
raines sont d’une pureté et d’une élégance qui ne sont surpassées par aucune
composition antique.
Erasme aussi, Santeuil et bien d’autres ont écrit certainement du latin
très-pur et très-brillant, plus de' mille ans après que cette langue avait cessé
d’être parlée.
Suivant leur âge, les livres sanscrits diffèrent assez pour qu’un Pundit très-
savant reconnaisse l’époque où ils furent écrits; et d’après ce que j ’ai entendu
à Bénarès, ces différences seraient si grandes que t e l , à qui la lecture de
certains livres est facile, a peine à en lire d’autres, uniquement à cause de
la diversité du langage.
S’il en est réellement ainsi, il semblerait probable que le sanscrit aurait été
une langue vulgaire; car les langues mortes sont immuables.
Mais peut-être ces différences tiennent-elles à celles du langage vulgaire
de chacun des auteurs de ces livres. La phraséologie dë notre langue native
se montre presque toujours dans notre discours énoncé dans une langue
étrangère : dans une langue morte à plus forte raison. Les Allemands ni
les Anglais n’écrivent pas le latin comme les Français et les Italiens; pour
nous souvent il est obscur : c’est peut-être une des causes des variétés du sanscrit.:
(.Voir à cet égard Colebrooke et Wilson dans les Recherches asiatiques. )
L ’alphabet sanscrit compte plus de 60 lettres ( le bengali en a plus de 5o);
la même figure a toujours le même son : il y a quatre T , quatre D, trois B, etc.
Nous n’articulons qu’avec la plus grande difficulté ces sons, si voisins les
uns des autres que notre oreille n’en saisit presque pas la différence. Le
tamoul et l’hindoustani ont aussi quelque chose de cette richesse de consonnes
; leurs voyelles d’ailleurs me semblent moins variées que les nôtres.
Une des raisons qui ont fait le plus douter que le sanscrit ait jamais été
une langue vulgaire, c’est la logique parfaite de sa grammaire. Il semble
qu’une combinaison aussi vaste, aussi harmonieuse dans toutes ses parties,
où ne se place aucune exception discordante, n’ait pu être que l’ouvrage médité
d’une société de philosophes et de logiciens, et non le résultat fortuit des besoins
d’un peuple, régularisé, accordé ensuite par d’habiles écrivains.
Quelque riche que soit le système d’inflexion des mots dans cette langue,
quelque illimitée que soit la faculté de les multiplier par composition ou dérivation,
les règles de ces tropes sont si simples, si claires, siuniverselles,
qu’en donnant au sanscrit une richesse que ne possède aucune autre langue,
elles ne durent pas le rendre très-difficile.
Mais le langage ainsi formé était souvent rude à l’oreille ; pour le rendre
parfait, on y introduisit des règles d’euphonie, dont les cas sont innombrables,
et qui semblent, avoir détruit la régularité logique des tropes. Elle existe
toujours, mais à peine reconnaissable sous son déguisement euphonique.
Sans lui, m’a dit M. Troyer, le sanscrit ne serait pas difficile. Il me semble
qu’on commence d’abord, pour se rendre compte d’une phrase, par défaire cet
échafaudage d’euplionie sous lequel reparaît son appareil logique ; on la décompose
alors, suivant des règles invariables, en ses éléments divers, eux-mêmes
composés, infléchis, dérivés ou radicaux. Quelques Pundits du collège de Bénarès,
et M. Wilson aussi bien qu’aucun d’eux, font cette opération presque
instantanément sans se rendre compte de ses détails : ils lisent à livre ouvert
et comprennent dans le même temps. Cela me paraît aussi difficile que.de
lire immédiatement le produit d’une multiplication sous les deux facteurs
placés l ’un au-dessus de l’autre.
Le Collège sanscrit a 200 élèves; il coûte 80,000 francs par an, dont une
partie est donnée par le Gouvernement, et le reste est la rente de legs faits
à 1’établissement. Ce vieillard, célèbre par sa science, dont j ’ai cité la mémoire
prodigieuse, a 200 francs par mois; c’est le mieux payé des maîtres.
Au res te, voués à l’étude comme des prêtres à Dieu, maîtres et élèves, semblent
fort peu jaloux de s’enrichir ; la qualité de Pundits suffit à leur vanité, et
l’étude, peut-être sincèrement à leurs plaisirs. Il y a de l’antiquité dans cette
manière d’ê tre , ou du moyen âge plutôt. Ils sont, du consentement unanime
de toutes les castes hindoues, les docteurs de la loi religieuse, ses interprètes.
Quand le Gouvernement, à plusieurs reprises, songea à défendre la pratique
des suttis, il les consulta sur la possibilité de le faire sans violer la religion
hindoue. Consultés sous M. Hastings, et depuis, sous lord Wellesley, je
crois, ils déclarèrent que le sacrifice des femmes sur le bûcher de leurs
époux était si méritoire, que l’interdire eût été persécuter. Ils ont dernièrement
exprimé à ce sujet une opinion différente, et c’est, fort de leur consultation,
que lord William Bentinck vient d’abolir cette coutume.
Soumis à l’influence européenne, l’enseignement dans le Collège, sanscrit
de Bénarès n’en reste pas moins aussi pur qu’une génération de Pundits peut
le transmettre | | une autre. Pas un des maîtres ni des élèves ne sait un
mot d’anglais. J’y ai vu quelques jeunes gens occupés à lire le persan sous
un maître cachemirien : c’est additionnellement à l’étude principale, e t , probablement
, une introduction en contrebande faite par le capitaine Thoresby,
qui excelle dans ce langage.
Je doute fort que jamais le sanscrit serve à autre chose qu’à 1 amusement