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 lugubre;  pendant  que  les  bourreaux  immolent  les  
 victimes,  la musique  joue  un  air particulier  jusqu’à  
 ce que  l ’opération  soit  terminée. 
 L e   plus  grand  sacrifice  humain  qui  ait  été  fait  à  
 Coumassie pendant mon séjour,  eut  lieu,la veille de  
 la  fête  de l’Adaï,  au commencement de  janvier. J’en  
 fus informé mystérieusement  deux  jours auparavant  
 par  une  personne  que  je  ne  dois  pas  nommer. Mes  
 domestiques  ayant été écartés,  je m’entendis  adresser  
 ces  paroles  :  «  Chrétien,  prenez  garde,  ayez  
 l ’oeil'sur,  votre  famille,  l’ange  de là  mort  a  tiré  son  
 ép é e ,  et  frappera  bien  des  Aschantes.  Lorsque  le  
 tambour  battra  la  veille  de  l’Adaï  ,  ce  sera  le  
 signal  de  mort.  Évitez  le  ro i,  si  vous  le pouvez,  
 mais  ne  craignez  rien.  »  Au  moment  où  je  commençai  
 à entendre  battre  lè  tambour,  j’étais  assis.,  
 occupé  à  réfléchir  aux  horreurs  et  aux  barbaries  
 qui  se  préparaient.  En  recevant  l’ordre  de  me  
 rendre  près  du  r o i ,  je  ne  pus  m’empécher  de  
 tressaillir ;  car  c’est  la  manière  dont  il  s’y  prend  
 quand  il  veut  faire  périr  un  capitaine  ou  un  personnage  
 de  distinction.  Il les  envoie  chercher  sous  
 un  prétexte  quelconque ;  et,  au moment où  le malheureux  
 entre  dans le  palais,  des  esclaves  le  saisissent, 
   le  garrottent  et  le  teri’assent.  Si  l’on  craint  
 qu’en  mourant  il ne  jure  la  mort  de quelqu’un par  
 vengeance,  on  commence par lui  enfoncer  un  couteau  
 dans  la  gorge ;  on  l’accuse  alors  d’un  crime  
 réel  ou  supposé, et  il périt  au  milieu  des  tortures. 
 Pendant que  j’étais  avec le  r o i,  les officiers  dont  
 la  fonction  est  d’assister aux  sacrifices,  et qui sont  
 dans  la  confidence  du  prince,  entrèrent  aymés  de  
 leurs  couteaux,  etc.  Le  roi  envoya  dire  à  un  chef  
 de  venir  le  rejoindre  chez  sa  mère,  et  lui-meme  
 s’y   rendit  bientôt,  après  avoir  donné  ordre  qu on  
 me  fit sortir par  une  autre  porte. 
 Ce  sacrifice  eut  lieu , parce  que le roi  s’était imaginé  
 que s’il  lavait  les  os  de sa mère et de ses soeurs  
 qui  étaient  mortes  depuis  qu’il  occupait  le  trôn e ,  
 celte  cérémonie rendrait le  fétiche favorable ,  et assurerait  
 le  succès  de  la  guerre.  Leurs  ossemens  
 furent  donc  retirés  de  leurs  cercueils,  et trempés,  
 en  grande  cérémonie,  dans  du  rhum  et  de  l ’eau.  
 Après les  avoir  essuyés  avec  d e là   soie,  on les roula  
 dans de là poudre d’or, et  on les entoura  d’or brut, de  
 colliers  de  grains d’aggry  et  des  ornemens  les  plus  
 coûteux. Tous les  individus coupables de la moindre  
 chose  qui eût déplu au  roi,  furent alors mandés successivement, 
   et  immolés  à  mesure  qu’ils  entraient,  
 «  afin  que leur sang arrosât  les cercueils.  »  Pendant  
 toute  la  nuit, les  bourreaux  du roi parcoururent les  
 rues,  entraînant au palais  tous  les  malheureux qu’ils  
 rencontraient; ils étaient  aussitôt mis aux fers;  mais,  
 ce  qui arrive  souvent,  quelqu’un  avait découvert le  
 secret,  et  presque  tout  le monde  s’était  enfui,  de  
 sorte  que  le  roi  se  vit dérober un  grand nombre  de  
 ses  victimes.  Le  lendemain  matin,  jcrur  de  la  fête  
 de  F Ad aï  qui  attirait  ordinairement  un  immense  
 concours  de  monde  à Coumassie,  tout  était morne