
baillent tout le jour à la porte de l'antichambre, il nous reconduisit jusqu’à
la porte du vestibule, et là, nous prîmes congé de lui par un nouveau serre-
ment de main.
Il mange gaiement son million sans faire de dettes ni d épargnes. On lui
permet une armée de 3oo hommes, infanterie, cavalerie, artillerie, tout
ensemble. Il a ses lignes de cantonnements comme les troupes de la Corn-
pao-nie, tire le canon tous les jours au lever et au coucher du soleil, et lait
brûler force poudre à ses gens pour les exercer. C’est un métis qui est le
°énéralissime, l’instructeur, et quelque peu l’entrepreneur de cette petite
armée d’assez bonne mine, payée d’ailleurs entièrement des deniers du prince.
De son sérail, M. Begbie ne connaît rien, ni le nombre ni l’espèce de ses
femmes, ni si elles sont gardées par des eunuques, etc., etc. Mais ce que
tous les Européens», et de Bandah et des stations voisines, à 100 mil. ( 3o 1.)
à la ronde, connaissent très-bien,’ c’est la gaieté de ses fêtes. Il en donne
chaque année plusieurs, où l’on vient jusque de Luknow. Un diner somptueux
où il prend p a rt, s’abstenant de vin seulement, y précède un bal
brillant dans ce salon où il nous reçut.
Il se plaît beaucoup dans la société des Européens, mange avec eux, ou
pour eux, une partie de son argent; mais, indolent a lexce s, il ne comprend
pas un mot de leur langage.
Son État est mal défini ; le magistrat ignore jusqu’où s’étend sa juridiction
sur lui et le Nawâb ne lui offre aucune occasion de l’éclairer à cet égard
auprès du Gouvernement; il n’a de querelles, de procès avec personne : c’est
partout le cas des princes dépossédés et devenus pensionnaires de la Corn-
pagnie.
Ceux qu’on laisse indépendants par respect pour les traités, usent généralement
fort mal de cette indépendance. Il n’est pas rare que de pauvres
gens viennent ici de Panna, d’Adjighur, de Chikari ou des autres seigneuries
souveraines du Bundelkund, mutilés par ordre de leur prince, pour
se plaindre de sa cruauté. On les renvoie à l’agent politique du Gouverneur
"•énéral, à JAorah, qui en réfère au Gouvernement, et écrit à ces petits tyrans
en termes sévères, qu’il ne peut que s’indigner de leur barbarie; mais aucune
mesure n’est prise pour les empêcher à l’avenir de couper le nez et
les oreilles de leurs sujets. Il y a quelques jours, le Rajah de Chikari a
fait murer (build up) vivant un voleur de grand chemin. On lui fera connaître
le déplaisir de la Compagnie. Est-ce assez ? .
Les revenus du collectorat de Bandah s’élèvent à 19 lacks, 4,750,000 fr,,
dont une partie considérable sert à payer des pensions, à commencer par
celle du Nawâb. La répartition de l’impôt, et le système selon lequel il est
établi, sont également mauvais, me dit M. Begbie. Il y a des terres affermées
(taxées) plus haut que la valeur de la totalité de leur produit brut.
Menacés de la prison s’ils ne payent à l’expiration de leur terme, les
Zémindars ou fermiers qui ont souscrit ces conditions extravagantes, dépouillent
les malheureux manoeuvres, empruntent de toutes parts pour satisfaire
aux réclamations menaçantes du Collecteur; et quand leur crédit
est épuisé, quand leurs paysans ne possèdent plus rien dont ils puissent les
yoler, alors s’ouvre pour eux la prison.
Cet état de choses peut durer quelques années jusqu’à l’épuisement de
tous les capitaux précédemment amassés par les natifs, après quoi le Gouvernement
perdra ses droits par nécessité. Effrayés de la ruine presque universelle
de tous ceux qui ont affermé des terres, les fermiers maintenant
s’unissent pour faire la loi à la Compagnie, et n’offrent, des domaines que
l’on remet à ferme, que le tiers du prix du dernier fermage. M. Begbier
plutôt que de se soumettre à ces conditions si désastreuses pour le trésor,
propose de proportionner la rente ( l’impôt) à la quantité et à la valeur des
récoltes, sans prix fait d’avance : il assure que la perception, suivant ce mode,
ne serait pas difficile. Mais, en tous cas, le Gouvernement doit se résigner à
une diminution considérable de revenus, sous peine de voir bientôt toutes,
les terres abandonnées et le pays dépeuplé; maux déjà réalisés en partie.
Nonobstant les rigueurs ordonnées aux Collecteurs, le revenu territorial de
l’Empire, cette année, est de 32 millions de francs au-dessous de celui de
l’an passé.
Les fermiers se laissent emprisonner, ruiner, les paysans se laissent dépouiller
de leur dernier sac de grains, réduire à la famine sans murmurer,
tant qu’on ne réclame d’eux que la rente de la terre ; mais s’il existait dans
ce peuple quelque autre richesse que celle du sol, d’autre industrie que la
culture, et que le Gouvernement essayât d’établir un impôt indirect, il éprouverait
immédiatement une résistance armée.
D’ailleurs, le personnage du Collecteur anglais n’est pas odieux ; il n’a affaire
qu’à un petit nombre de fermiers, Zémindars, qui savent combien il est passif
dans ses devoirs les plus rigoureux, et la multitude qui travaille de ses bras
ne le connaît pas; elle n’a de compte qu’avec les Zémindars.
La rivière de Cane (Kén), qui coule auprès de Bandah, roule des cailloux
d’Agate de diverses variétés. Taillées en plaques pour faire des bracelets et
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