
marmottent près d’elles des versets du Koran. Le plus saint de ces sépulcres
est au sommet de la colline : c’est un lieu de pèlerinage où l’on vient de bien
des milles à la ronde; il est enchâssé dans la solide construction dune large
plate-forme stuquée qui couronne la colline, et où l’on monte par des degrés.
Hindous et Musulmans quittèrent leurs souliers en approchant de ce lieu saint,
mais nul ne parut offensé de me voir marcher avec mes bottes sur le toit
de la dernière demeure de Sannan Sayd, Près du tombeau est un
ermitage désert. Une double inscription en dévanagari et en persan est écrite
au-dessus de sa porte, mais en détestables caractères.
Tandis que j ’étais occupé à la copier, un faquir gravissait la colline d’un
autre côté, et montait sur la tombe récitant des prières d’un air imbécile.
Je lui demandai s’il pouvait m’aider dans ma besogne, mais le pauvre diable
ne savait lire aucune écriture. Mes gens semblèrent plus édifiés de ma mauvaise
transcription que de ses dévotions d’énergumène. Je leur montrai le nom
de Mohammed en caractères persans, et leur appris à le reconnaître. Hindous
et Musulmans étaient émerveillés de ma science et charmés de leur nouvelle
acquisition. Mon guide, espèce de sergent de v ille , de bonne mine dans son
espèce, ne sait lire que le dévanagari : cependant les publications se font à
Saseram en caractères persans; mais c’est la langue des clercs.
Cette rangée de collines, qui s’étend à l’Ouest jusqu’à perte de vue, est formée
de couches de Grès plus ou moins épaisses, plus ou moins dures, mais semblables
d’ailleurs depuis la base jusqu’au sommet. La couleur en est claire et peu
variable ; ils sont très-fins et non effervescents, à peine micacés. Le ciment des
grains de Quartz est peut-être une infiltration quartzeuse, et çà et là , avec
évidence, une infiltration ferrugineuse. Les bancs, légèrement contournés en
p e tit, sont sensiblement horizontaux en grand ; à peine se relèvent-ils de quelques
degrés au N .O . vers la,ville. Les uns, également durs et presque blancs,
sont continus dans une longueur considérable; d’autres sont formés de masses
parallélipipédiques dont la structure tabulaire est concentrique. Cette structure
indique le mode de leur consolidation. Des infiltrations ferrugineuses
pénétraient leurs masses par l’intervalle des strates et les fissures de chacun.
Aucun fossile, que je sache, aucune-empreinte organique n’ont été trouvés
dans ces Grès, dont j ’ai vu d’immenses surfaces fraîchement découvertes dans
les carrières nombreuses ouvertes à la base de la colline. C’est la pierre dont
sont bâtis les anciens édifices de Saseram, et qui y sert à toutes les constructions.
Nul doute que la roche quartzeuse dont j ’ai vu un lambeau sur l’autre rive de
la Sône, ne soit, malgré son inclinaison, une dépendance de ce terrain. Mais
quel est-il? Un seul terme se présente, isolé, découvert, avec les caractères
les plus généraux. Il est impossible de le déterminer. Mon catalogue contient
deux échantillons de ce Grès (G. 27 ) Grès de Saseram, exploité au pied des
collines qui s’élèvent au Sud de la ville; en couches horizontales sans intercalation
d’argile ; quelques couches sont légèrement effervescentes. A , de la base
de la colline ; B , du sommet, sous le tombeau du Sayd.
La végétation de ces collines secondaires est extrêmement misérable. Leur
aspect, brunâtre à distance, et presque pelé de plus près, diffère entièrement
de celui des montagnes primitives que j ’ai vues jusqu’ici : ce sont pourtant
les mêmes espèces végétales, moins les arbres et les arbrisseaux.
Pas un Européen ne réside à Saseram; pas un sipalii n’y garnisonne. Quelques
scribes et agents de police natifs, nommés par le magistrat de la station civile
dont cette ville ressortit, suffisent à ce que l’on appellerait en France son Gouvernement.
Il est à regretter qu’on n’en ait pas fait le chef-lieu d’une station.
Ses antiquités, ses tombeaux et son bois de palmiers, avec quelque peu du
goût qui est naturel aux Anglais, en eussent fait le reste le plus élégant de la
splendeur musulmane dans l’Inde.
Ce qu’il y a de fortune parmi les natifs est entre les mains des Musulmans.
L’un d’eux , que l’on m’assure être un homme considérable, m’envoya le matin
un message pour m’exprimer le désir de me faire une visite. En vain je cherchai
à en connaître l’objet; il voulait m’assurer de son respect, je n en avais
que faire : cependant je consentis, avec indifférence, à le recevoir. Mais il
stipulait qu’il s’assiérait devant moi et qu’il aurait une chaise : or, je n’en ai pas
dans ma tente; j ’envoyai donc au diable son messager, et n’en entendis plus
parler. Je suppose que le contraste de mon modeste équipage, avec la distinction
honorifique d’une garde et l’ignorance où sont mes gens de ce
que je suis, aura excité chez quelques natifs une vive curiosité, et conseillé à
un fin politique la démarche qu’il a faite auprès de moi.
Le 27 décembre 1829. — Camp à Jehanabâd, 8 cos. ( 4 J 1. ) de Saseram.
De ce côté de Saseram il n’y a plus de jungles; toutes les terres sont cultivées;
elles s’améliorent progressivement à mesure que l’on s’approche de Bénarès.
Ce pays est parfaitement plat, à l’exception de la rangée de collines qui se perd
à l’Ouest derrière Saseram. Les villages sont serrés et assez populeux ; des
quinconces de Manguiers alentour. Les mosquées , communës dans la campagne
près de Saseram, deviennent plus rares en s’avançant au Nord, èt les
ignobles petites chapelles des Hindous se montrent de nouveau de tous côtés.