
des arbrisseaux sauvages; d’autres sont dépouillés : les bassins sont sans
eau : dans les élégantes fabriques de marbre qui les décorent, on ne trouve
que négligence et malpropreté. Jamais ces lieux ne sont visités par les maîtres
du palais. Le soir, à la fraîcheur, jamais ils ne sortent de leurs appartements
pour venir y respirer. Aucun goût des choses simples et des choses
élégantes ne leur reste. La famille de Timour serait très-convenablement placée
dans un garde-meuble.
La salle d’audience où siégeaient jadis les empereurs pour rendre la
justice, bâtie par Aurengzèb dans le style de Schâhdjéhan, est décorée
d’arabesques et de bas-reliefs, parmi lesquels sont des figures d’animaux,
les premières que j ’aie vues dans un édifice musulman. Les gens de l’empereur
me servaient de guides; je leur dis mon étonnement de cette,violation
dukoran ; ils me répondirent que le koran défendait ces images, mais
que le Padischâh, le ro i, a le droit de tout faire.
L e s r u i n e s d e l 'a n c i e n n e D e h l i , — Les ruines les jplus intéressantes de
l ’ancienne Dehli sont trop éloignées, de la ville actuelle, pour être commodément
visitées en un jour. L ’usage est d’aller camper au milieu d’elles, au
pied du Koutoub, à ia milles ( 3 | 1.) au S .O . / e t A’y demeurer quelques
jours; on s’y intéresse, on s’y attache davantage en habitant dans ces lieux
déserts. Il en est ainsi des beautés de la nature dont l’expression est grave
et mélancolique ; on n’en comprend pas bien le charme à la première vue :
ce n’est qu’après avoir quitté les cataractes du Niagara et les avoir oubliées
pendant quelques jours dans les forêts vierges de Tonnawanta et des Chip-
peways, que j ’en sentis la sévère, mais poétique grandeur, lorsque,je revins
m’asseoir au-dessus de la chute.
Le général Cartwright me conduisit au Koutoub. Nous passâmes à l’ouest
de la v ille, devant les portes de Lahor, de Caboul, d’Adjmir; et dès que
nous 1 eûmes dépassée au sud, nous ne marchâmes qu'au travers de ruines
semblables à celles que j ’avais vues-en arrivant d’Agrah. A quelques milles
du Dehli moderne, nous passâmes devant une tombe magnifique, c'est'celle
de l’un des ancêtres du roi d’Oude, Soudja e l DowletP visir qui combla les
infortunes de la famille de Timour. Le roi d’Oude y entretient un derwiche.
Il y a un jardin tout plante de Bananiers. Ce serait une demeure charmante
pour les vivants.
La hauteur du Koutoub le fait apercevoir des plaines environnantes à
une grande distance. C’est un minaret conique, élevé de 80 mètres , sur.
chargé d’inscriptions arabes, d’arabesques et de sculptures dont le style
change entièrement à chacun de ses étages. On monte au sommet par un
escalier qu éclairent quelques meurtrières étroites et cinq portes qui s’ouvrent
à diverses hauteurs sur de petits balcons. Chacun de ces étages semble ap-
partenir à un édifice différent de celui qui le supporte.
Les balcons, surchargés d’ornements à leur sommet, forment autour de
ce singulier édifice des sortes d'anneaux qui ajoutent à la complication de
ses profils'.
■ Les inscriptions arabes du Koutoub sont, dit-on, très-difficiles à comprendre,
et elles laissent quelque doute sur l’opinion assez généralement
admise, qu’il fut élevé sur les ruines d’un temple hindou par Koutoub,
capitaine célèbre sous le règne d’Altumsch, un des premiers empereurs de la
maison de Ghour, au i 3* siècle. Quelques-uns disent que c’est un édifice
hindou, dont la surface seulement a été modifiée par Koutoub ou quelque
autre prince Afghan. Ce qu’il y a de certain , c’est que l’édifice tout entier,
à 1 exception des sculptures dont il est recouvert, est bâti du Quartz compacte
qu on trouve en bancs épais dans les campagnes d’alentour, et que celles-ci
sont du même Grès rouge, étranger, que les temples de Bindrabun. Autour
du Koutoub, on voit des ruines hindoues; ce sont des portiques d’un
style presque égyptien, qui ressemble plus à celui de l’architecture de l’Inde
méridionale qu’aucun autre que j ’aie vu. De leurs débris, les Musulmans ont
bâti une sorte d’arc de triomphé, formé de dieux indiens mutilés, grossièrement
équarris et tant bien que mal empilés. C’était là , dit-on , l’emplacement
de la cité antique de Dehli.
Parmjfcces ruines hindoues, s’élève une colonne métallique de 8 à 9 mètres
de hauteur, o",3 ou o” ,4 de diamètre, et qui s’enfonce dans le sol à une
profondeur qu’on n’a point mesurée. Les Hindous assurent qu’elle est posée
sur le dos de la tortue qui porte le monde, et les Anglais, non moins superstitieux
, disent qu’elle est formée d’un métal ou d’un alliage inconnu.
Je n’y vois que du fer très-doux, probablement du fer du Bundelkund.
Près de là , et à une centaine de mètres au plus du Koutoub, on voit
le soubassement d’un monument du même genre que ce dernier. Il en a la
forme, mais ses dimensions Sont plus grandes. Il ne s’élève qu’à une trentaine
de métrés, et n a jamais été terminé. Les antiquaires se perdent en conjectures
improbables sur sa nature et son objet. Si le Koutoub était un
minaret musulman, il aurait son pareil près de lu i, car les minarets sont
toujours doubles. Je pense que l’un et l’autre sont hindous, et que les