
d’un serviteur pour veiller au fourneau ; si au contraire il fume comme le
bas peuple de ce pays, au travers d’une noix de Coco pleine d’eau, il lui faut
ses deux mains pour la tenir.
Ce sont bien des feuiMes d e Nicotiana tabacum que fume ici le peuple, en
y mêlant quelques drogues ; mais on'm’assure qu’il n’entre de tabac d’aucune
sorte dans l’espèce de pâte que fument les riches dans leur Houka de cristal
ou d’argent, qui vient du Cachemir. Elle se compose, dit-on, de feuilles de
roses, d’opium et de pommes sauvages desséchées.
Le tuyau flexible du Houka est une longue spirale de fil de fer recouverte
d’une mince écorce, ou plutôt d’une couche de liber de Bouleau; et par
dessus, de soie ou d’étoffe précieuse. Les tuyaux se font au pied de l’Hima-
laya. Avant de fumer, on verse toujours un peu d’eau de rose dans ce tuyau.
L’espèce de pâte sèche que l’on fume, ne brûlerait pas seule; on est obligé
d’en entretenir la combustion au moyen de plusieurs boules composées de
poussière de charbon et de farine de riz , qui brûlent d’elles-mêmes avec ardeur
quand on les a une lois allumées, et dont on couvre la surface du soi-
disant tabac.
Les fumeurs ont un domestique dont le seul emploi est de tenir leur Houka
en bon ordre, et de le porter le soir partout où leur maître va dîner,
sans oublier un petit tapis long et étroit, sur l’extrémité arrondie duquel
le Houka est posé contre le mur dans la salle à manger, tandis qu’une partie
du tuyau traîne à terre sur le reste du tapis, jusqu’à la chaise du fumeur, qui
en tient le bout à la main. A sa droite, on dispose aussi un grand vase de
cuivre dans lequel il crache. Ce petit établissement se fait dès qu’on enlève
le premier et unique service, et la machine marche avant que les femmes
se soient retirées. Dans cette première partie du dessert, où la nappe est
encore sur la table, je dois dire que le Houka produit très-peu de fumée,
que cette fumée n a presque rien de l’âcreté du tabac, et qu’à moins d’être
le voisin immédiat dun fumeur, on en distingue à peine l’odeur dans les
grandes, chambres où l'on dîne.
Le Houka est reçu partout à Calcutta, excepté chez le Gouverneur-général.
Les très-jeunes militaires s’en font presque toujours suivre quand ils
dînent dehors : cela est manly Je me trouvai dernièrement invité dans une
maison dont je ne connaissais que le maître; assis près de sa femme pendant
la partie du dîner qui se passe en commun, je me trouyai, après le départ
des dames, flanque de deux voisins et de deux crachoirs, repoussé avec perte
(1) Mâle, cela sied bien à un jeune homme.
dans toutes mes tentatives de dialogue, et réduit, pendant plus d’une heure,
à absorber la fumée de ces Messieurs, qui du moins avaient le plaisir de la
faire eux-mêmes, et qui d’ailleurs la délayaient dans quantum sufficit de vin
de Xérès. La définition de l’homme par Figaro a trop de généralité. Non
vraiment, les Européens des bords de la Méditerranée ne boivent pas sans
soif ; ce sont les Septentrionaux que ce trait caractérise.
A ce sujet, cependant, il faut dire que l’heureuse révolution qu’éprouvent,
depuis la paix continentale, les moeurs anglaises, se fait ressentir ici. Il y a
dans la bonne compagnie une tendance marquée vers les usages plus polis
des Français. Tous les hommes boivent largement, mais aucun ne s’enivre;
ce n’est pas en comité secret et avec l’ancienne apparence de préméditation
solennelle qu’ils boivent après avoir cessé de manger. Dans un grand
nombre de maisons, les hommes se lèvent de table quelques minutes après
que les femmes l’ont quittée.
La Société asiatique ne dîne pas à la façon des sociétés anglaises et anglo-
américaines. C’est sans doute à défaut de tavernes.
Calcutta, le"8 juillet 1829.
F êt e r elig ieu se des M usulmans d e la secte d ’Al i. Les discordes religieuses
qui armèrent jadis les uns contre les autres les amis et les.ennemis d’Ali,
se sont rallumées dans tous les siècles de l’Hégire, et elles ont excité une
haine éternelle entre les Turcs, et les Persans. Ceux-ci, qu’on a voulu flétrir du
nom de schiites ou sectaires, ont ajouté à la croyance musulmane un nouvel
article de foi; c’est que, si Mahomet est l’apôtre de D ieu, Ali en est le vicaire.
Dans le secret de leurs opinions, comme dans les manifestations publiques
de leur croyance, ils exècrent les trois usurpateurs qui ont interposé leur
règne entre la mort de Mahomet et les droits imprescriptibles d Ali a 1 héritage
de sa souveraineté spirituelle et temporelle ; et le nom d Omar particulièrement
exprime dans leur langue l’union diabolique de la cruauté et de
l’impiété.
L’historien qui, d’une main impartiale, pèse les vertus, prononcera que
leurs moeurs étaient également pures et exemplaires ; que leur zèle était fervent
et sans doute sincère ; et qu’au milieu des richesses et du pouvoir, tous trois
consacraient leur vie à la pratique de la morale et de leurs devoirs religieux.
« Les persécuteurs de Mahomet usurpèrent l’héritage de ses enfants ; les
vieux défenseurs de l’idolâtrie devinrent les chefs de la religion et de 1 Etat.
Moawiah dont le prophète avait préparé la grandeur, à qui Omar avait confié
. a 5.