
partout, sur le pied de la jeune fille blanche, la plus blanche du monde;
néanmoins, bien des jeunes gens qui se félicitaient d’avoir pu danser une
contredanse avec elle, fronceraient le sourcil à la proposition de l’épouser.
Les officiers de l’armée du Roi ne peuvent se marier avec une femme qui
n’est' pas d’extraction européenne pure. Le faire, ç’est se démettre de leur
rang. J’ignore s’il y a à cet égard un règlement positif; mais il importe peu,
l’usage en fait une loi infrangible.
Le 16 février i 83o. — A Mourlydur-Séraï, 14 ^ mil. ( 4 t ) 4e Jessunt.
Nouvel orage violent dans la nuit ; peu de tonnerre. La route est presque
impraticable. Un de mes chars y verse, ce qui n’en sèche pas le contenu
Le temps est beau le jour, mais lè ven t continue (depuis Bandah) à souffler,
de l’Est, variant du S .E . au N .E . Mourlydur-Séraï est un village médiocre,
carré, entouré de murs comme tous ceux de cette contrée. Les portes sont
percées dans un massif énorme de briques. II en est ainsi de tous les autres
villages. Çà et là, dans la campagne, on voit de ces massifs ruinés sans*aucun
vestige d’habitations alentour. C’est tout ce qui resté de villages plus anciens.
Les Borassusflabelliformis sont moins rares. Le sol, plus sablonneux,
est moins fertile ; il y a de vastes espaces incultes ; ils sont couverts de
Zyziphus.
Le 17 février i 83o. — A ScheikoabacF, 10 mil. ( 3 1 .) de Mourlydur-Séraï.
Nuit sereine. Humidité extrême qui s’exhale de la terre abritée du rayonnement
, sous ma tente surtout. Les blés et les orges qui semblaient perdus
par la sécheresse, et dont on comptait les tiges dans un champ, couvrent
la terre depuis les pluies : ils sont en pleine floraison; l’orge haute de om,3,
le blé, de om,5 environ. Profusion de ruines de mosquées et de tombes.
D’ailleurs, aucun village considérable entre Mourlydur-Séraï et Scheikoabad
qui en est un fort grand, mais sans murailles. Quelques bonnes maisons
en briques ; l ’une d’elles ressemble à un petit palais.
Plan et élévation d’une tombe musulmane à Scheikoabad, Pi. X X , fig. 7.
Le 18 février i 83o .— A Firozabad, 12 mil. ( 3 -5 1.) de Scheikoabad.
La contrée semblable à celle d’hier ; plus basse peut-être. Elle est inondée
en plusieurs places. Passé un petit ruisseau sur un exécrable pont, le premier
que j ’aie vu dans le Douàb. Le pays entièrement dépourvu de cours d eau,
excepté dans les ravines après de fortes pluies. Firozabad montre les restes
très-élégants d’une ancienne splendeur. Ce dut être une ville riche ; mais ces
belles demeures sont ruinées et désertes; les habitants d’aujourd’hui vivent
presque tous dans d’assez bonnes chaumières de boue. Néanmoins, c’est une
ville pour l’Inde. Le Maire, Thannadar, n’est pas un misérable en guenilles ,
selon la coutume, c’est un grand et bel homme d’une superbe figure, vêtu
d’une grande douillette de soie blanche ouatée, coiffé d’un turban de soie
bleue broché d’or; et il vient à mon petit camp pour s’informer de mes
besoins, suivi de deux pions armés et de bonne mine. J’ai cependant, moi,
bien mauvaise mine, absolument et relativement surtout par le contraste
d’un officier anglais campé sous le même groupe de Mangos, et qui a 5
ou 6 tentes, 10 chevaux, 20 chameaux, autant de chars à boeufs, et une
centaine de gens au moins à sa suite. Ce n’est qu’un capitaine, surintendant
de je ne sais quoi (le capitaine Mackenzie, superintendent o f thestud).
Changement de temps complet. Le vent a repassé au N .O .; il souffle avec
force ; le ciel est parfaitement pur, l’air frais. J’espère que l’hiver va recommencer;
les progrès de la végétation sont sensibles d’un jour à l’autre.
Croisé le matin, au clair de la lune, un voyageur à cheval comme moi,
d’une apparence militaire, annoncé à l’avance par un train nombreux de
chars et de chameaux. Je m’étonne de moi-même. Les autres sans doute s’en
étonnent bien plus encore.
Le 19 février i 83o .— A Etimadpour, 14 mil. (4 h) de Firozabad.
Au travers d’une contrée sablonneuse et fréquemment inculte, Etimadpour
est beaucoup moins considérable aujourd’hui que Scheikoabad et Firozabad,
et ne présente aucune des traces de la même splendeur passée. Il est entouré
d’un mauvais mur de boue. L ’aspect aride et nu de la campagne, où
l’on ne voit çà et la que des groupes de Tamarins , d’Àzedaracks et de Ta-
marix articulata, qui ombragent des tombeaux autour d’une petite mosquée
en ruiue, des chameaux en grand nombre qui infectent l’air de leur suint,
tout cela fait un paysage persan plutôt qu’indién. Le Tamarix articulata,
par une méprise bien étrange, décrit par Linnée comme un Thuya, est
un arbre de 7 à 10 mètres de haut, et de om,3 à om,5 de diamètre. Son
feuillage a exactement la teinte glauque et l’air léger du' Pinus strobus, le
vent qui l’agite rend le même son plaintif; mais sa tige n’est point droite,
elle se divise à la naissance des branches et forme une tête touffue. Rien
n’est si gracieux.