
confiance à la généralité des règles qu’on leur avait apprises, et qui, dans leur
candeur, croyaient encore à la constance des vents alisés.
Les vents variables qui nous conduisirent si lentement du tropique au
voisinage de l’équateur, soufflèrent plus souvent de l’ouest et du sud-ouest que
de toute autre partie ; nous fumes ainsi forcés de ranger la côte d’Afrique de
plus près que nous n’aurions voulu, et de passer entre elle et les îles du cap
Vert au lieu de traverser cet archipel. Les courants d’ailleurs ajoutaient leur
action à celle des vents pour nous jeter dans l’est : leur direction est assez
constante dans ces parages.
C’est pendant cette partie de notre navigation, du 2 1 septembre au 13 octobre,
et du 2i° lat. bor.-2i° long. occ. au 2°5o' lat. bor.-23° long. occ., que nous
éprouvâmes les plus fortes chaleurs. La température moyenne de ces vingt-deux
jours, prise à l’heure la plus chaude du jour, à deux heures et demie, est de
26°,6 centigrades ; la moyenne de l’heure la plus froide de la nuit, c’est-à-dire
vers 6 heures du matin, toujours quelque temps avant le lever du soleil, est
de 25°,6 , ou moindre d’un seul degré exactement. Le maximum de la première
heure est de 3o°,i ; le minimum de la seconde, 23®,6.
Les observations thermométriques, partout difficiles à faire, le sont bien plus
encore à bord d’un vaisseau ; et l’expérience que j ’ai acquise de leur difficulté,
m’interdirait toute confiance à celles des observateurs qui ne justifieraient pas
des moyens qu’ils employent pour assurer leur exactitude. L’action directe
ou diffuse ou réverbérée du soleil cerne de toute part l’instrument, et tend
à élever trop haut ses indications. Des particules salines, suspendues dans
l’air, se déposent incessamment sur lui et le recouvrent d’une mince couche
de sel humide, qui tantôt se dessèche et tantôt se fond en eau au gré des
variations hygrométriques de l’atmosphère. De là, des évaporations qui refroidissent
le thermomètre. Il est encore exposé à l’effet de celle des surfaces
contre lesquelles on le suspend, et. que le vent sèche parfois lorsqu’elles ont
été mouillées par l’eau de la pluie, ou qu’il couvre d’humidité en déposant
sur elles le sel dont il est souvent imprégné. Quand le ciel est couvert, et
qu’il ne pleut pas, toute situation ouverte, aérée, est bonne. S’il pleut sans
vent, que la pluie tombe droite, on trouvera sous la banne de la brigantine,
une place convenablement élevée au-dessus dupont, et abritée du météore. Si
le vent, au contraire, chasse la pluie avec violence, il faudra chercher un abri
latéral contre elle dans le bastingage du bord qui est au vent, ou bien on attachera
le thermomètre à un mât sous le vent. Le soleil est bien plus incommode
que le vent ; en été, et en toutes saisons dans les mers équatoriales, dès qu’il
paraît, on couvre d’une tente le bâtiment, mais au-dessous de cette ténte, l’air
captif s’échauffe au-delà de sa température à l’extérieur. Il faut donc éviter
de placer le thermomètre au-dessous ; il serait plongé dans une atmosphère
artificiellement échauffée, et en même temps, pour peu qu’il fût élevé au-dessus
du pont, il serait dans le voisinage de la tente dont la toile s’échauffe extrêmement
et qui lui céderait une partie de sa chaleur par rayonnement. On pourrait
alors monter dans les haubans et le suspendre sous une hune. Cependant
j ’ai toujours pu me passer de cette dernière et désagréable ressource; j’ai toujours
pu trouver dans les agrès inférieurs, et dans les embarcations attachées aux
flancs du navire et à sa poupe, quelque petite place avec de l’ombre, où le vent
soufflait sans obstacle. Toutes les fois d’ailleurs que j’ai eu du doute sur le mérite
d’une station, j ’ai placé dans d’autres stations, qui me semblaient aussi avantageuses,
d’autres thermomètres, et lorsque leur marche ne s’accordait pas
parfaitement, il m’était aisé néanmoins de reconnaître celle que je devais adopter.
La décharge des voiles est souvent une place à rechercher, surtout s’il est
impossible d’éviter l’action de quelque lumière solaire mal amortie : la force
du vent qui s’en échappe soustrait le thermomètre à toute influence calorifique
étrangère.
Quand le temps est beau, quand le vent est régulier dans sa force et dans
sa direction, que le ciel est parfaitement pur et parsemé de peu de nuages,
la marché du thermomètre est extrêmement régulière. Dans ces circonstances^
il se trouve toujours à son minimum au lever du soleil; puis il s’élève comme
l’astre, rapidement. Vers 1 o heures, il est bien près d’avoir atteint le maximum
qu’il ne doit pas dépasser. Cependant il continue de monter encore, puisque
c’est vers deux heures et demie que j ’observe habituellement sa plus grande
hauteur ; mais l’ascension du mercure devient dès lors d’une extrême lenteur.
Le soir il s’abaisse avec vitesse, comme le soleil à son déclin. A minuit, il ne
surpasse que d’un ou deux dixièmes de degré le minimum jusqu’où il doit
descendre au moment du soleil levant.
Mais rarement le temps a cette fixité : plus souvent il est variable, et les
observations isolées du thermomètre n’offrent alors que des irrégularités,.
Chaque fois que le vent change notablement de direction, ou que son intensité
varie, l’instrument monte ou descend ; et ses variations sont si brusques alors,
ses oscillations si courtes, que l’observation en devient difficile. Entre ces
mesures mobiles, on ne sait laquelle adopter pour expression fidèle de la température
de l’heure où l’on observe.
L’apparition d’un nuage à grain} comme disent les marins, c’est-à-dire, qui