
leur espèce, et je n’ai jamais vu un regard curieux jeté de leur bande sur les
femmes, jamais un sourire; elles passent mornes et muettes : où que ce soit
qu’elles aillent, on dirait qu elles vont à l’enterrement.
En faisant une large part à la diversité des manifestations possibles du
plaisir, suivant les pays et les classes, il m’est pourtant impossible de croire
à quelque sentiment de bonheur dans l’existence de ces misérables créatures.
Les petites principautés indépendantes, au milieu des Etats de la Compagnie,
sont une preuve de la stricte équité qui préside habituellement à la
politique de son Gouvernement. Avec un peu de mauvaise foi, il me semble
qu’il eût été facile, et qu’il le serait chaque jour davantage, de les faire passer
sous son administration, en élevant, à la mort de leurs possesseurs, des incapacités
d’hérédité contre leurs héritiers naturels, etc ., etc. Mais la religion
des traités a été un des principes les plus puissants de la grandeur anglaise
dans l’Inde. Les peuples de cette contrée ont admiré d’autant plus cette observation
des engagements, que leurs Princes, Musulmans et Hindous, leur
avaient donné toujours des exemples contraires. C’est par leur véracité surtout
que les Européens sont grands dans l’opinion des Indiens. Assurément notre
courage nous fait aussi admirer d’eux; mais cette supériorité est d’un genre
hostile, qui, dans l’âme des êtres pusillanimes au-dessus desquels elle nous
élève, mêle nécessairement de la crainte et de la haine à l’admiration.
Il me paraît fort indifférent, pour l’immense majorité des habitants, de vivre
sous le gouvernement de ces petits Princes indépendants ou sous celui de
la Compagnie. L’homme qui laboure, qui sème, qui moissonne, également
pressuré par un sous-fermier de sa nation, n’en est ni plus ni moins misérable.
Il est bien entendu de part et d’autre qu’il suffit que le Ryot, ou journalier,
puisse ne pas mourir de faim. Les Zémindars sont une armée de collecteurs
du revenu, que le Gouvernement semble ne pas payer; mais nous
savons ce que vaut chez nous le système de location par métairies, accordées
en grand nombre au même fermier. Ici, c’est bien pis; le sous-fermage
se complique, non à un degré, mais à quatre, à cinq, créant entre le propriétaire
de là terre (le Gouvernement) et le laboureur une succession d’existences
improductives, inutiles à l ’un et à l’autre.
Je crois que, dans la plupart des provinces, la misère des travailleurs est,
depuis longtemps, descendue à un degré qui n’en admet pas de plus bas, et
que l’élévation des taxes ( déguisées ici sous un autre nom ) n’atteindrait que
l’aisance des inutiles et oisifs spéculateurs, qui vont maintenant s’enrichissant
dans un grand nombre de districts, par les perfectionnements de la culture
des terres qu’ils afferment, l’augmentation du prix de leurs produits, et les
conditions stationnaires de leur fermage vis-à-vis de l’Etat.
Maltraités récemment par les réductions d’appointements, les Européens,
cherchant de toutes parts sur qui il eût été plus convenable et plus juste
de les faire peser, ont indiqué la richesse des Zémindars de Dacca; le gouvernement
allègue la sainteté d’un ancien engagement. L’impôt territorial
a été établi au Bengale à l’époque où la Compagnie prit possession de cet
État, et fixé pour toujours à une certaine quotité, qui alors était censée
être la moitié du revenu des terres. Depuis, le revenu a augmenté par l’élévation
du prix de toutes les denrées; et dans la province de Dacca, il a augmenté
bien plus encore par l’introduction de la culture de l’Indigo. Ce qui était
la moitié du revenu sous M. Hastings n’en est pas le quart à présent dans
ces districts. Le Zémindar n’y jouit plus des bénéfices d’un fermier, mais
réellement du revenu d’un propriétaire.
Cependant, j ’ai entendu dire à lord William Bentinck que l’on ne pouvait
augmenter l’impôt territorial; mais je ne crois pas que l’antique engagement
de M. Hastings fût l’obstacle insurmontable.
Quoique je n’aie vu le nom de Rewah cité dans aucune chronique des
guerres qui désolèrent l’Hindoustan jusqu’à l’accession de la famille de Timour,
les ruines de sa triple rangée de murailles indiquent que ce dut être un lieu
important. Une bicoque tenait alors des années contre des assiégeants sans
artillerie. Alors le maître d’un petit État faisait preuve de royauté par des
guerres et des traités. Forcé désormais à une paix profonde par l’énorme
puissance qui l’environne, ce n’est plus qu’un homme fort riche avec des
droits seigneuriaux. C’est un noble de Pologne ou de Russie. On ne peut, en
aucune façon, le comparer à un comte de Champagne ou de Foix, dans la
France du X I Ie siècle.
Le 18 janvier i 83o. — A Puttrahut, n mil. (3 £ 1. ) de Rampour. = [ Douzonnepour. ]
A trois milles ( 1 1.) environ de Rampour, vers l’ouest, quelques degrés au
sud, s’élèvent deux collines coniques, dont l’une est aplatie au sommet, et
l’on voit derrière elles une longue croupe terminée par un sommet u n i,
élevé autant au-dessus des plaines que celui de ces deux collines, s effacer à
l’ouest dans l’horizon.
C’est la troisième rangée des montagnes dont les Bindachal-hills du capitaine
Franklin sont le premier étage, et Ruttrah le second. Il donne à
celles-ci la dénomination de Bandair-hiüs. Le chemin de Rampour à Puttrahut