
de bâtiments de toutes grandeurs, de toutes couleurs, joints sans règle et
sans goût. Les entrées en sont les plus misérables, et plusieurs les plus sales
possibles. 11 y a autour de vastes jardins également mal entretenus. Le Rajah,
qui est un des plus riches natifs de tout l’empire anglais (il avoue i3 lacks (i)
de revenu, ou 3,260,000 fr.), est le plus avare aussi. Son avarice doit lutter avec
son ostentation, et il concilie l ’une et l’autre en prenant de toutes mains les
Nuzzers qui lùi sont offerts, ne dédaignant pas la roupie du pauvre diable
qui a besoin de passer devant lui, et la mettant dans. sa poche au lieu de la
toucher seulement, ce qui suffirait à la politesse ; et d’autre part, bâtissant
quelquefois un pont, faisant quelque ouvrage public, afin que l’on parle de lui.
Il a d ailleurs soin de stipuler toujours avec le Gouvernement quelque addition
de titres honorifiques ou de vains privilèges, avant de mettre ses maçons
à la besogne. •
C’est lui qui a bâti le pont suspendu près duquel j ’ai traversé l’ancienne
Dummoudali, entre Hougli et Poeuloua (2). • = ; •
Son Altesse, comme on l’appelle, étant malade, fit répondre au capitaine
Yetch, qui lui avait fait écrire son désir de lui rendre visite le lendemain
de mon arrivée, avec m o i, quelle ne pouvait avoir le plaisir de nous recevoir,
et se trouvait forcée de le différer. Le missionnaire, je ne sais en quelle qualité,
car le Rajah ne pense nullement à se faire chrétien, avait été le négociateur :
il écrit le bengali, et le Rajah n’entend pas l’anglais : c’est là probablement
son titre à servir d’introducteur.
Avec ses i 3 lacks par an, le Rajah de Burdwan n’est pas le premier personnage
du lieu. Les natifs savent que, devant le tribunal du Juge ou du
Commissaire, il nes t pas plus qu’eux, et que, pour un meurtre, comme eux
exactement, il serait pendu. Ceux qui ont le pouvoir de le faire pendre passent
avant lui dans l’estime des Indiens. C/est, dit-on, un gros homme fort ignorant,
mais plein de finesse. Lord Amherst, cherchant de l’argent de tous côtés
dans sa malencontreuse guerre des Birmans, s’adressa à lui pour un emprunt.
Le Rajah consentait pour la quotité des intérêts ; mais quand il fut question
de l’époque du remboursement intégral, et qu’il entendit parler d’un terme
de 25 ans, il rompit brusquement l’affaire, disant qu’il ne prêtait jamais à
(1) Un lack de roupies, ou 100,000 roupies, vaut 25o,oqojfrancs.
(2) Cette communication sinueuse entre l’Hougli et le cours principal de la Dummoudah est
regardée comme l’ancien lit de cette dernière rivière, dont la maîtresse branche aurait pris une
direction nouvelle, se portant au S .E . , pour ne tomber dans l’Hougli qu’un peu au dessus de
Diamond-Harbour.
si long terme, et qu'il ignorait si, dans 25 ans, la:Compagnie serait encore
là pour le rembourser. C’était au temps où la guerre prenait la plus mauvaise
face, qu’il déclina cet impertinent refus.
Il entretient, malgré son avarice, grand nombre de femmes, d’éléphants
et de chevaux, quoique jamais il ne sorte. Il a aussi une armée de domestiques
: chaque jour il en fait l’appel, et les paie pour y être présents. Les
absents sont mis à l’amende, suivant leur salaire; chaque jour il eneoffre
lui-même les produits de ces mesquines sévérités. Rien de"si stupide que l’existence
des grands seigneurs de ce pays. Quand lord Lake prit Dehli sur les
Marattes, il fit son compliment de condoléance au vieil Empereur, auquel ils
avaient crevé les yeux, témoignant son regret de ne pouvoir lui rendre la vue
avec la liberté. « Ah ! c’est un malheur, vraiment, que d’être aveugle, » dit le
vieillard, « je ne puis plus voir les Milans planer au dessus de la ville. » C’était là
le principal usage qu’il faisait de ses yeux avant de les avoir perdus. Il méritait
de les perdre pour la peine de sa stupidité.
L’état civil de beaucoup d’anciens Rajahs et Princes musulmans de l’Inde ;
n’èst pas nettement défini comme celui du Rajah de Burdwan. Le Juge,
M. Monney ; me dit qu’un gros crime du Rajah de Bénarès ou de l’Empereur
de Dehli soulèverait des questions très-litigieuses. Dans quel cas sont-ils justiciables
du Gouvernement anglais , et de quels juges ? c’est ce qui demeure
dans le vague. L’Empereur de Dehli, au terme de conventions écrites, est
souverain absolu dans l’enceinte de son palais; il y a le droit de vie et de
mort sur tous. Cependant, s’il y tuait un Anglais, ou s’il tuait un natif hors
de cette enceinte, qu’adviendrait-il ? Le cas n’est ¡ras prévu, non plus que chez
nous, si le Roi se faisait meurtrier. Y aurait-il un ministre responsable ?
I c i, ces cas non prévus ne se sont jamais présentés.
Le aS novembre i8ag.— Au camp de Huldy 4 cos. {a j 1. j de Burdwan.
La seule curiosité de Burdwan est un Talab, appelé à très-juste titre le
grand Talab, dont j’estime la surface a 12 ou i 5 hectares; l’énorme déblai
qu’on en a tiré l’entoure de chaussées imposantes. Le portique qui conduit
aux degrés par où les natifs descendent pour s’y baigner, est une construction
tout à fait moderne, une imitation des lieux communs d’architecture
grecque si prodigués à Calcutta, et que les Indiens aujourd’hui copient universellement.
Les Cocotiers que j ’avais cessé de voir depuis Hougli reparaissent ici, mais
beaucoup moins beaux que près de Calcutta, et assez rares dans les jardins.