
sur cette rivière, a tracé les diverses directions que son cours a suivies successivement.
L ’excessive lenteur et les fatigues des voyages par terre dans l’Inde, soit
que l’on marche, comme disent les Anglais, soit que l’on coure la poste
en palanquin, ont fait pour eux du Gange, nonobstant la lenteur et les dangers
de sa navigation, la grande route de ce pays. Cent lieues de navigation
sur la rivière leur paraissent une moindre affaire que deux jours de
marche pour en faire quinze.
Les dangers naissent des changements continuels qu’éprouve le lit des
chenals navigables dans cette immense surface d’eau , des risées violentes qui
soufflent tout à coup, et de l’inexpérience et de la lâcheté des bateliers indiens.
En été, dans la saison des grandes eaux, les vents du S .O . permettent
de remonter à la voile ; mais alors il faut lutter contre un courant de 2 lieues
à l’heure. Il faut que le vent soit bien favorable pour dépasser cette vitesse
et avancer contre elle; s’il mollit, on mouille; la nuit, d’ailleurs, on mouille
toujours. Beaucoup, pendant le jour, se font haler par leurs équipages, et
naviguant près du bord, rencontrent un courant moins rapide. Quoi que l’on
fasse, la navigation de Calcutta à Bénarès excède en durée celle d’Europe en
Amérique. Elle est de 5 à 6 semaines.
En hiver, dans les basses eaux, il n’en reste pas assez en divers passages
pour le tirant des grands budgerows, et ceux auxquels leur petitesse permet
de passer partout, favorisés en cette saison par la faiblesse du courant, sont
contrariés par le vent d’O . et de N .O . qui souffle droit contre leur route;
on n’avance alors qu’à force de rames.
Au reste, les bateaux de voyage sont si commodes à habiter; tant de villes
se pressent sur les bords du Gange, en diverses parties de son cours, qui offrent
aux voyageurs des points de vue agréables ou l’occasion de visiter des amis
qui y résident, que la lenteur de la marche est un médiocre inconvénient. La
forme des Buderows est imitée de celle des grands bateaux indiens dont les
bouches du Gange sont couvertes. Hauts et larges de l’arrière, ras et étroits de
l’avant; leur voilure est aussi du même genre, large et basse. Limitation cependant
n’est pas tellement parfaite qu’ils ne soient extrêmement laids à voir,
tandis que leurs modèles sont des plus pittoresques.
L ’équipage, de 16 à 3o hommes, rame sur l’avant, et manoeuvre la voilure,
qui est d’une extrême simplicité. La nuit, il couche à découvert à la même
place. L ’arrière, qui comprend presque toute la surface de flottaison, est le
logement des voyageurs; il est divisé en deux chambres seulement. Une chambre
à coucher spacieuse, et un grand salon qui sert de salle à manger. L ’espace
de la chambre à coucher est souvent divisé de manière à former une troisième
chambre. Des persiennes s’ouvrent dans toute la longueur de l’appartement
pour admettre la brise, et des punkas sont suspendus au plafond pour
y suppléer dans le calme. Une double tente fort élevée est tendue au-dessus
de ce logement; on s’y tient toujours avec plaisir le soir et le matin.
Plusieurs forts bateaux indiens suivent chaque budgerow; l’un est la cuisine,
l’autre le magasin, un troisième la demeure des domestiques. Les bâtiments
de cette flottille s’abordent incessamment pour les besoins du maître ; quatre
fois le jour au moins pour ses repas, qui sont servis exactement avec le même
luxe et la même recherche qu’à la ville. On cite un vieil officier qui, dans
ses voyages sur la rivière, appelait ses gens derrière lui à coups de fusil.
Tout cet appareil est généralement pour une seule personne. Il n’y a que
des amis intimes, ou les cadets expédiés du Fort-William dans les stations du
INord-Ouest, qui s’imaginent de partager un budgerow. Des gens liés avec
toute la familiarité que permettent les usages anglais, faisant de concert un
voyage sur la rivière pour leur plaisir, ont chacun leur amiral et leur flottille ;
marchent ensemble, se visitent le jour quelquefois, et s’invitent à dîner alternativement.
Il faut aux Anglais un chez-soi où l’on soit le maître. Des adolescents, sortis
du collège avant la fin de leurs études pour entrer au service de la Compagnie,.
débarquent au Fort-William avec ce sentiment jaloux d’indépendance.
Les gens riches; dans ces excursions sur le Gange, traînent avec eux leurs
voitures et leurs chevaux, dont ils ont peut-être occasion de se servir une
fois en dix jours. C’est, dans tous les cas, une manière de voyager très-dispendieuse.
L e c a p i t a in e T h o r e s b y L e C o l l è g e s a n s c r i t— L ’O b s e r v a t o i r e — Le
capitaine Thoresby est à Bénarès l’Européen qui s’occupe le plus de littérature
; il a une teinture de sanscrit et une connaissance parfaite du persan.
L ’étude des langues de l’Orient l’a attaché aux hommes.. C’est assurément un
des guides les plus désirables pour un voyageur dans cette ville. Connu
de tous les Hindous de haute caste, et des Musulmans de quelque savoir,,
il a l’air, plus encore que M. J. Prinsep, de se trouver chez lui dans, les rues
de Bénarès.
Il me mena d’abord au Collège sanscrit, dont il est directeur.
Il est situé au plus fourré de la ville. C’est une maison fort ancienne,
H 45