
entière bordée de remparts dressés sur le bord de l’escarpement, et dans
quelques parties, où la base de celui-ci est d’un accès moins difficile, quelques
lignes partielles de hautes et épaisses murailles se déploient entre les
obstacles que la nature elle-même a élevés pour le défendre. Le rempart
du sommet est du même style que celui d’Adjighur. C’est une épaisse muraille,
raccordée avec l’escarpement même, et qui supporte des créneaux; elle
tombe aussi en ruine sur bien des points; mais son antiquité n’est pas,
comme celle d’Adjighur, entée sur les ruines d’un âge antérieur. Il n’y a
qu’une entrée, défendue par six portes qu’il faut franchir successivement,
et dont la première se présente avant qu’on ait atteint la moitié de la
hauteur de la montagne. On y monte par un rude et étroit sentier que
serrent les jungles; mais derrière cette première porte commence un large
et noble escalier qui conduit jusqu’au sommet. Divers ouvrages de fortification
commandent ses divers étages. Quelques canons de fer ( i) démontés
gisent sur leurs ruines, parmi les broussailles qui les recouvrent.
Le sommet du plateau est légèrement ondulé. Quelques temples, quelques
palais ruinés s’y tiennent encore debout, tous d’apparence assez moderne,
quelques-uns habitables encore.
Deux ou trois hameaux remplacent une ville considérable qui doit avoir
existé jadis sur le sommet de la montagne, car le sol y est partout mêlé
de débris. Plusieurs bassins (talabs) y sont creusés, dont un, fort profond,
garde, en cette saison, quelque peu d’eau détestable ; les Hindous s’en ré(
i) De fer forgé, le plus doux. Ces pièces, d’un médiocre calibre, 6 à 8 livres, sont très-
longues et très-épaisses, Pl. XX, fig. 6 : elles sont formées de barres de fer assemblées longitudinalement,
et §e supportant mutuellement comme les claveaux d’une voûte complète,-grossièrement
forgées les unes avec les autres, et. liées par d’autres barres roulées autour d’elles, comme
le ruban d’un canon de fusil de chasse autour de la chemise q.ui lui sert de moule. Due autre
voûte de barres longitudinales entoure ce premier assemblage, et s’y relie de la même façon.
S’il paraît difficile de forger de si énormes pièces en fer, je dirai que celles-ci (elles ne portent
aucune inscription qui indique leur âge ni le lieu de ' leur fabrication) sont très-mal forgées,
et qu’elles sont faites d’un fer.si doux, si môu, qu’elles ont pu être travaillées à froid. Quant
à l’espèce de service dont elles sont susceptibles, je n’en ai aucune, idée. Je présume qu’elles n’ont
jamais servi qu’à lancer des pierres; elles ne sont ni dressées extérieurement ni calibrées. D’après
tous les renseignements que j ’ai pu me procurer, Part de fondre le minerai de fer'est inconnu encore
aujourd’hui dans les nombreuses forges du Bundelkund. On y suit grossièrement le procédé
catalan ; et quelques mines donnent encore aujourd’hui ( James Prinsep ) un fer plus doux
qu’aucun de Suède. Il y a aussi à Kallinger quelques canons de bronze, rtiais ils sont de petite
dimension, 3. à 4 livres .de balles ; je doute qu’ils aient été; forés par un mouvement circulaire.
Ils servaient à lancer de petits boulets de fer forgé ou de plombgalent
à cause de sa sainteté. ^Néanmoins le mince territoire de Kallinger
n’est qu’un roc presque n u , qui ne nourrit pas un seul de ses rares habitants.
Kallinger ne peut être pris que par famine. Il n’est pas un empereur
Patan ou Mogol qui ne l’ait assiégé; mais ils avaient rarement le loisir de
continuer un blocus sans fin pour le réduire ; et ceux1 qui le prirent le perdirent
souvent bientôt après par la révolte de leur Gouverneur. En tous
cas, à chaque règne nouveau, le possesseur de Kallinger sé fit indépendant.
Cependant, il me semble que cette place fut plus souvent possédée par
des princes indiens que par des omrahs musulmans.
Kallinger est aussi un des lieux que la dévotion hindoue fréquente le plus.
Il n’est pas dans l’Inde de montagne isolée qui n’ait sa légende. Une divinité
indienne demeurait i c i , et l’on voit encore son lit de pierre dans une
petite caverne creusée dans le roc. Celle-là était femelle; mais d’un autre
côté de la montagne, et pareillement dans les escarpements du sommet,
habite (en effigie) un dieu le plus scandaleusement mâle du monde; il
s’appelle Nilkhand. Sculpté,en relief sur les rochers, il n’a pas, malgré
sa position accroupie, moins de io mètres de haut; son image est répétée
mille fois alentour dans de plus petites proportions, toujours viriles à
l’excès. Les soldats anglais qui prirent le fort en 1811, choqués sans doute
de son impudicité, en ont fait souvent un eunuque.
Aujourd’hui c’est un jeune lieutenant d’infanterie qui commande cette
p la ce , jadis si importante, dont le dernier occupant indien fut le Rajah
de Panna. Il y revient quelquefois, mais en pèlerin, faire ses dévotions à
ses anciens dieux. Il est admis gratis, comme les visiteurs sans nombre qui
se présentent, et sans doute qu’il levait sur eux autrefois quelque petit
tribut. Une douzaine de Brahmanes vivent avec les dieux de Kallinger,
les débarbouillent tous les matins et leur jettent quelques grains de riz
à la figure. Ils leur introduisent la foule des dévots, préalablement rasés
de .frais, qui s’approchent plus ou moins de l’idole selon leur rang, leur
sainteté et leurs finances. Sans aucune affectation d’insolence ni de mépris,
le jeune officier, commandant du fort, me présenta directement à ces dieux,
ses sujets ; ses, chiens le suivirent ; et les vieux coquins de Brahmanes nous
virent entrer sans frémir dans le Sanctum Sanctorum ,■ demeurant à la
porte tant que nous ne leur fîmes pas signe d’entrer après nous. Mon officier
en usa comme chez lu i , et les Brahmanes se comportèrent comme des étrangers
que l’on veut bien admettre.
Ces temples, ou plutôt, dirai-je, à cause de leurs petites proportions, ces