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 dans  un  endroit  où  il  y a  des oeufs;  les autres fuient  
 les  volailles ;  ceux-ci ont  une sainte horreur pour le  
 boeuf ;  ceux-là  marmottent  quelques  prières  ,  s’ils  
 rencontrent un cochon. Le schérif more, apercevant  
 un  jour un morceau  de  porc  dans  la  chambre  d’un  
 domestique,  fit tant de bruit que je crus qu’on l ’avait  
 frappé  ;  ses  cris  ne  cessèrent  que  lorsque  j’eus ordonné  
 de transporter ailleurs l’objet de  son aversion. 
 Lundi, 22.  — Le roi et presque tous les capitaines  
 partirent  de  bonne  heure  pour le camp;  plusieurs  
 m’envoyèrent  faire  des  complimens  avant  leur  départ. 
 Mercredi, 24.  —■ Le roi et toute  sasuite  revinrent  
 dans  la  soirée.  Le  ro i,  en  passant  sur  la  place  du  
 marché,  m’ayant  aperçu  à  la  porte  de  ma  maison,  
 donna ordre de prendre,  pour  rétourner  au  palais,  
 la  rue  où  je demeurais. Tous  les  chefs me  saluèrent  
 en  passant.  Le ro i,  le seul qui ne marchât pas à p ied ,  
 commanda à son  cortège de s’arrêter,  et me présenta  
 sa main ,  que je  pris ,  en  le  félicitant  de son  retour  
 dans  sa  capitale.  Il  me  demanda  si  je  me  portais  
 b ien ,  et me  fit un  signe  du  doigt  comme  pour  me  
 reprocher de ne l’avoir pas suivi au  camp. Il m’envoya  
 ensuite faire des complimens ; quelques-uns des chefs  
 suivirent  son  exemple. 
 Jeudi,  ?5. —   Comme c’était  le  jour  de  Noël,  je  
 déployai le pavillon,  et  je  célébrai la fête avec toute  
 la  solennité possible.  Plusieurs  chefs,  qui en  furent  
 instruits, m’envoyèrent complimenter,  espérant re~ 
 cevoir un présent ;  mais  ils  furent  trompés  dans leur  
 attente. 
 Vendredi,  26, — Baba vint me voir pour nie parler  
 de  Sam Brue,  le marchand d’esclaves, et me  fit entendre  
 qu’il  voudrait  bien  que  j’obtinsse  son  rappel  
 au  Cap-Corse.  Brue  était  son  ami,  me dit-il ;  j’étais  
 aussi  son  ami;  le  gouverneur  était  mon  ami;  rien  
 ne pouvait donc être plus facile que d’arranger cette  
 affaire.  Je  répondis  à  Baba que  personne  ne  devait  
 s’entremettre  dans  ces sortes de choses.  Le matin,  il  
 avait  reçu  de  Brue  de  la  poudré,  des  fusils,  et  des  
 étoffes, en paiement d’esclaves qu’il lui avait envoyés.  
 Il avait apporté une  des  pièces  d’étoffes  pour me  la  
 montrer.  C ’était  un  tissu  fort  grossier,  couvert  de  
 grands dessins rouges.  Je  lui dis  que,  lorsqu’il  la laverait,. 
  il ferait  bien de prendre  son bâton et mettre  
 ses  sandales  pour  courir  après  les  couleurs.  lim e   
 répondit  qu’il  s’en  était  déjà  aperçu,  et qu’en ayant  
 lavé  un  morceau ,  il  ne  pouvait plus dire  de  quelle  
 couleur il était. 
 Il commença alors  une  longue  dissertation  sur les  
 avantages de  la traite des nègres pour  les Aschàntes,  
 et sur les changemens qui s’étaient opérés depuis qu’il  
 était venu dans ce pays : Dieu, disait-il, allait ôter aux  
 blancs  leur puissance,  pour  la  transférer  aux  noirs  
 et  aux  mores.  Je  lui  demandai  s’il  voulait  donner  
 un  démenti  àMahomet,  qui disait,  dans  l’Alcoran,  
 que  les  blancs  auraient  jusqu’à  là  fin  le  souverain  
 empire,  à  cause  de  la  conduite  des  enfans  de Noé  
 à  l’égard  de  leur  père  lorsqu’il  était ivre;  il me  dit