
pour obtenir la cession des siens, mais on a trouvé la répugnance la plus
obstinée à entrer en négociation. Il est parfaitement ridicule de mettre de
l’amour-propre à garder ce qu’il est impossible de défendre ; mais le roi de
France ne sait pas probablement mieux la géographie que lord Castlereagh,
qui ne savait où trouver Java sur la carte. Il se figure prohablement qu’il a
dans l’Inde des possessions qui importent à l’honneur de sa couronne, et ses
ministres n’osent pas lui proposer de s’en départir. Puis le public, sur ces
matières, est si bête, témoin la négociation de M. de Villèle avec Saint-Do-
mingue, qu il jetterait les hauts cris à lidée d’abandonner quelques lieues
de territoire où vivent, comme des oiseaux sur la branche, quelques centaines
de pauvres diables, qui n’en seraient pas plus pauvres pour devenir sujets
anglais.
Tittagar, le a5 octobre 1829.
L e s S a i s o n s . — Cest quelques jours après l’équinoxe du printemps, et g,é-
néralement un mois après 1 équinoxe d automne que se renversent les moussons.
Celle du S .O . s’établit cette année vers les premiers jours d’avril;, dans
les parages où je naviguais alors, à la pointe de l’Inde, près de l’équateur, et
voici que les vents d’E. et de N .E . qui soufflent avec force depuis trois jours,
viennent de mettre fin aux chaleurs. Nous entrons dans la mousson d’hiver •
le ciel est chargé de pluie; mais ce ne sont plus ces vapeurs chaudes qui se résolvaient
, il y a quelques jours encore , en ondées tièdes; la pluie tombe aujourd'hui
sans force , mais avec continuité ; elle est fraîche. J’éprouve, comme
en Europe, la tristesse des derniers jours de l’automne.
J'ai fait une longue promenade sur les bords du Gange, et j ’ai pressé le
pas pour ne pas avoir froid. Les herbes étaient trempées de pluie, quelques
arbrisseaux se dépouillent.
Mais avant de tomber, les feuilles, au déclin de leur existence,' 7 ne se teioenent
pas des riches couleurs dont elles s’avivent dans les climats froids. Ici, la
mort végétale vient avec la même vitesse que la vie. Les développements sont
rapides ; la désorganisation ne l’est pas moins. Aux approches de la saison
froide, la vie ne se retire pas avec lenteur des végétaux ou des parties des
végétaux qui ne voient qu’un été ; elle les abandonne brusquement : flétries ,
aussitôt elles tombent, et bientôt décomposées par le feu du soleil que l’hiver
n’éteint pas, elles ont rendu à l’atmosphère les principes dont elles étaient
formées.
Cependant, le nombre des arbres qui se dépouillent entre les tropiques,
est bien petit. Les premières atteintes de l ’hiver qui en flétrissent quelques-
uns, en font fleurir une multitude. La terre n’est pas moins verte l’hiver que
l’été.
L’hiver! l’été!, et j ’ai parlé de l’automne aussi! Souvenirs d e là patrie, de la
grande patrie, de l’Europe !... La Grèce, l’Italie, les belles contrées que baigne
la plus belle des mers, la Méditerranée, ont un été, un automne, un hiver;
elles ont aussi un printemps, et des quatre saisons que leurs poètes ont chantées
, c’est, la plus délicieuse! Sur la foi d’Anacréon et de Virgile, dans le nord
de l’Europe, nous parlons aussi du printemps, il est un temps de l’année
que nous appelons de ce nom ; et parce que nous avons quelques jours, séparés
souvent par d’odieux retours d’hiver, parce que nous avons quelques
jours qui ressemblent au printemps de l’Italie, nous avons déclaré que nous
avions comme elle un printemps. Ramond a dit « que ce^ n’était qu’une lutte
« entre l’hiver qui finit et l’été qui commence. »
Les Indiens distinguent trois saisons dans l’année : la saison chaude, la saison
des pluies, la .saison froide.
La première commence avec le renversement de la mousson, à l’équinoxe
du printemps, et finit dans le courant du mois de juin. C’est le temps de
l’année que les Anglais appellent les hot winds.
Les maisons des Européens ne sont ouvertes alors que pendant la nuit :
dès que le soleil se lève, on les ferme aussi exactement que l’on peut; ici,
elles sont grandes, spacieuses. Chacun, dans son appartement, fait faire du
vent tout le jour au dessus de sa tête, avec cet air frais dont il a empli sa
maison dans la nuit. Un serviteur met en branle un énorme et massif écran
suspendu au plafond. C’est le Punka ; invention dont la stupide magnificence
des Orientaux ne s’était pas avisée, et qu’ils ont adoptée d’après les Européens.
La pluie est très-rare, l’air est très-sec dans cette saison dés chaleurs ; et
quoique l’air avec lequel chacun se fait administrer du matin au soir une
tempête, soit à .28. ou 3o degrés de température, il prévient cependant la
sueur, ou il l’enlève à mesure qu elle se forme. Cette tempête souvent s’adoucit
en un zéphyr insensible; aussitôt le front se couvre de sueur : si vous
êtes occupé à lire , à écrire, vous continuez quelque temps votre besogne, mais
distrait, agité par un sentiment de gêne qui bientôt vous fait poser le livre
ou la plume. Vous regardez autour de vous, le Punka pend immobile; le
Behra tient encore le cordon qui le tire , mais c’est qu’il l’a attaché à sa main.
Il s’est doucement coulé à terre, accroupi; il sommeille, et vous brûlez.
Une énergique interjection le réveille en sursaut, l’homme se lève à l’instant,