
A l’exception de quelques grands édifices, dont quelques-uns sont des ruines
prêtes à tomber, et dont pas un sans doute ne sera debout dans deux siècles,
il ne reste plus aujourd’hui de cette splendeur si moderne, que des monceaux
de ruines dont l’histoire est totalement oubliée.
Plusieurs pans de murailles se montrent çà et là, qui définissent quelques
points de l'enceinte de l’ancienne cité ; mais ils sont trop rares pour qu on
puisse les Taccorder les uns avec les autres et tracer le contour qu elles formaient
jadis dans leur intégrité. On ignore l’espace qu’occupait cette ville,
tombée il n’y a qu’un siècle.
La ville actuelle est grande encore, puisque sa population est probablement
de 80,000 âmes. Ce n’est qu’une réunion de faubourgs, la plupart
bâtis de briques, quelques-uns de boue, à peine continus les uns aux autres,
laissant entre eux des espaces vagues plus étendus que ceux qu’ils recouvrent.
Sont-ce des restes épargnés de l’ancienne ville p ou n ont-ils pas été plutôt
bâtis de ses débris sur quelques points de son emplacement ? cela est plus
probable- Le sol qui les supporte contient à peine quelque peu de terre
mêlée avec de la brique. Ces espaces vagues qui les séparent, arides et sauvages
ou cultivés, ne sont eux-mêmes que des champs de briques; et si l’on
trace une ligne en dehors des divers faubourgs dont l’assemblage forme la ville
actuelle, en dehors de cette vaste circonférence, le sol au loin n’est encore
que de la brique.
Le temps et la charrue ont nivelé maintes parties de ce sol; ailleurs, les
eaux l’ont raviné, et dans la profondeur des ravines on ne trouve que des
masses de maçonneries enterrées dans des amas de briques détachées.
Vers le nord de la ville actuelle surtout, au dedans et au dehors de l’enceinte
de la ville ancienne, assez bien marquée de ce côté par les restes étendus
de la muraille (ou d’une des murailles) qui la fermait, des mamelons dont
le sommet atteint une douzaine de mètres de hauteur, et dont les pentes
roides descendent vers des bases de formes diverses, s’élèvent çà et là au-
dessus de la plaine jonchée de débris. On a percé quelques-uns de ces monticules
, et ce sont tous d’irhmenses fours à briques, dont les matériaux
abandonnés sont retournés presque entièrement à l’état de terre; l’action du
feu sur eux est presque effacée.
C’est aussi vers le nord, vers Secundrah, que des ruines plus grandes
et plus nombreuses se montrent plus loin de la ville actuelle ; on croit que
ce sont les restes des maisons de campagne des grands seigneurs, bâties à
la porte de la ville, mais en dehors des murs.
Le temps et le climat destructeur de l’Inde n’ont pas seuls consommé, dans
un si court intervalle, la ruine de cette cité. Les révolutions politiques et les
guerres qui ont déchiré l’empire depuis la mort d'Aurengzeb, en 1707, jusqu’à
l’occupation anglaise, en novembre 18o3 , y ont ajouté leurs terribles
ravages. Des classes entières de sa population d’autrefois ont disparu complètement,
sans laisser aucun héritier de leurs familles pour réclamer les débris
que ces fléaux avaient épargnés. De la cour si nombreuse et si magnifique
d'Aurengzeb, il ne reste pas à Agrah un natif de rang. Ces 80,000 habitants
qu’011 y trouve encore, sont des tisserands, des artisans de tous métiers, des gens
qui vivent de leur travail journalier, de petits marchands, quelques banquiers
qui ne laissent pas de s’enrichir , etc. ; mais pas un d’eux ne sait ce qu’était
son grand-père. Tous vivent dans de modestes ou de pauvres demeures.
Les Musulmans paraissent former, sinon la plus nombreuse, du moins la
plus importante partie de la population. L ’aspect de la ville est plutôt musulman
qu’hindou; ellè est d’ailleurs plus propre, et, à l’exception de Bé-
narès, plus animée qu’aucune de celles que j ’ai vues jusqu’ici. Des espèces
de gendarmes à cheval, vêtus presque à l’asiatique d’une tunique écarlate,
bottés, et coiffés d’un petit shako noir pointu, parcourent incessamment les
quartiers les plus populeux, les bazars, etc., et y maintiennent l'ordre. Une
garde à pied, vêtue et armée à l’indienne, turban écarlate, robe de chambre
verte, pantalon jaune-olive, ceinture blanche, sabre, fusil à mèche, occupe
une multitude de postes. Je n’ai encore vu nulle part dans l’Inde une police
aussi respectable et aussi efficace. Il ne tiendrait qu’aux Magistrats qu'ailleurs
il en fût de même; mais, demeurant toujours loin de la ville native, ils
s’inquiètent rarement de sa propreté, satisfaits s’ils ont orné avec goût les
alentours de leur demeure, et macadamisé quelques chemins pour la commodité
de leur promenade à cheval ou en voiture. Ici, le Magistrat, M. Mac-
sewen, a pourvu à la convenance et à l’agrément des natifs et des Européens;
sur le sol de briques, il a été facile de construire une multitude de routes
excellentes, et on les a tracées avec discernement au travers des ruines et
des déserts de l’ancienne cité.
De sa • splendeur passée, il ne reste plus aujourd'hui que :
L e T a d j e ; — l e F o r t (qui renferme le Môti Mosjéd, le palais de Schah-
djéhan, e t c .) " , — 1.1: A c t i m \ d u d D o w l a M o s j é d , o u le tombeau de Asiph-Djâh;
— S e c u n d r a h , o u le tombeau d’A k ba r ;— l e D j u m a M o s j é d .