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pulation, dans toutes les classes de la société, est, il faut le dire, beaucoup
moins respectable, ces préjugés sont bien plus faibles, e t, à l’exception des
lavements, pour lesquels ils ont la même curieuse horreur que les Anglais, les
natifs avalent sans façon tout ce qui vient de chez l’apothicaire.
Le Ier mars i83o. — A Horal, x4 2 mil, (4 L) de Chatta.
Horal, restes d’une ville assez grande, devenue aujourd’hui un village. Il y
a Un bassin superbe, profond de cinq à six mètres en cette saison, et de
plus de dix mètres en été. On y descend par des escaliers de pierre, élevés
sur tout son périmètre. C’est un carré qui n’a pas moins de 6,000 mètres
de surface. Le fond n’en est pas herbeux ; l ’eau, par transparence, en est
limpide, incolore, et, par réflexion, d’un vert-pré opaque.
Le a mars i83o. — A Bomini-Khéra, 1a mil, (3 £ 1.) de Horal.
Laissé sur la gauche quelques villages entourés de hautes murailles. Profusion
de tombes et de mosquées à l’entour. La fig. 9 , Pl. X X , représente
leur forme la plus commune.
Le 3 mars i83o. — A Sicri, i6 i mil. (4 f 1-) de Bomini-Khéra.
Le pays, en général, assez bien cultivé. Les Dattiers assez communs dans
les lieux incultes. Les villages rares et populeux, bâtis sur une butte de
terre élevée de quelques pieds au-dessus de la campagne.
Arrivé avant ma tente, par une pluie affrçuse, je m’étais réfugié dans
une mosquée. J’y reçus un message que je compris mal, et auquel je
répondis affirmativement, croyant qu’il ne m’en coûterait pas davantage
pour renvoyer le messager satisfait; mais il revint bientôt après avec
deux cbaises qu’il plaça l’une auprès de l ’autre, et pour l ’une desquelles je
quittai aussitôt la pierre bumi.de de ma mosquée. J’étais à peine assis, qu un
groupe caché derrière des arbres voisins se montra : c’était un cavalier natif,
de bonne mine, bien vêtu, suivi de quelques domestiques à pied. I l mit
pied à terre sur la route, et s’avança vers moi après quelques salams faits à
distance. Je compris que j’avais accordé une audience sans le savoir, et une
audience assise. Incertain de la qualité de mon solliciteur, mais satisfait d’ailleurs
de son extérieur respectable, je ne songeai pas à rétracter Je mot qu’on
m’avait surpris, et je fis signe à l’inconnu de s’asseoir près de moi. Il débuta
par la préface indienne d’une visite à un supérieur, l’offre d’un petit présent :
c’était une roupie qu’il tenait sur un mouchoir. Je la touchai par politesse
et lui fis signe de la garder. Il me donna alors à lire un long papier
écrit en anglais, dont il désirait connaître le sens. C’était une lettre du
résident de Dehli, qui l’informait de la continuation d’une petite faveur
accordée depuis longtemps par le Gouvernement à sa famille (u n djaghir
de 1600 roupies, 4>00° f • ? annuellement).: Mon homme était donc un
seigneur tenancier de l’Etat. Prenant goût à ma complaisance, il fit signe
à l’un de ses serviteurs, qui exhiba sur-le-champ une plume, de l’encre,
du papier, et il me pria de lui traduire son acte en persan. C’était trop
pour ma science et pour mon obligeance, et je le congédiai sans beaucoup
de cérémonies. Ce qui me rendit brusque à la fin, c’est que je remarquai
qu’il avait gardé ses souliers, et j ’étais incertain s i , dans un homme de
sa classe, ce n’était pas une liberté plus digne d’un coup de pied au derrière,
pour réponse, que d’une politesse en échange. Le cas était compliqué. J’avais,
sans le savoir, accordé le siège: les souliers ne s’ensuiv aient-ils pas? d’autant
plus que c’était en plein champ que je donnais audience, non sur l’aire de ma
maison ou de ma tente. Qui n’aime mieux faire une incivilité que la recevoir ?
Le 4 mars i83o. — À Furridabad, 10 £ mil. (3 ^ l. ) de Sicri. = [ Balamghur. ]
Balamghur, village situé à moitié chemin sur la route, est la résidence dun
Rajah passablement riche. Il habite dans un Fort assez grand, entouré dun
rempart de terre et d’un fossé. Des misérables en guenilles montent la garde
avec un fusil à mèche à la porte de ce château. On voit s’élever de son intérieur
au-dessus de ses murs de boue, quelques petites Pagodes et des constructions
neuves d’assez bon goût. La campagne autour de Balamghur est ornée : les
chemins sont plantés d’arbres, etc., etc.-wÇ’estla conséquence du Rajah. Les
Anglais n’ont pas cette sorte de magnificence qui tient au sentiment national,
et tourne au profit du pauvre peuple. Ils entretiennent, il est vrai, quelques-
uns des monuments classiques de l’architecture indienne : autour de leurs
stations, ils font des chemins excellents, mais c’est pour eux-mêmes et pour eux
seulement. Ils n’ont point de sympathie pour les natifs et ne sont rien pour
eux. Ils ne percent pas de puits, ne creusent pas de bassins pour donner
de l’eau à un village, réduit quelquefois à en aller chercher à plusieurs
lieues, ou pour les pauvres voyageurs sur la route; parce que, sur la route,
ils n’en ont pas besoin eux-mêmes. Sans doute leur Gouvernement est un
immense bienfait pour les classes inférieures du peuple ; mais c est que le peuple
auparavant était aussi misérable que possible. Ils vivent entièrement comme