plus  sur moi  que  lambeaux  de  mes  
 vêtemens. A  mon  ré v e il,  je  fus  bien  surpris de  revoir  
 mon  Aschante  avec  une  torche  et  un  de  ses  
 compagnons.  Il  me  chargea  sur  ses  épaules,  et  en  
 trois  quarts-d’heure  nous  arrivâmes  à  Akrofroum.  
 Cet  homme  savait  que  j’avais  sur  moi  plusieurs  
 onces  d’or  pour notre  subsistance  en  route;  je  n’avais  
 pas  voulu  les mettre  dans  notre  bagage,  crai- 
 (  m) 
 gnaht >  dans  une telle  saison et par  une  si  mauvaise  
 route ,  de m’en  trouver  séparé.  Dans mon  état d’épuisement  
 et même d’insensibilité, ma  vie était entre  
 ses mains ;  la  forêt  était  tellement  infestée  de  bêtes  
 féroces,  qu’après m’avoir tué,  il aurait pu dire,  sans  
 risquer  d’encourir  aucuns  soupçons,  qu’elles  m’avaient  
 dévoré.  Nous n’arrivâmes  à  Akrofroum qu’à  
 deux heures du matin;  tous  les habitans  étaient endormis, 
   cependant  on  me  procura  un  bon  logement, 
   où  l ’on  me  donna  de  l ’eâu  pour  me  la v e r ,  
 des fruits,  du  vin de  palmier,  un excellent  lit  composé  
 de nattes  et  de  coussins ,  et  une  grande quantité  
 de pièces d’étoffes du  pays pour me couvrir,  car  
 j’étais presque nu. Après m’être  lavé ,  je m’enveloppai  
 d’étoffes  roulées  les  unes  sur  les  autres,  jusqu’à  
 ce  que je  devinsse  d’une grosseur prodigieuse ;  une  
 transpiration  abondante  me  préserva  de  tout malj  
 j’en fus quitté pour  un léger accès de  fièvre. 
 Yers midi,  un  de  nos  soldats  arriva>  ce  qui  me  
 donna  l’espoir  de  revoir  M.  Tedlie;  en  effet,  il  
 parut  quelques  instans  après,  ayant  laissé  ses  compagnons  
 embourbés  dans  un marais,  pù  ils  attendaient  
 qu’il  leur envoyât  du secours. L e   plaisir  que  
 nous  eûmes  à  nous  revoir  fut  réciproque. La seule  
 nouvelle  qu’il  avait  eue  de  moi  n’était  pas  rassurante. 
  Mon  domestique avait rencontré un Aschante  
 qui  portait des  lambeaux  de mes  vêtemens ;  il  soutenait  
 qu’il ne  les  avait  pris  à  personne  et  les  avait  
 ramassés  dans  la  forêt.  Les  pieds  de  M.  Tedlie  
 avaient encore,  plus que les miens,  été déchirés par