
atteint en rentrant dans Paris après une absence de quelque durée, et un
séjour dans un lieu retiré. Ce bruit, ce mouvement d’hommes m’est odieux;
je me promets de l’éviter quelquefois, et de camper sur la route pour éviter
la foule qui s’arrête dans ces stations.
Le 9 décembre 1829. — A. Doubratchatti ( ) » 4 cos. ( 2 ^ 1.) de Rogonatpour. = [ Douléabad. ]
Réveillé par le froid, dans une maison comme sous ma tente, j ’étais de
bonne heure sur la grande route. Il faut donner ce nom au chemin construit
depuis quelques années de Calcutta à Bénarès, the new military' road, que
j ’ai joint à Rogonatpour. La première partie de cette communication a été
rompue par les pluies de l’été dernier, et le détour que j ’ai fa it , en passant
à Burdwan, pour me rendre aux mines de houille, tous les voyageurs l’ont
dû faire, à l’exception de ceux qui cheminent seuls de leur personne par
Dawks (relais de porteurs de palanquins). Mais depuis Calcutta jusqu’aux
confins du Bas-Bengale, jusque-là où l’eau commence à trouver une pente
pour s’écouler, ils ont dû et doivent encore, malgré la saison sèche, être
portés, non sur les épaules, mais sur la tête dès Bearers.
Des relais de porteurs sont établis sur cette ligne, à 8, 9 , i o et 11 mil.
( î j , 2 I , 3 , 3 i 1. ) de distance; et pour la commodité des voyageurs qui
désirent s’arrêter quelquefois en courant la poste à dos d’hommes, le Gouvernement
a fait bâtir, à de semblables distances, des Bungalows où l’on trouve
un lit pour s’étendre, une table pour manger, et une chaise pour s’asseoir.
Deux familles peuvent s’y rencontrer et s’y loger sans être fort gênées. Chacun
contient deux très-petits appartements : une chambre carrée de 5 mètres
de côté, une chambre de bain, et trois varangues séparées dé celles du voisin
et que l’on peut convertir en autant de chambres pour la nuit, en les fermant
à l’extérieur avec une toile ou une natte.
Rogonatpour n’est qu’un très-petit village. Il est situé au pied d’un groupe
de trois collines, élevées, je suppose, de s 5o à 3oo mètres, et couvertes de
bois. Je n’y ai vu que du granité sans stratification apparente. La végétation
y est pauvre. Des Zyziphus; diverses légumineuses dépourvues de fleurs, parmi
lesquelles néanmoins je distingue un Mimose que ses aiguillons rendent extrêmement
incommode : voilà les plantes dominantes. J’y dois ajouter une
belle espèce de Plumbago ; ses fleurs, d’un violet tendre, exhalent une odeur
mielleuse affreusement nauséabonde. Quelques composées, une Labiée, diverses
Graminées, parmi les herbes,, donnent un caractère presque européen
à cette petite Flore.
Du sommet de cette haute colline, le pays paraît plat, et les divers groupes
de collines pareilles, dont il semble hérissé à l’horizon quand on est dans
le fond des plaines, ne paraissent plus que comme des accidents isolés. Des
champs de Riz qu’on vient de couper et qui laissent la terre nue , séparés par
de petites chaussées^ herbeuses, des cultures de Moutarde, des arbres mêlés au
travers, et de vastes espaces de jungles, qui ne sont ici que de misérables
broussailles, un grand nombre de petits étangs dans les fonds, tout cela forme
une bigarrure peu agréable. De la culture et des habitations, il y en a trop ou
trop peu dans ce paysage pour l’effet, pittoresque. Les fieux les plus agrestes
ne sont pas des lieux sauvages. La culture semble”avoir passé partout autrefois,
Dieu sait quand ! Les terres incultes ne sont que des terres épuisées et abandonnées;
il y a dans la nature un air de vétusté sans noblesse, de pauvreté
vulgaire qui attriste l’âme sans la charmer, et je m’attends à éprouver bien
souvent cette impression dans un pays dont la décadence est si ancienne.
Une bande de chameaux, venant de Bénarès en 23 jours, se croisa sur la
route avec ma caravane. Plusieurs de ces animaux étaient plus grands qu’aucun
de ceux de leur espèce que j ’eusse jamais vus. Leur faix était léger, mais chacun
portait par-dessus un conducteur qui semblait excessivement cahoté. Ce sont
les premiers que je vois dans l’Inde.
Je rencontrai ensuite trois chars d’une forme non moins nouvelle pour un
Européen. Une sorte de caisse d’oranger très-élevée sur deux petites roues et
remplie de coussins, surmontée d’un dôme en toile grossière, supporté par
quatre Bambous ; quatre Musulmans gravement accroupis sur cet échafaudage,
et deux grands boeufs blancs des hautes provinces pour le traîner, qui le faisaient
assez vite. Les trois chars étaient semblables, solidement construits,
mais sans un clou.
Un enfant, avec une balance de bois, des cailloux pour poids, et trois paniers
de riz, attendait les chalands au bord de la route. Mes gens s’y lestèrent de
leur déjeuner. Je demeurai près d’eux pour les empêcher de tromper le pauvre
petit, et vis chacun donner sonpaïce (of,o4), et recevoir en échange \ livre de riz,
préparé de plusieurs façons différentes. Il est légèrement torréfié et concassé, ou
gonflé énormément et desséché au feu dans cet étatvde renflement; blanc alors
comme de la neige, et jaunâtre si on l’a chauffé jusqu’à le rôtir légèrement : le
goût en est agréable. Hindous et Musulmans prennent au même panier. Mes
gens vont avec cela jusqu’au soir, buvant plusieurs fois le jour. En vérité, je
vis comme eux, si ce n’est que c’est du lait que jê bois dans la journée au
lieu d’eau; et que, dans mon riz du soir, dont je mange beaucoup moins
qu’eux, il y a une poule rôtie.