
diffère d’ailleurs à tous égards par la prédominance des vents d’ouest, qui
amènent toujours avec euxla pluie ou des brumes épaisses, et par la température
médiocre de ses étés. Ces plantes vivent à Brest parce que les hivers n’y sont pas
assez froids pour les faire mourir; mais elles y végètent sans vigueur, privées
du soleil, de la vive lumière de leur pays natal. Le myrte seul parait n’en
point ressentir la privation ; c’est, comme dans le midi, un grand et bel arbuste
qui fait l’ornement de tous les jardins.
Plusieurs genres du cap de Bonne-Espérance prospèrent plus en plein air
toute l’année que rentrés pendant l’hiver dans l’orangerie, les mésembryan-
thèmes surtout et les plantes liliacées. Une seule, le Verbena triphylla, se
rencontre dans quelques jardins particuliers; c’est un grand arbrisseau, dont
la feuille et les fleurs, sous ce ciel froid et brumeux, ne perdent rien de leur
agréable parfum.
Cependant le Canna indica et le Calla oethiopica partagent avec lui quelque
peu de popularité. L’un et l’autre végètent avec une vigueur extraordinaire et
mûrissent parfaitement leurs graines. Par un caprice singulier, le Phormium
tenax ne fleurit même pas.
Il était aisé de prévoir qu’un grand nombre de plantes de la côte méridionale
de la Nouvelle-Hollande et de l’île Diémen prospéreraient dans un lieu
dont le climat a une singulière ressemblance avec celui des Terres australes.
Gn voit aussi dans la liste que j ’ai donnée bien des espèces australiennes. Il y
en a qu'on a essayé de rentrer pendant l’hiver, et elles ont paru regretter les
brumes et les pluies de cette saison.
Enfin quelques plantes américaines équinoxiales se montrent aussi à Brest,
cultivées en pleine terre; mais les unes, comme XAchyranthes virpala et le
Cassia occidentalis, quoique plus fréquentes dans le Nouveau-Monde entre les
tropiques, sortent néanmoins de ces limites, et la plupart des autres sont
des espèces montagnardes; et elles retrouvent à Brest le ciel brumeux, lété
sans feux , l’hiver sans frimas, de la région moyenne des Andes.
Le Polyanthes tuberosa, pour y épanouir quelques fleurs sans parfum, ne doit
pas sortir de la serre chaude.
Les cactus végètent tristement, sans doute à cause de l’humidité qui leur est si
contraire. Aucun d eux ne supporte l'hiver, pas même le Cactus opuntia, qui,
dans les pays où la nature elle-même l’a fait croître, s’avance le long des bords
de l'Atlantique jusqu’à New-York, où je l’ai vu rabougri, mais robuste, couvrant
les plages et les rochers, et même jusqu'à Boston, dont les hivers sont
si rigoureux.
À bord de la Zélée en mer, lat. bor. 6°, long, occid. 44°> Le 6 octobre 1828.
Nous avons appareillé le 16 août, à 10 heures du matin, dans la rade
de Brest, par une jolie brise d’est. Elle mollit bientôt : le soir, nous étions
encore en vue de la côte, que nous relevâmes; le lendemain nous ne la vîmes
plus. Je ne sais ce qu’éprouvèrent alors les autres, en voyant le soleil, à son lever,
n’éclairer plus que le morne horizon de la mer. Nul d’eux, assurément, ne
s’éloignait pour un temps aussi long que moi, d’amis aussi tendres et aussi
tendrement aimés; et moi, cependant, je n’avais pas le coeur gros, ni l’oeil humide.
L’heureuse expérience que j ’ai déjà faite d’un voyage lointain, retrouvant
au retour, tels que je les avais laissés en les quittant, tous les objets de mes plus
chères affections, m’inspire la plus ferme confiance que je connaîtrai deux
fois dans ma vie ce bonheur.
Je voudrais dire quelle espèce de bâtiment est la Zélée; mais après des
questions sans nombre adressées aux officiers, je ne puis connaître au juste son
tonnage, ni savoir si c’est réellement une gabare, ainsi qu elle est officiellement
désignée, ou une corvette de charge, ou une corvette. Quoi qu’il en soit, j’ai
découvert qu elle avait cent quatre pieds de long, qu elle tirait treize pieds et
demi d’eau, et qu’elle portait quatorze caronades de 18, et sur l’avant, deux
canons de fonte de 6. Son équipage est de quatre-vingt-deux hommes des classes.
Si c’était un navire du commerce, je l’estimerais de trois cents à trois cent
cinquante tonneaux ; mais les bâtiments de guerre ont toujours moins de capacité
qu’ils n’en paraissent avoir, et je ne serais pas surpris que la Zélée, malgré sa
bonne mine, ne jaugeât pas plus de deux cent soixante tonneaux.
Parmi les bâtiments de son espèce, elle passait pour une bonne marcheuse,
et les journaux de ses dernières campagnes témoignent qu elle avait droit à
cette réputation ; mais elle en est devenue tout-à-fait indigne. C’est, dit-on,
qu elle est mal arrimée : je ne sais; mais enfin, après quelques jours de navigation
, nous avons acquis la connaissance de ses qualités et de ses défauts, et nous
avons pu être assurés dès lors de ne faire que de longues traversées. Vent arrière
elle ne marche pas du tout ; le vent de travers ( 90° ) porte sa marche jusqu’à
huit milles et demi, et c’en est le maximum. Au plus près, elle a de l’avantage:
elle fait souvent quatre noeuds et demi , presque sans dérive. Cette qualité de
s’élever au vent est la plus précieuse pour un navire destiné à des voyages de
découvertes, naviguant souvent près des côtes, et exposé à y être jeté par les
I. a