
Gwalior est derrière, le plus puissant des princes demeurés indépendants de
ce côté du Setludje.
Au reste, l'immense pouvoir du Gouvernement lui permettrait de dégarnir
cette frontière de ses troupes, sans la laisser exposée à aucune agression;
ce n’est pas de l’extérieur de ses possessions que la Compagnie a rien à
craindre : le seul danger pour elle, c’est la révolte de sa propre armée et
non les hostilités d’aucune autre.' Le gage de son obéissance, c’est la certitude
d’une existence douce sous le Gouvernement anglais; il n’y a , d’ailleurs,
si j ’en crois des gens qualifiés pour bien observer, aucune affection
pour lui parmi lés sipahis. Jadis les officiers s’entendaient mieux à s’attacher
leurs soldats. Mais, qui m’a dit cela ? Ce sont des hommes de quarante à
cinquante ans, jaloux peut-être des vingt ans de leurs jeunes camarades;
j ’y soupçonne cependant quelque vérité.
Le général Richards qui sert depuis trente-cinq ans dans l ’Ind e , sans
être jamais retourné en Europe, estime que plusieurs régiments de cavalerie
native valent des régiments européens. Jamais nous n’arrivons au degré d’adresse
où les natifs parviennent comme cavaliers, lorsqu’ils sout enseignés par des
écuyers européens. Pour l’infanterie, c’est autre chose : il y a une certaine
confiance du soldat européen dans la baïonnette de son fusil, que le sipahi
n’acquiert pas. L ’Indien à pied regarde ce que font ses voisins, pour régler
sa conduite sur la leur. Placé entre les meilleures troupes européennes, il
imite parfaitement leur courage.
A proportion gardée du nombre, l ’établissement militaire du Bengale est
moins dispendieux que celui des deux autres présidences, et c’est la raison
pourquoi le pays de Malwa et quelques territoires sur la Nerbudda, plus
voisins encore de Bombay, sont occupés par des troupes du Bengale. Les
armées de Madras et de Bombay ne se recrutaient, récemment encore, que
parmi les plus basses classes de la population. Elles ont cessé d’y être admises
depuis p eu , et ces armées se recrutent maintenant parmi des castes meilleures
et parmi les sipahis du Bengale, qui en quittent le service pour entrer dans
celui de ces établissements, où il est le mieux payé. Les Parias à Madras
faisaient de mauvais soldats; seuls, d’entre les basses castes, les Tchamars (i)
en faisaient d’excellents.
I c i, et à Agrah, pour la première fois, j ’ai vu plusieurs jeunes femmes
(i) Tchamars. Cordonniers, selliers, bourreliers, tanneurs, corroyeurs, caste qui travaille
les peaux.
de sang mêlé, dont la couleur indiquait évidemment l’origine, qui avaient été
envoyées en Europe pour leur éducation. Inmariables en Angleterre parmi la
classe à laquelle leurs pères appartiennent, elles reviennent toutes dans l’Inde.
Malheur à celles qui n’ont ni beauté ni fortune pour tenter le goût ou la pauvreté
de quelque jeune officier! Mais un de ces avantages, le dernier surtout,
suffit à les établir.
t e *7 février i 83o. — A Jeyt, l 3 mil. ( 3 f 1. ) de Muttrah. = ( Bindrabun.}
Bindrabun, sur les bords de la Jumna, à 4 mil. ( if 1.) environ à l’est de la
route de Dehli, est une ville fort ancienne et plus considérable encore, il me
semble, que Muttrah. Elle est réputée des plus saintes parmi les Hindous, avan-
tage que Muttrah possède à un moindre degré. Ses temples sont visités par de
nombreux pèlerins, qui font leurs ablutions dans le fleuve, sur des ghauts fort
beaux. Tous ces édifices sont bâtis de grès rouge, mais d’une variété plus
compacte, d’une couleur moins foncée et moins désagréable que les ouvrages
d’Agrah : il vient des environs de Jeypour (200 milles, 58 lieues). Deux de ces
temples ont la forme mitrale des anciennes constructions hindoues; mais sans
1 accompagnement de petits clochetons qui semblent jaillir, dans les monuments
semblables à Bénarès, de la grande mitre qui détermine la forme de l’édifice. Ils
n’en sont que d’un meilleur effet, pour être plus simples. Ils sont à moitié
ruinés. Une ruine plus grande et plus curieuse est celle d’un temple de forme
inusitée, dont le vaisseau intérieur ressemble assez bien à celui d’une église go-
thiquç^par ses dimensions aune église de village seulement)!« De sa voûte,
pendent une foule de sculptures bizarres, que l'on prendrait pour des pièces
de bois tournées. Une multitude innombrable de cloches et de sonnettes
sont sculptées en relief sur les piliers qui la supportent et sur ses murs,
travaillées dans le même style gauche et roide de la sculpture en bois.
Plusieurs Rajahs indépendants des contrées de l’ouest, et quelques-uns de
leurs ministres, qui les ont bien volés sans doute, élèvent maintenant, à
Bindrabun, des édifices d’un goût différent, moins original, mais meilleur;
et ils y prodiguent les ornements dispendieux des Screen Works. Comme à
Bénarès, il y a dans ces temples nouveaux des logements pour les Brahmanes.
Après Bénarès, Bindrabun est la plus grande ville tout à fait hindoue que
j ’aie vue. Je n’y ai pas aperçu une mosquée. Ses environs sont ombragés
de grands arbres qui paraissent de loin comme une île au-dessus de la
plaine aride. Le Douâb, que, du haut de ses pagodes, l’on voit s’étendre