
grugent ce mélange bien sec, tout le long de la route, et ici je les vois y ajouter
un peu de sucre. Le tout ensemble coûte of,o8 ou of,o4 , selon que la ration est
d’une livre ou d’une demi-livre seulement. Le sucre coûte i annas le ser
( of,i6 la livre). C’est une pâte brunâtre, courte, qui se brise avec une sorte
de vrille, mais se peut pétrir cependant; elle contient en poids autant de mélasse,
je pense, que de sucre cristallisable, et une grande quantité du bois
de la canne. Il faut aimer le sucre autant que moi pour ne le point trouver
détestable.
Le dîner moyen coûte of,i6 . Il se compose d’une livre et demie de riz
cuit à l’eau, avec quelques herbes et piments ( Capsicum annuum ) cueillis
ou volés sur la route, un peu de sel et de beurre exécrable acheté au village.
Ceux qui ne mangent qu’une livre de riz y mêlent quelque peu de pois
secs, un peu plus d’assaisonnement, et font un mélange que je ne trouverais
pas mauvais, n était la proportion de piments, qui le rend pour moi tout à
fait immangeable. Ceux, au contraire, qui ont besoin de 2 livres de riz , n’y
peuvent ajouter que du sel et des piments pour ne pas dépasser les 16 centimes.
Les plus sensuels vont jusqu’à 20 centimes, ou 5 païces : ils ont pour
cela deux livres de riz passablement accommodé.
Deux roupies et demie (6f,25) par mois sont donc le strict nécessaire de la
subsistance animale d’un homme.
Le salaire des femmes employées aux mines de Ranniganje et à la fabrique
de laque du médecin de Hazaroubag n’est que de 1 £ roupie ( 3f,y5). Celui des
hommes, 3 roupies ( 7f,5o), J’ai vu dans les jungles quelques bandes de coulis
ou gens de peine employés par le Gouvernement à abattre le bois près du
chemin: ils y campent tout l’hiver, et ne gagnent qu’un anna (of,i6 ) par jour.
C’est le prix de 2 | ou 3 livres du plus mauvais riz. Deux roupies et demie,
trois roupies ( 6f,2 5 , 7f,5o). sont le salaire mensuel des journaliers à la campagne.
Le blé est à meilleur marché aux Etats-Unis d’Amérique que le riz dans
lln d e , ou bien il coûte sensiblement le même prix. Cependant le journalier
américain gagne 3 et 4 francs par jour.
Il est vrai que le climat lui impose des besoins faiblement sentis par le
malheureux habitant de l’Inde. Mais il gagne de quoi les satisfaire si complètement
qu’ils sont pour lui une source de plaisir et non une cause de
douleur.
Et ce n’est pas le Gouvernement, avec ses taxes, qui réduit ici le peuple à
cet excès de misère. Les conditions du fermage des terres sont plus favorables
au cultivateur qu’en Europe généralement, et ne sont pires nulle part. L’État,
c est-à-dire, la Compagnie actuellement, jadis les princes hindous et musulmans,
est le propriétaire du sol. Il l’afferme à moitié fruit ; mais la quotité de cette moitié
a été fixée à des époques reculées, avant l’introduction de certaines cultures
très-profitables, et depuis on ne l’a pas élevée. Il arrive ainsi que, dans de certains
districts, par exemple, ceux à indigo, l’Etat ne reçoit qu’un cinquième
ou qu’un sixième du prix des récoltes actuelles. L’itnmobilité de l’impôt, appelé
ici fermage, loyer, n’a profité qu’aux fermiers héréditaires, lesquels ne
peuvent être expulsés de leur fermage tant qu’ils remplissent les conditions du
contrat originel. Les journaliers n’y ont rien gagné. Or, il y a mille ryots pour
un zemindar, et je m’intéresse plus à mille qu’à un. Je vois bien le moyen de
diminuer le revenu des uns, mais non pas la misère des autres. Le Gouvernement
ne peut niveler les fortunes qu’en abaissant les plus grandes au niveau
des plus petites.
Les prix de maintes choses sont réglés partout beaucoup plus par le hasard
ou par des causes actuellement cachées, oubliées, qui ne sont plus des causes,
que par les principes de l’économie politique. Le travail de l’homme est
cette denrée dont le prix varie le plus étrangement. L’économie politique
n’explique pas toutes ses variations.
Enfin, c’est à lui-même que le travailleur indien doit s’en prendre pour une
bonne part de sa misère. Il travaille peu, sans force et sans intelligence, et
produit peu au delà du strict nécessaire à son existence. De ses 90 millions
de sujets, la Compagnie ne tire annuellement que 600 millions de francs, et
dans cette somme de ses revenus sont compris les droits de son monopole au
commerce de la Chine, payés par les sujets anglais et tous les buveurs de
thé, qu’il faut en déduire. Le reste est censé représenter la moitié du produit
des terres, plus le produit de quelques impôts indirects, sous le nom de Monopole
du salpêtre, de l’opium, du sel, des douanes, etc., etc.
Hauteur de Dunghye, sensiblement celle du torrent qui coule auprès, au
pied des montagnes, 210“ ,8 au-dessus de Calcutta.
Le 21 décembre 1829. — Camp à Schirgotti ^ '* ^ COS‘ U - ) Dunghye.= [ Hamaroud J
Immense plaine de sables maigres çà et là cultivés, plus souvent couverts
de broussailles épineuses, et d’oû sortent, de distance en distance, des mamelons
de Granité sans aucune stratification.
A moitié chemin, traversé obliquement, suivant la stupide coutume du
pays, le lit sablonneux d’un torrent qui n’a pas moins de 3oo à 4oom de largeur,