
deux espèces d’Ours indigènes de cet empire,. et assurément fort différentes,
quoique l’un des individus soit jeune encore, et l’autre adulte: Celui que
j ’ai entendu appeler Ursus labiata, a le poil presque noir, un peu laineux,
le crâne élevé, le museau pointu ; sa tête ressemble à celle des grands Chiens
des Alpes. Il est un peu moins grand que l’Ours brun d’Europe. L ’autre a
le poil moins foncé, court, droit, égal, et la tête aplatie.
Près de là sont plusieurs individus du genre Moschus} qui appartiennent
peut-être à deux espèces. Leur corps n’excède pas la'grosseur d’un fort Chat,
mais ils sont plus ramassés, leurs jambes sont courtes et grêles $ et leur tête,
si elle portait de grandes oreilles, rappellerait celle du Lapin; leur pelage e^t
roux.
Un L yn x , que je suppose être le Caracal ; le corps allongé, très-bas sur
jambes, d’un roux vineux, l’air farouche et horriblement féroce.
Un animal qu’on appelle Ane sauvage, mais dont je n’ai pu déterminer
avec certitude la patrie. Il a la tête plus courte et plus belle que celle de
l’Ane; les oreilles moins longues; la crinière courte et droite comme lu i,
mais plus fournie; le dos, le cou, la tête, les cuisses et les épaules isabelle;
le ventre, les jambes et le museau blanchâtres ; une ligne noire transversale
sur les épaules : ce doit être le Dziggetai (Equus hemionus de Pallas)£ Il
est de la taille d’un fort baudet, mais extrêmement délié et gracieux; sa tête
ressemble plus à celle du Cheval qu’à celle de l’Ane. Il vit captif depuis plusieurs
années , sans qu’on ait cherché à le rendre utile.
Je m’attendais à trouver dans une ménagerie indienne une nombreuse collection
de Singes, mais je n’en vis qu’un seul. C’est une espèce que je ne puis
déterminer, mais qui appartient évidemment au genre Pithecus ( Geoffroy
Saint-Hilaire ) ou Orang. Il a le museau très-peu proéminent, noir et presque
nu; le poil droit, assez fourni et brun; point de queue; peut-être est-ce le
Gibbon noir de Buffon.
Ce Singe marche toujours sur les pieds de derrière; et même en courant,
il ne pose pas les mains à terre; mais il renverse, en l’élevant, un de ses longs
bras pour se tenir en équilibre et ne pas tomber sur le nez ; il fléchit l’autre
bras et le rapproche de son corps pour ne pas détruire l ’effet du balancier
qui assure sa station. Il a environ im, i 5. Sa vitesse à terre est très-médiocre,
mais elle est prodigieuse au travers des arbres; l’oeil a peine à le suivre; il
ne se sert que de ses bras pour s’élancer et se dévaler de branche en branche.
Ce Singe est fort attaché à l’homme qui le soigne; on le laisse en pleine
liberté : il revient à l’instant qu’on le rappelle, et saute sur le bras de son
maître et s’y assied comme un enfant sur celui de sa mère, passant un de
ses bras autour de son cou. Il pousse souvent pendant des heures entières,
et sans aucune apparence de colère ou de joie, un cri prolongé, assourdissant
, qui est un des sons de la voix humaine ; il le termine par une espèce
de râle bruyant, étouffé, qui ressemble beaucoup aux efforts douloureux
et impuissants du vomissement. Cet animal, qui est fort doux, a l’air féroce.
On 11’a pu me dire d’où il provenait.
Une Autruche d’A frique, assez apprivoisée pour qu’on la fasse courir dans
le parc en liberté; un Casoar et quelques grandes et belles espèces d’oiseaux
de rivage, sont loin de remplir tout l’espace de la volière. La négligence de
lord William Bentinck pour la ménagerie de Barrackpour, parait compromettre,
dans l’opinion de quelques femmes, l’empire des Anglais dans l’Inde.
J’allai le 15 juin, au point du jou r, prendre lady William Bentinck pour
monter avec elle sur un Eléphant. Il y en avait une demi-douzaine rangés
en bataille, couverts de housses écarlate magnifiquement brodées d’or, portant
sur le dos une sorte de caisse de phaéton où deux personnes peuvent
s’asseoir à côté l’une de l’autre, avec un petit siège derrière pour un domestique,
mais qui reste ordinairement vide; leur cocher ou cornac, accroupi
sur un coussin, sur leur tê te , et leur laquais suivant à pied pour
faire la conversation avec eux en marchant, les avertir des mauvais pas,
leur recommander d’être prudents, les encourager quand ils se fatiguent,
leur promettre des feuilles fraîches au re tour, et veiller à ce que rien ne
se dérange dans leur équipement. Lady William leur donna à chacun un
grand morceau dé pain qu’ils prirent adroitement dans sa main, et elle le
mit elle-même dans la bouche de son favori. J’étais fort peu rassuré de la
voir au milieu d’eux, et elle s’amusa passablement de ma répugnance à
l’imiter; ce que je fis pourtant, la raison comprimant le naturel. L a distribution
faite, le favori se coucha sur le ventre, appuyé sur ses genoux
par derrière , et les jambes de devant tout à fait étendues; immobile dans
cette position, qui semble fort gênante, tandis que le valet de pied appuyait
contre lui une forte échelle sur laquelle nous montâmes dans notre petit
coupé; on le ferma soigneusement, on pendit l’échelle à une des courroies,
au côté droit de l ’animal, et quand nous nous trouvâmes parfaitement installés,
le cornac lui dit «de se relever, doucement, et sans secoùsse surtout,
car il portait sa maîtresse. »
Malgré sa parfaite éducation, je crus, quand il se releva, que j étais sur
un vaisseau faisant naufrage. Ce n est que par un effort violent qu’il y peut
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