
Il ne restait que 5 milles ( i i l . ) pour y arriver; j ’y étais avant la nuit. Le
chemin qui y conduit est une délicieuse promenade : je me reconnus aux
ruines de Goretti près desquelles il passe.
Le aa novembre i8ag. — A Hougli, a eos. ( i 1. ) de Chandernagor. = [Chinsura.]
Je passai la matinée de ce jour à Chandernagor, chez l ’administrateur français,
M. Cordier. Son âge et mille autres différences nous séparent; mais nous
nous trouvâmes liés par la communauté de cette masse d’opinions, de sen-
timents, d’habitudes, qui appartiennent indistinctement à tous les hommes
d’une même nation. Il fut mon premier hôte français dans l’Inde, quand j ’y
débarquai au mois d’avril, à Pondichéry, et il en est aussi maintenant le dernier.
Ce n’est que de Chandernagor que je dois dater le commenpement de
mon voyage. Ce n’est qu’en partant de là que je dois me considérer comme
un étranger partout.
Mes gens, auxquels j ’avais promis la veille une bonne matinée de repos,
s’apprêtaient à étendre cette faveur jusqu’à la n u it, quand j ’allai fort à propos
parmi eux les voir se mettre en route; ils n’y songeaient pas : leur petit pot-
au-feu fut, sinon renversé, du moins ajourné par mon apparition. Je ne les
quittai que lorsque toute la caravane eut défilé devant moi : il était une heure.
Deux heures après, je montai à cheval pour les rejoindre. Chandernagor
me parut encore plus joli que pendant le séjour que j ’y avais fait dernièrement.
Les vestiges d'une muraille et d'une porte marquent distinctement les limites
françaises de cè côté; mais je ne saurais dire où commence Chinsura, où
il finit, et où commence Hougli. Le chemin que je suivis pendant i petites
heures est continuellement bordé de maisons ou de jardins.
Dans le principe, les comptoirs des Européens sur le Gange consistaient
en une grande et magnifique demeure qui servait à la fois de résidence au
Gouverneur, de caserne à sa garde, et de magasin pour les denrées sur lesquelles
trafiquait la Compagnie dont il était l’agent. C’était une petite forteresse suffisamment
défendue contre un coup de main des natifs, vu la faiblesse de
leurs moyens d’attaque. Mais depuis lord Clive, sinon auparavant, dans la sécurité
la plus profonde par la domination absolue des Anglais, on a laissé partout,
dans le Bengale, les murailles tomber et les fossés se combler.
La réputation de salubrité de cette rive du fleuve a fait choisir au Gouvernement
Chinsura pour chef-lieu d’un vaste dépôt de troupes européennes.
On y construit un hôpital immense et des casernes magnifiques.
Hougli est la résidence d'un Collecteur; de beaux bâtiments s’y élèvent de
toutes parts aux frais et pour le service de la Compagnie; j ’en ignore l'usage.
Les ornements de l’architecture grecque y sont prodigués. En marbre
ou en pierre, cela serait fort élégant; mais ces corniches et ces acanthes
de mortier appliqué sur de mauvaises briques, et qu’il faut refaire tous les
trois ans, ne ressemblent pas mal à des toiles peintes, à des décorations d’O-
pérà; cela est mesquin. Je ne sais de quels matériaux se servaient les jésuites,
mais le plus bel édifice d’Hougli, le seul digne de ce n om , le seul vraiment
européen, c’est l'église bâtie par eux; elle porte le millésime i 5gg, antiquité
considérable dans cette partie de l’Inde ; cependant elle semble neuve :
le grandiose du catholicisme se montre dans tous les o ouvraog es de l’Eg©lise.
Chez les réformés, à l’exception de Saint-Paul (mais qui n’a aucunement
l’air d’un temple chrétien), tous les édifices consacrés au culte, bâtis pour lui,
ne le sont pas autrement, je crois, que les maisons des particuliers. La même
économie, la même raison prosaïque, mondaine, y président. Ce ne sont
que de grandes maisons, beaucoup moins monumentales que ces vieilles demeures
des grands seigneurs français bâties au faubourg Saint-Germain il y
a 200 et 3oo ans.
I^a rivière est très-resserrée à Hougli : sa rive gauche parait couverte de
jungles ; cependant les cocotiers qui s’élancent au dessus indiquent des habitations
nombreuses. Des feux se voyaient sur le rivage : c’étaient des briques
ou des Hindous que l’on faisait cuire; peut-être des femmes que l’on brûlait
vivantes;; C’est ici la terre classique des Suttis.
L’homme le plus dégourdi de ma petite bande, le Lascar ), chargé
de mon logement, quand je n’en ai d’autre que ma tente, faisait sentinelle
à l’entrée d’Hougli, pour m’annoncer la bonne nouvelle d’un bungalow commode,
où je trouverais en arrivant mon lit tendu et mon dîner servi; et au
fond d’une petite baie que forme ici la rivière un peu au dessus d’Hougli, il me
montra ma prochaine demeure. C’était un large pavillon couvert en chaume
et garni de varangues spacieuses, dans un site charmant, solitaire au milieu
d’un district très-populeux. Je doublai le pas pour y arriver.
Je le trouvai environné de murs, et fermé d’une porte que garde un Derwan
(Portier). A peine y entrai-je, qu’un Djcmadar me fut dépêché d’une belle
maison située en face. Je ne compris rien de sa harangue, sinon que cette
maison était celle du Collecteur. J’envoyai une carte sur laquelle j ’ajoutai
que s’il y avait quelque chose à m’expliquer, j ’avais besoin d’un autre interprète.
Force salams me furent rapportés par un autre homme, parlant d’ailleurs
à peu près le même baragouin d’anglais et de bengali où je ne compris