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 Fêtes  et  coutumes. 
 Là fête  de l’Igname  se  célèbre  tous  les ans  ,  a  l»é-  
 poque de la maturité de cette plante dont la racine se  
 plante en  décembre, et ne  se mange  qu à la  fin  de la  
 fête  ,  vers le  commencement  de septembre. Tous les  
 cabocirs  et  capitaines,  ainsi  que  les  princes  tributaires, 
   sont  obligés d’y  assister.  Personne  n’est  dispensé  
 de  cette  obligation,  que  les  rois  d Inta  et  de  
 Dagoumba  qui  envoient  des  députations  de  leurs  
 principaux cabocirs,  et que ceux qui ont été chargés  
 d’une mission  par  le  gouvernement.  Lorsqu un  chef  
 ou cabocira commis une offense, ou qu’on soupçonne  
 sa fidélité, il est rare.qu’il  soit accusé  ou  condamné  
 avant la  fête de l’Igname à laquelle il assiste,  souvent  
 sans  se  douter q-u’il va être mis en  jugement,  et sans  
 soupçonner  les  griefs  qui lui seront  imputés.  La fête  
 de  l’Igname ressemble  aux  saturnales.  Tant  qu elle  
 dure  , on  ne  punit  ni  le  v o l ,.  ni  la  séduction ,  ni  la  
 débauche  ;  la  liberté  la plus effrénée  règne partout,  
 et  chaque  sexe  s’abandonne  à ses passions. 
 Le vendredi,  5  septembre  , la  foule  sans cesse  renaissante  
 qui arrivait  de  tous  côtés  à  Coumassie,  la  
 splendeur  et  la  variété  des  cortèges,  aipsi  que  la  
 bizarrerie  des  costumes,  nous  offrirent  un  coup 
 d’oeil  aussi  agréable  qüe  surprenant ;  mais  notre  
 plaisir  fut  considérablement  diminué,  lorsque  nous  
 apprîmes  que  les  principaux  cabocirs  immolaient  
 à leur entrée  un  esclave  dans  chaque  quartier  de  la  
 ville. 
 L e  samedi après  midi  ,Ae  roi  reçut  tous  les  cabocirs  
 et  le si  capitaines dans  la  grande  place  où  sont  
 places  les  canons  du Dankara.  Le  spectacle  qui  se  
 déploya  sous nos yeux avait tou te la magnificence de  
 celui que noq^  avions  vu  a  notre  entrée;  mais  nous  
 étions destines a  etre témoins de  nouvelles horreurs.  
 Deux troupes de bourreaux, chacune de plus de cent  
 hommes,  agitaient en  l’air les  crânes  de  tous les  rois  
 et  cabocirs  ennemis  ,  tués  depuis  le  règne  de  Saï  
 Toutou  jusqu a ce jou r , et ceux des chefs qui  avaient  
 été  mis.  à mort  pour  s’être  révoltés.  Ils  exécutaient  
 une  danse  caractéristique,  faisant  tantôt  les  grimaces  
 les  plus  grotesques,  tantôt  les  gestes  les  plus  
 effrayans,  et  frappant  leurs  couteaux  contre  les  
 crânes^  dans  lesquels  on a  soin  de mettre  des branches  
 de  thym  pour  empêcher  leurs  esprits  de  
 troubler  le  roi.  Je  n’ai  jamais  éprouvé  un  sentiment  
 de  reconnaissance  aussi  vif  envers  Dieu  pour m’avoir  
 fait  naître  dans  un  pays  civilisé.  Faire des  décharges  
 de mousqueterie et boire du  vin de palmier,  
 était  la  seule  diversion  que  les  chefs  se permissent  
 pendant  que  les  cabocirs  défilaient devant le roi.  Ils  
 .étaient annoncés , et  faisaient successivement  le  tour  
 du  cercle  ,  saluant  chaque  dais  ou  parasol.  Chacun  
 était  précédé  de  son  corps  de  musique.  Nous 
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