était annoncée par des décharges de mousqueterie
et par les âirsparticuliers de leurs musiciens, dont ,la
plupart nous étaient alors familiers. Ils portaient les
vetemens avec lesquels ils marchent aux combats,
et se perdirent bientôt dans la foule. Le vieux Odou-
inata, en passant devant nous dans son hamac, nous
dit de bien le remarquer lorsqu’il reviendrait; ce
qui nous prépara un peu au changement de costume
que nous vîmes bientôt après.
c alors 1 arrivée du roi dans la place
du marché. La foule se précipita aussitôt de ce côté;
mais en un instant les soldats eurent^ formé la haie
pour le passage de la procession, Quatchie-Quofie
parut au milieu de sa suite, qui faisait retentir l’air
de ses louanges. Il se roulait de coté et d’autres,comme
sil eut été ivre. La joie brillait dans ses veux, sans
doute à lidée des sacrifices qu’il méditait. Ses attitudes
répondaient à l’horreur et à la barbarie de
ses sentimens. Les victimes, les joues traversées par
de grands couteaux, le regardaient d’un air d’in-
différence;, quant à lui, il jetait sur eux des regards
ou se peignaient une joie farouche qui tenait presque
de la frénésie; les unes étaient accablées d’insultes;
les autres, comme si leur sort n’était pas déjà assez
cruel, se voyaient tournées en dérision. Là surprise
fit un instant diversion à l’horreur dont nous étions
saisis : ces chefs, que nous venions de voir passer
dans leurs vêtemens de guerre, reparuren t alors à la
suite de Quatchie-Quofie, dans toute la spendeur
de leurs costumes de fête. La variété piquante de
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leurs mouvement n’était pas en harmonie avec une
cérémonie funèbre. Le vieil Odoumata était, couvert
de fétiches qui, suivant l’usage, étaient enfermés
dans des étuis d’or ou d’argent. CJne foule d orne-
mens nouveaux et magnifiques réfléchissaient les
rayons du soleil. C’était comme une superbe panto*
mime après une sombre tragédie.
Noussuivîmes la foule jusqu’à la place du marché.
Le roi et les chefs, qui n’étaient pas intimement unis
avec Quatchie-Quofie, étaient assis sous leurs parasols
avec leur cortège ordinaire, et formaient
une espèce de demi-cercle qui pouvait avoir un
demi-mille de circonférence. Il fut complété par ,
les troupes qui avaient à leur tête leurs chefs respectifs.
Treize victimes, entourées de leurs bourv
reaux, à qui leurs vêtemens et leurs bonnets noirs
à poil donnaient plutôt l’air d’ours que de créatures
humaines , étaient pressées étroitement par la foule
à la gauche du roi. Les groupes de femmes, que
j’ai déjà décrits, couraient autour du cercle en chantant
à grands cris l’hymne funèbre. Le rhum et le
vin de palmier coulaient à grands flots; les cors et
les tambours faisaient un fracas qu’il est impossible
de dépeindre.
i Tout-à-coup une décharge de mousqueterie partit
d’auprès du roi, et fut suivie de mille autres qui
se succédèrent de tous côtés sans interruption pendant
plus d’une heure. Les soldats gardaient leurs
places ; mais les chefs, après avoir tiré, bondissaient
au milieu du cercle en faisant les gestes les