
culture; à Bourbon, ils doivent alors retirer, chaque année, 5o ou 60 pour 100
des mêmes placements ; à moins de ces intérêts exorbitants, ils se disent
ruinés. Us prétendent tous faire de grandes fortunes en quelques années. Il
me parait vraisemblable qu’il y a à Maurice beaucoup plùs de fortunes acquises,
beaucoup plus d’argent, que le prix de sa location doit y être moindre
par conséquent, et que c’est la raison pourquoi on y est satisfait d’intérêts
plus modérés.
Les revenus divers de Bourbon s’élèvent ensemble annuellement à 1,5oo,ooo
francs, dont le tiers environ est le produit des douanes. Cette somme dépasse
de quelques centaines de milliers de francs les dépenses de l’Administration,
qui est très-modiquement rétribuée, et dans laquelle il existe peu d’abus.
Malgré sa probité, elle est sans considération, parce qu’elle est faible et
mesquine.
La plupart des jeunes Créoles des familles riches sont envoyés en France
pour leur éducation. Leurs parents les rappellent à 20 ou 24 ans; revenus,
ils se marient, s’ennuient, et passent leur vie à soupirer après le jour
où leur fortune leur permettra de retourner en France. La Colonie semble
n’être plus pour eux qu’un heu d’exil.
I l est vrai que les plaisirs y sont rares. Les femmes y sont très-réservées :
elles ne veulent pas s’exposer à la médisance des Libres. C’est ainsi que dans
les pays où plusieurs religions vivent mêlées ensemble, leurs ministres, sévèrement
surveillés les uns parles autres, sont obligés, chacun pour l’honneur
de leur église, de mener une vie très-régulière. Il n y a point de bonhomie
dans les moeurs ; on se visite p eu, parce qu’on ne peut le faire qu’avec une
certaine étiquette qui est gênante et dispendieuse. Des divisions sans nombre,
parfaitement puériles et ridicules, partagent cette petite société et confinent
à peu près chacun chez soi. Son aspect est d’une platitude extrême. On
passé le jour occùpé de ses affaires, et le soir, par désoeuvrement, par
ennui, on se couche de bonne heure. On n’a guère de curiosité que poulies
intérêts du commerce colonial ; l’esprit étroit de localité étouffe presque
toute sympathie pour les intérêts généraux de la mère-patrie.
Jusques il y a une cinquantaine d’années, le Café était à Bourbon la seule
culture dont les produits s’exportassent. M. Poivre y introduisit le Géroflier
qu’on y planta bientôt avec rage , et ce bel arbre fut, pendant une trentaine
d’années, une source de richesse pour les habitants. L ’Ile suffisait alors à ses
propres consommations. Le Blé, le Maïs, le Riz dans un petit nombre de
localités, et le Manioc surtout, étaient cultivés et occupaient de plus vastes surfaces
du sol cultivable que les Caféteries et les Gérofleries. Mais depuis l’introduction
de la Canne à Sucre, depuis la révolution industrielle qui s’est faite dans
I Ile vers lépoque du retour des Bourbons en France, le système de la culture
a tout-à-fait changé. Le Colon n’est plus une espèce de Prince qui vit dans l'abondance
sur son habitation, et qui est plus jaloux d’en tirer tout ce qui est
nécessaire à la vie que de grands revenus ; ce n’est plus un agriculteur, c'est
un manufacturier, qui achète tous les ansdes esclaves pour une somme énorme,
des grains étrangers pour les nourrir, des machines, des mulets, et qui vend
du sucre en échange. Une quantité très-considérable de riz est importée annuellement
de l’Inde, où de grands Bâtiments européens vont le chercher
en attendant que leur cargaison de sucre se prépare et se complète, et
de Madagascar, sur plusieurs petits bâtiments coloniaux qui ne font pas d’autre
commerce. Quelques Esclaves et quelques boeufs sont ordinairement amenés
aussi par eux; car bien que la viande de boucherie ne soit pas d’un usage
général, la Colonie n’a pas assez de bétail pour suffire à sa consommation en
ce genre. Les Boeufs de Madagascar sont de taille moyenne, élancés, de pelage
varié, à cornes parallèles et presque droites, ou légèrement recourbées en haut
et en arrière : tous ont sur le dos, au bas du cou, une pelote de graisse qui
forme, sous les téguments, une grosse bosse difforme. Au reste, de quelque
espèce d’animal que provienne la viande, elle est de médiocre ou de mauvaise
qualité, à l’exception du Porc, lequel est fort bon. Elle coûte un franc la bvre.
Quand les vents empêchent les riz de Madagascar d’entrer régulièrement
dans la Colonie, le prix de ce grain s’élève du simple au double en un mois.
II n’y a point de riche habitant qui ne spécule sur ces variations, dont souffrent
souvent beaucoup les petits Créoles.
L e S u c r e a B o u r b o n . La Canne à Sucre (*Saccharum officinarum, L . ) , de
même que toutes les plantes que depuis long-temps on ne propage que par
boutures, telles que les Saules, les Peupliers, l’Ananas, etc., ne produit que
des semences privées de la faculté germinative, et ne peut plus être multipliée
que par l’artifice dont l’usage, conseillé d’abord par les avantages qu’il offrait
à la culture, l’a réduite à cet état de stérilité.
Les noeuds très-rapprochés de son chaume ligneux et rempli d’une moelle
sucrée, sont des centres actifs de force végétative. C’est un caractère plus fortement
marqué dans les graminées équinoxiales, souvent rameuses, et quelquefois
arborescentes, que dans les plantes de la même famille qui habitent