
vière où coule à peine un filet d’eau ; ce doit être la rivière Banka de ma
carte. Dès qu’on l’a passée, on entre dans l’Etablissement de Burdwan. Une belle
maison commande le passage sur la rive gauche; de nombreux serviteurs,
des sipahis d’assez mauvaise apparence circulent à l’entour, en habit rouge,
mais beaucoup les jambes nues, les cuisses seulement couvertes d’une large
pièce d’étoffe drapée selon la mode des natifs. Accoutrement ridicule, qui était
le costume de toute l’armée anglo - indienne, il y a une trentaine d’années.
Un jardin spacieux entoure cette élégante demeure; et, alignées sur la même
promenade, se présentent successivement diverses autres maisons également
jolies. Sur une belle pelouse qui leur fait face, sont jetés quelques bouquets
d’arbres et quelques pavillons qui ne semblent y avoir été placés que pour
la décoration. L ’un d’e u x , des dimensions les plus petites et du style le plus
riant, est l’église. C’est là toute la ville anglaise de Burdwan. La cité indienne
est à plus d’un mille ( { d e lieue);, elle est entièrement cachée.
Rien de si véritablement cordial que l’hospitalité dont je fis l’épreuve dans
cette première station. Le capitaine Vetch, à peine établi depuis i 5 jours en
ce district, où il est chargé de construire des routes, et auquel je n’étais recommandé
que par une connaissance assez légère, je crois , me mit à l’aise
en sa maison comme chez moi. C’est un vieux militaire écossais, soupirant
après un cottage dans sa patrie, où il va retourner pour y mourir, ayant
servi dans l’Inde le temps nécessaire pour être pensionné. Sa demeure est la
plus modeste et la plus retirée de l’Etablissement. Il y vit paisiblement, silencieusement
avec sa femme, de beaucoup plus jeune que lu i, Ecossaise
aussi, maigre et pâle, mais d’une physionomie infiniment intéressante. Plusieurs
jolis enfants; intérieur sérieux, triste, mais doux, il semble. En 2 heures
il m’avait introduit à tous ses voisins anglais, le Commissaire, le Juge, le
Magistrat, le Commandant du régiment provincial, le Collecteur, XIngénieur
chargé de Vencaissement des rivières. Aujourd’hui [le 27), pour ne pas faire
de jaloux, j ’ai achevé avec lui mon tour de visites, passant chez le Médecin
civil de la station, et XEcclésiastique que l’évêque de Calcutta y maintient
aux frais de quelques sociétés religieuses d’Angleterre ; c’est là tout. J’oubliais
l’officier dont le capitaine Yetch est l’adjoint, le capitaine Cheap, officier du
génie, chargé en chef des travaux.
Le Commissaire est le plus élevé de ces officiers ; il contrôle, à quelques
égards, le travail des autres, et dépasse le pouvoir du Juge, lequel, en rang,
marche après lui. Son exequatur y,st nécessaire aux sentences de mort que
celui-ci peut prononcer. A diverses époques de l’année il parcourt, comme
les juges anglais, les districts voisins où s’étend sa haute juridiction, et juge
en dernière instance, sans recours d’aucune espèce, les cas que les juges ne
peuvent vider sans son intervention ou sa sanction. Il est plus puissant qu’un
juge de la cour suprême de Calcutta. Son emploi est un des plus considérables
dans le service civil du gouvernement du Bengale.
Le Juge, dont le pouvoir est restreint au seul district de Burdwan, y.condamne,
sans contrôle, à l’amende, à la prison, aux travaux forcés. Il décide
aussi souverainement des questions de propriété où le Gouvernement
n’est point partie au procès.
Le Collecteur décide aussi de certains cas litigieux qui se présentent dans
la perception qu’il fait des revenus de la Compagnie.
Le Magistrat veille à la police. C’est un officier dont les fonctions judiciaires
Sont subordonnées à celles du juge, mais dont la situation cependant
est aussi fort élevée, il me semble. La force armée du district lui est immédiatement
soumise.
Elle se compose d’un bataillon ou régiment provincial (ces deux mots sont
synonymes dans l’armée indienne, où les régiments n’ont tous qu’un bataillon ),
espèce de milice native, recrutée parmi la population du district, payée à 5 roupies
( 1 2f,5o) par mois, au lieu de 7 roupies (17f,5o) comme les régiments de l’armée
de ligne; préposée à la police, à la garde, à une sorte d’occupation
militaire ; qui ne sort pas de sa province en temps de guerre, et que commandent
un très-petit nombre d’officiers anglais et de Soubadars invalides.
Les emplois d’officiers y sont aussi moins rétribués que dans l’armée active,
mais ils sont remplis par des officiers d’un grade inférieur; c’est ordinairement
un capitaine en train de mourir de l’hépatite qui commande un régiment : il y
prend peu de peine, et meurt tout doucement et très à son aise. Ceux dont
la santé est absolument délabrée avant les 23 ans de service qui leur donneraient
droit à la pension, et qui sont obligés de quitter le service régulier,
sont heureux de trouver ces situations à remplir dans les bataillons provinciaux.
J’ai rencontré ce matin l’officier qui commande celui de la station :
c’est un homme qui semble aller fort vite se mourant : il n’aVait de militaire
qu’une veste écarlate; du reste, des pantalons de couleur et un chapeau blanc.
On appelle cela une petite tenue.
Les civiliens plus riches, quoique ces militaires soient à l’aise, vont à
cheval en habit fait exprès, selon la mode anglaise, comme s il y avait Un
public pour les regarder. Ils disent sans doute qu’ils se doivent à eux-mêmes
1. 33