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 capitaines,  dit  que  le  gouverneur  était  un  brave  
 homme  de m’envoyer de For toutes  les fois  que  j’en  
 demandais. Je;  lui expliquai que les  Anglais  n’étaient  
 pas dans l’usage de  se  faire  réciproquement des  présens  
 d’o r ,  et que  c’était ma  paye  que  je  recevais.  Il  
 m’annonça  qu’il  ferait  repartir ces messagers mardi.  
 Deux  d’entre  eux étaient  revenus  revêtus  d’uniformes  
 anglais)  ces gens faisant partie des  trente que  le  
 gouverneur  devait  équiper  à  la  requête  du  roi.  Ce  
 prince me  pria  de  goûter  une bouteille  de  teinture  
 de  rhubarbe  que  le  gouverneur  lui  avait  envoyée  ;  
 je  lui  obéis,  de  peur  qu’il  ne  crût  que  c ’était  une  
 boisson  pernicieuse.  Il me fallut  ensuite goûter  de la  
 teinture  de  canelle  qu’il  avait  reçue  quelque  temps  
 auparavant.  Je le  fis avec beaucoup  de  répugnance ;  
 car  j’avais  été  très-malade  le  matin,  et  j’avais  pris  
 médecine  quelques  instans  avant  de  me  rendre  auprès  
 du  roi. 
 Dans  l’après  midi,  Àpokou  vint me voir;  il  avait  
 entendu dire  qu’Adou  Bradie  était  allé  à  bord d’un  
 vaisseau,  et  qu’on  avait hissé  quatre  cents  pavillons  
 pour  le  recevoir  (1).  C’était  un  des motifs  pour  lesquels  
 les  capitaines  n’aimaient pas qu’aucun  sujet du  
 roi  apprît  à  lire  et  à  écrire';  ils  devenaient  alors  
 comme les blancs,  et  voyaient tant de belles choses,  
 qu’ils  ne  pensaient  plus  à  revenir  en  Aschantie,  Je 
 (1)  On  faisait sécher  ce  jour-là  les  pavillons  de  signaux  à  
 bord du vaisseau  du roi le  Cherub , qui était sur  rade devant  lé  
 Cap-Corse.  ' 
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 lui dis, q u e ,  si  cela  lui  déplaisait,  on  changerait  de  
 méthode.  «  Nous  sommes  tous  charmés  de  savoir,  
 reprit-il,  que  les  Aschantes  soient  bien  traités  au  
 Cap-Corse ;  mais  cela leur fait tourner la tête,  parcç  
 qu’ils  n’y sont  pas accoutumés.  » 
 Le  roi  épousa,  il  y  a  plusieurs  années,  une  des  
 filles  d’A pokou;  c’est  encore  aujourd’hui l ’une  des  
 plus belles  femmes  de  Coumassie;  elle  doit  avoir  
 été d’une beauté remarquable. Le  chefdes eunuques  
 ayant découvert une intrigue entre elle et un esclave,  
 dit au  roi qu’une  de  ses  épouses  lui  avait  été  infidèle.— 
 Qu’elfe  meure  à  l’instant,  s’écria  le  monarque  
 dans  un  transport  de  rage  !— C ’est  la  fille  
 d’A pokou, lui  dit  tout  bas  l’esclave.  Le  roi  se  leva  
 en  silence  ,  et  se rendit au Harem.  Il fit  venir  la coupable; 
   e t ,  détournant  la  tête  à  sa  vue,  en même  
 temps  qu’il levait le  rideau  pour la  laisser passer,  il  
 s’écria  :  —•  « A lle z ,  vous  êtes libre !  Yotre  père  fut  
 mon père  (x ) ,  il est mon ami;  c’est  pour  lui  que  jè  
 vous  pardonne.  Lorsque  vous  trouverez  un  homme  
 que  vous  croirez  digne  de  vous,  instruisez-m’e n ,  
 je  lui  donnerai  de  l ’or ».  Apokou  n’a  pas  permis  à  
 cette  femme  de  se  remariei\ 
 Lorsqu’une  exécution  ou  un  sacrifice  public doit  
 avoir  lieu  ,  les  cors  d’ivoire du  roi annoncent  la cérémonie  
 à la  porte  du  palais  «  Voe u !  voeu!  mort  ! 
 (i)  On verra  ,  dans la  deuxième partie ,  que le  roi actuel,  
 avant d’être  appelé  inopinément  au  trône,  portait une queue  
 d’éléphant  devant Apokou.