
les juges de Bénarès. La responsabilité de ses fonctions financières est la
preuve qu’il n’en craint pas la charge, et quant à sa police, les résultats
en sont évidents, elle est bien faite. M. Metcalfe prit racine à Dehli sous
l’administration' de son frère, Sir Charles Metcalfe, qui était alors Résident, et
il s’est fait entièrement du pays. C’est le premier homme que j ’aie vu dans
l’Inde parfaitement satisfait de sa situation. Je dois sans doute à l’avantage
d’avoir été son hôte, celui d’avoir vu ce qui reste de la dynastie de
Timour. Peut-être était-il un peu fier devant un étranger d’avoir une telle bête
à montrer, mais je veux croire qu’il m’en fit l’offre par obligeance plutôt que
par vanité.
L e G r a n d M o g o l . — Le déclin de la maison impériale de Timour date de
la mort d’Aurengzèb, en 1709. Sous les faibles successeurs de ce grand
prince, une puissance nouvelle commença à paraître sur l’horizon politique
de l’Inde; ce furent les Marattes, tribus indoues toujours restées indépendantes
de la domination musulmane sous des rajahs de leur nation, mais dont les
empereurs précédents avaient aisément châtié l’insolence, lorsqu’elles étaient
sorties de leurs territoires pour commettre des déprédations dans le Deccan
et les autres provinces éloignées de l’empire.
Affaibli par la perte du Bengale, dont les Soubahs ne payaient plus à la
cour de Dehli qu’un vain hommage , Mohammed Schâh, arrière-petit-fils
de l’empereur Moëzzim, fils d’Aurengzèb, consacra, vers 1780, par un traité
honteux avec les Marattes, leur suprématie sur la puissance mogole, en
s engageant à leur payer annuellement le quart du revenu des provinces
sujettes à leurs incursions. Cet aveu d’impuissance fut le signal de la révolte
générale. Chaque Vice-Roi, chaque Rajah feudàtaire de l ’empire, tenta
de s en rendre indépendant. La faiblesse, l’indécision de l’Empereur Mohammed
, les divisions qui partageaient sa cour restée fidèle, le laissèrent sans
aucune force pour réprimer ces tentatives. C’est alors que Nadir Sch âh,
Roi de Perse, entreprit la conquête de l’Inde. Il l’effectua, presque sans
opposition, avec une très-petite armée, en l’an 1738. Dehli fut saccagé,
les populations des lieux où passa le vainqueur furent partout massacrées.
Maître de tous les trésors de 1 empire, Nadir, comme Timour jadis, après
une courte invasion, reprit la route de ses États.
En quittant lln d e , il y avait replacé solennellement sur le trône le pusillanime
monarque qu’il en avait si aisément précipité. La majesté impériale,
avilie dans Mohammed , ne se releva point. La couronne continua d’être héréditaire
dans la famille de Timour; mais l’empereur ne fut plus qu’un misérable
mannequin, prisonnier d’un ministre, et que les partis déposèrent en lui
crevant les y eu x , ou mirent à mort, pour élever au Mesned quelque enfant
de la race de Timour. Né quelquefois dans une prison, celui-ci ne tardait pas
à y retourner privé de la vu e , après un règne nominal de quelques mois,
rarement de quelques années, pour faire place à une victime nouvelle. Voilà
1 espèce de couronne que le droit funeste de sa naissance plaça sur la tête
de Schâh Alem. Ce prince s’échappa de Dehli, où le sort de ses prédécesseurs
le menaçait au milieu des intrigues du palais. Sa vie fut une longue série
d infortunes ; en vain il appela sur son pays une nouvelle invasion persane,
celle d’Abdallah, pour recouvrer sa liberté au prix de son indépendance;
en vain il tenta le sort des armes pour ressaisir quelques provinces de l’empire
divisé. Renonçant à son entreprise contre le Behar à la vue des forces
anglaises, il fut bientôt réduit à traiter avec la Compagnie, à laquelle,
moyennant une dotation et l’exercice d’un vain pouvoir sous sa protection,
à Allahabad, avec la conservation du titre impérial, il dut céder le gouvernement
du Bengale ; ayant quitté cet asile, il retourna dans les provinces du
nord, e t, plus malheureux encore au déclin de sa carrière, il fut aveuglé
et confiné dans le château de Dehli, prisonnier des Marattes, dont la
confédération parvint au plus haut degré de puissance sous le gouvernement
de ScincLia, rajah de Gwalior.
Lord Lake, commandant de l’armée anglaise qui prit Dehli le 3 septembre
i 8o3 , y trouva ce vieillard aveugle. Les Marattes, ses ennemis, de
qui il avait eu beaucoup moins à souffrir que de sés sujets, avaient adouci
sa captivité. Ils lui avaient laissé le vain titre impérial de Padischâh,
lui avaient donné pour prison le palais de ses ancêtres, et l’y avaient
maintenu dans une sorte d’opulence. Les Anglais ne pouvaient se montrer
moins généreux que les Marattes. Ils reconnurent son titre, le déclarèrent
héréditaire dans sa famille par ordre de primogéniture, et lui assignèrent,
ainsi qu’à ses successeurs, une pension d’un lack ( 25o,ooo fr.) par mois,
et un djaghir de quatre lacks ( un million de francs environ ) de revenu
annuel, ensemble quatre millions de francs. Aucune part ne lui fut rendue
dans le gouvernement de l’état ni des territoires voisins de Dehli ; mais
dans la vaste enceinte du palais, dont ses propres gardes occupèrent toutes
les portes, il demeura maître absolu, et le palais cessa d’être pour lui une
prison. Enfin, l’officier auquel le Gouvernement anglais confia l’administra