
est sortie constitutionnellement, sans agitation , sans désordres, du système
inconstitutionnel et tyrannique dont il semblait, il y a dix ans, alors seulement
quelle y entrait, quelle ne pouvait se délivrer que par la violence«*
Tout ce qui se passe en Turquie depuis quelques années, je n’en excepterai
pas le massacre des janissaires à Constantinople, n’est-ce pas une révolution
toute nouvelle et tout inattendue d’un peuple musulman ? Des uniformes et
des baïonnettes aux spldats d’une armée turque, n’est-ce pas un progrès
vers la civilisation ? Cependant les Turcs nous semblaient devoir être Turcs
pour toujours. « Le genre humain est en marche pour ne plus reculer, » a dit
Courrier. Sa division en castes soustraira-t-elle l’Inde à ce grand mouvement ?
Pour ses cent millions d’habitants, j ’èspère que non.
L e d im a n c h e a C a l c u t t a , e t l e s e r v i c e d i v i n a l a C a t h é d r a l e . Voici
le quatrième dimanche (7 juin ) que j ’ai passé dans cette grande ville : c’est
plus qu’il n’en faut pour connaître les mérites tout-à-fait négatifs de ce saint
jour en Un pays anglais. On le sanctifie par la privation du peu de plaisirs
qu’admettent, dans le système de la société,Tes autres jours de la semaine.
Il n’y a ni danse, ni musique, ni même de grands dîners. Toutefois la
promenade à cheval le matin, et la promenade en voiture au coucher du soleil
ne sont pas interrompues, ou ne le sont du moins que par un bien petit
nombre de personnes qui assistent le soir à un office de renfort. Les presbytériens
sont plus rigides comme de raison que les anglicans : les plus nombreux
sont partout les plus tièdes. Cependant il n’y a ici aucune famille I
me dit-on, où l’amour de limitation de Dieu fasse préparer le thé le samedi
par les domestiques, pour être pris froid.le lendemain : ce saint zèle ne
s’est encore montré qu’à Madras. Le dimanche de Londres, qui est une partie
de plaisir auprès de celui d’Edinburgh, est autrement sérieux que celui de
Calcutta.
Le service se fait à la Cathédrale, à dix heures et demie. J’y accompagnai
le matin madame Pearson et sa fille. L ’église n’est qu’une très-grande, très-
large et très-haute chambre, dont le plafond plat est supporté par une double
rangée de colonnes. Une table pour la communion, à l’une de ses extrémités;
à l’autre, un jeu d’orgues, une chaire au milieu, en voilà tout l’appareil
sacré. D’un côté du pupitre est le siège du Gouverneur-général, avec
un banc derrière pour son état-major, qui était là au grand complet. En
face est le siège ou trône de l’évêque, avec un banc correspondant pour sa
famille, et deux fauteuils, plus bas, à ses côtés, pour ses aides-de-camp;
nous étions seuls dans le banc de sa famille. M. Pearson était l’ami du feu
Dr Héber : à ce titre, 'peut-être, sa femme partageait cette place commode,
vacante aujourd’hui par la mort du docteur.
Des bancs commodes et élégants garnissent l’intérieur et la galerie en dehors
des colonnes; en haut, il y a une seconde galerie. Chaque famille a sa
place marquéeyfiont elle paie sans doute la location à la fabrique.
Un système formidable de Punkas pend de toutes parts au plafond pour
éventer le choeur et les deux galeries. Une quarantaine de porteurs de palanquins,
vêtus de blanc, sans livrée, avec la robe et le turban, les agitent
sans faire le moindre bruit : l’effet en est très-singulier et très-joli, mais point
du tout solennel. Ces grandes ailes blanches, qui ont l’air de se jouer dans l’a ir,
et dont les balancements périodiques masquent et découvrent tour à. tour
l’officiant à son pupitre, le prédicateur dans sa chaire, doivent impatienter
Vivement la piété qui cherche à s’enfoncer dans la prière.
Nous arrivâmes, comme de bonnes gens, avant le commencement: il y
avait cependant déjà beaucoup dé voitures et de palanquins dans la cour, et
l’assistance était assez nombreuse. L ’orgue jou a , comme l’orchestre à notre
Théâtre-Français, à ce qu’il me parut, pour faire prendre patience au public
jusqu’au lever du rideau, qu’on ne lève ici qu’à l’arrivée du Gouverneur-général.
Il arriva bientôt, en frac, sans aucun ruban, donnant le bras à sa femme,
et suivi de son secrétaire privé et de ses aides-de-camp en uniforme.
Le prêtre qui lisait les prières, le laïque qui les répondait, faisaient les mines
les plus hypocrites du monde ; le prêtre surtout, avec sa grande robe blanche,
et' ses cheveux poudrés sur la figure rose dun jeune homme, montrait le
blanc des yeux à faire peur. Quant à son débit, il n avait aucune ressemblance
avec sa pantomime; c’était celui d’un maître d anglais, ^prétentieux, jaloux de
faire admirer la perfection de sa prononciation.
La substitution du th k IV final de la troisième personne du singulier des
verbes, dans le vieux et noble langage des écritures et de l’église anglaise,
y rend extrêmement commun ce son désagréable. C est une langue inusitée
que celle-là aujourd’hui-, et la connaissance intime qu en ont tous les Anglais
nourris dès le bas âge dé la lecture de la Bible, ne les aide pas médiocrement
à comprendre Shakspeare.
Quelque insolite que soit cette langue, elle est cependant beaucoup trop
claire encore, beaucoup trop usuelle pour le sens des choses sacrées : 1 étrangeté
des dogmes religieux doit être enveloppée dans 1 obscurité des langues
mortes. Le peuple, en France, s’il était dévot, aurait du moins une excuse dans H i 2j