
il contracte ainsi une foule d’obligations pécuniaires, auxquelles il ne peut souvent
satisfaire qu’en souscrivant de nouveaux engagements. Il a, en un mot,
toute la surveillance d’un chef de grand atelier à exercer, et tous les soucis,
toutes les dures préoccupations d’un négociant, d’un homme d’affaires.
Yoilà à quelles tristes conditions il possède d’élégants carrosses, s’habille, lui
et sa famille, des étoffes les plus chères, et rend sa maison incommode à habiter
par le luxe qu’il y étale sans goût et sans discernement. Il faut que tout
lui vienne d’Europe.
Son père, autrefois, qui ne vendait chaque année que quelques quintaux
de Gérofle et quelques milliers de Café, menait, au sein d’une abondante médiocrité,
une vie douce et indolente. Son habitation, parsemée de cultures
variées, de Cafeteries ombragées par de magnifiques bois noirs, de Gérofleries,
de Blé, de Maïs, de Manioc, n’était qu’un beau verger, non moins magnifique
et plus agréable à l’oeil que la monotone magnificence des Cannes.
Alors il y avait du loisir, des plaisirs, des passions, de la grâce et de l’esprit
avec beaucoup d’ignorance il est vrai, quelque grandeur dans les moeurs, et quelques
traits de vraie magnificence seigneuriale avec une bonhomie bourgeoise,
villageoise même, qui serait méprisée aujourd’hui comme basse. Les fortunes,
toutes médiocres, en revenus pécuniaires du moins, avaient une stabilité qu elles
n’ont plus, parce quelles étaient véritablement territoriales, et qu elles sont
commerciales à présent. Il y avait autrefois plus de sécurité, plus die bonheur.
L’ambition furieuse de la richesse a eu, dans plusieurs Etats de l’Union-Amé-
ricaine, dansceux:OÙ l’Esclavage des Noirs forme le régime industriel, les mêmes
tristes résultats. Les riches Yirginiens qui brillèrent par leur patriotisme et leurs
talents dans la révolution américaine, Washington et Jefferson, n’ont pas de
successeurs. Cès hommes de 1776 étaient de riches propriétaires qui vivaient
en princes et en patriarches à la fois sur leurs terres, où de nombreux Esclaves,
travaillaient pour eux et faisaient de l’argent. Us ne descendaient pas
à la surveillance de ces travaux qui les rendaient riches. De même qu’on travaillait
pour eux, pour eux aussi on spéculait. Comme des Bois, ils n’avaient
d’autre peine que celle de recevoir ; mais la plupart utilisaient noblement les
longs loisirs de leur opulence par l’étude, par les travaux de l’intelligence.
L esprit mercantile qui a pénétré depuis la révolution toutes les classas de la
société américaine, a détrôné ces Rois. Les fils de ces hommes qui avaient de
si grandes existences, sont plus riches que n’étaient leurs pères; mais ce ne
sont plus que des négociants. La cupidité les a fait descendre dans le détail,
dans le contrôle de toutes les sources de leur richesse. Eux aussi sont devenus
des chefs d’atelier. Us passent la journée à cheval, à surveiller le travail de leurs
Esclaves dans leurs champs de Tabac et de Coton; le soir, assis devant un
triste bureau, ils font des chiffres, et tiennent des écritures; ils spéculent. Il
n’y a plus dans leur vie de loisir pour les hautes études ; le pays ne produit
plus d’hommes grands par leur esprit.
C l im a t . Les vents d’E. et du S .E . dominent. Quelquefois ils passent au Sud.
Quand c’est*£n hiver, leur fraîcheur est incommode à quelques personnes.
L’été est; la saison pluvieuse. Les pluies sont très-fortes, mais je ne leur ai pas
trouvé la régularité de celles d’Haïti, à la fin du printemps. Je n’ai entendu
le tonnerre qu’une fois. Il doit n’être pas commun.
Lh iver est la saison la plus sèche ; c’est alors que l’atmosphère est le plus
pure Les montagnes se voient presque toujours libres jusqu’à leur sommet,
quelquefois blanchi par des neiges qui fondent bientôt. En été, elles sont habituellement
enveloppées de nuages.
Dans l’Essai statistique publié récemment par 1 administration, la quantité
annuelle de pluie est indiquée, avec quelques autres observations météorologiques.
Elles peuvent toutes avoir été bien faites ; mais l’obscurité de leur source
me les rend extrêmement suspectes.
Dans les jours les plus chauds du mois de février, correspondant au mois
d’août de nos climats, le thermomètre centigrade a dépassé plusieurs fois 290 et
est arrivé presque à 3o°; mais sa hauteur moyenne, entre midi et 3 heures, ne
s’est pas élevée à plus de 28°. Ce n’est que 2 degrés dé plus que sa moyenne à
6 heures du matin, au lever du soleil.
Dans une Ile aussi montueuse, la mesure de la température des sources n’apprend
rien sur celle du climat, et je me suis dispense, pour cette raison, de ce
genre d’observations.
La déclinaison de l’aiguille aimantée était de 180 environ au N .O .
C o u p d e v e n t d u 10 f é v r ie r 1829. Les ouragans des Antilles et des Iles
de France et de Bourbon sont célèbres par leur violence. L ’hivernage, c’est-à-
dire l’été, est la saison dans laquelle les unes et les autres sont quelquefois
ravagées. Le hasard me fournit l’occasion d’observer un de ces phénomènes
pendant mon séjour à Bourbon.
L e § février au matiu, le ciel était assez pur, le vent soufflait, avec une
force médiocre et beaucoup de régularité, du S .E ., ou il était fixé depuis
quelques jours. Le temps était beau; mais la Barre qui bât toujours les côtes
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