
mauvais sabre neuf, avec sa massive poignée de fer et son étui de bois recouvert
en peau, coûte une roupie (a ',5o) ; on a deux piques pour cette somme.
Ces armes sont ici dans les mains de tous les hommes, les sabres surtout.
Un de mes plus pauvres domestiques, mon palefrenier, séduit par le brillant
poli d’une lame neuve, se sépare pour elle d’une de ses roupies; puis il
regarde avec dédain ses camarades désarmés, il ne parle plus que de tuer, de
pourfendre les voleurs. La nuit, on lui vole son turban sur sa tete, et il vient
le matin, en pleurant, me montrer sa tête nue. Il n’a plus de roupie pour
acheter un turban.
La peau noire des natifs, plus généralement foncée en couleur ici qu à
Calcutta , leur nez aquilin, leurs grands traits, leurs moustaches., et leur sabre
sous le bras gauche, leur donnent un air extrêmement martial. On se croirait
au milieu d’un peuple belliqueux. Quoique moins timide qu’au Bengale, il est
cependant bien loin encore de l’énergie européenne. Je n’ai pas encore vu
une lame hors du fourreau. Quand deux hommes armés se prennent de querelle,
ils semblent n’avoir pas l’instinct de la vider à coups de sabre. Les
voleurs ne sont que de subtils filous. Ils n’ont pas ici le courage qui fait
les brigands; c’est fort heureux pour les volés, qui n’auraient pas celui de
se défendre. A l ’exception d’une rixe de gens ivres , je n’ai pas encore
vu dans l’Inde, deux hommes..se battre. J’en ai vu souvent un frapper un
autre ; mais c’est qu’il avait la conviction que cet autre, encore plus poltron
que lu i, recevrait les coups sans les rendre.
De petites loupes de fer plein de laitier se vendent à raison de o',a4 Ie
kilogramme ; elles viennent des forges voisines d’Hazaroubag, transportées à
dos de boeufs.
Profusion de pâtisseries sucrées, faites de grains divers, gonflés et desséchés,
empâtés dans le caramel du sucre du pays, dégoûtant de mélasse. On
les appelle Mitai [Sucreries) '. Toutes les castes en peuvent manger. Le
bazar au grain est très-misérable ; la farine du froment est blutée grossièrement
pour les riches, mais les pauvres mangent le son qui en a été séparé.
Il y a un baigneur musulman, à la façon turque. Une petite maison de
pierre, excessivement propre, est divisée en plusieurs très-petites chambres,
communiquant de l’une à l’autre, fermées par d’épais rideaux de tapissèrie,
et à peine éclairées du dehors au moyen d’une petite vitre. La première pièce
où l’on entre n’est qu’une serre chaude tout au plus. La dernière est une étuve
brûlante; c’est là que l’on se baigne, graduellement préparé à la haute chaleur
du bain par celle de l’air de l’étuve et des chambres précédentes. On
en sort pour se faire masser dans une de celles-ci, s’arrêtant dans chacune
pour quelque détail de toilette où vous assiste le baigneur, et dont le moindre
avantage assurément n’est pas de préparer graduellement le patient à l’impression
de l’air extérieur. Je dis le patient, parce que cet abandon de sa
personne aux mains d’autrui me parait devoir être un petit supplice. Tout
cela est calculé pour un seul. J’ignore quelles gens se viennent faire exécuter
par le baigneur pour défrayer les dépenses de son petit établissement.
Indépendamment du Caravanséraï ih‘ la Compagnie, bâti sur le plan accoutumé
, en face de son Bungalow, il y eu a dans la ville un grand nombre d’autres
qui portent le nom du Padischah. Ce sont de petits faubourgs fermés, au
milieu de la ville qui est ouverte. Un gardien y veille au bon ordre, et plusieurs
domestiques à la propreté. C’est là que s’arrêtent tous les voyageurs
natifs. Chacun paye pour son abri et la sûreté de son bétail ou de son bidet,
qui ne peuvent là lui être volés pendant la nuit, o',o4 , of,o8 ou of,32. On
demande 4 annas (( o',64|§à ceux qui voyagent avec deux ou trois domestiques.
Le pisé des murailles et de l’aire de chaque petite chambre est lavé
tous les matins, comme les maisons des natifs, avec du fumier de vache délayé
dans de l’eau, mixture à laquelle les Hindous attachent une idée superstitieuse
de pureté. Ils doivent ainsi se trouver aussi bien que chez eux dans
ces tristes réduits, éclairés seulement par l’ouverture de la porte, et où les
préjugés européens seraient bien mal à l’aise, quoique plus proprement logés
que dans maintes auberges d’Europe. Je suis entré dans tous ces Cara-
vansëraïs : rien de si tristement misérable que l’aspect de la population
qui les fréquente; elle se compose, en majorité, de pèlerins; les autres sont
de petits marchands, des porteballes, dont une petite rosse affamée porte
toute la fortune; ou de plus misérables encore, des hommes d espérance, de
pauvres diables qui voyagent en quête de quelque moyen d’existence.
Beaucoup de femmes, d’enfants en bas âge, de vieillards décrépits qui n’ont
pas la force de poursuivre leur route, s’arrêtent là pour se reposer quelques
jours et sécher les plaies de leurs pieds écorchés.
Une colline de 15o à 200 mètres de hauteur s’élève à 2 mil.- (1 1. ) au S . E.
de la ville, fiée à la petite chaîne dont j ’ai parlé précédemment; on arrive
à sa base sous l’ombrage des Palmiers, parmi les tombes et les mosquées.
Quelques figures pittoresques animent cette scène calme et touclianle, ce
sont des Musulmans, en robe de couleur, qui passent lentement entre ces
arbres, portant des fleurs sur la tombe récente d’un parent, ou sur l’antique
sépulture de quelque Saint renommé. Des Imans, à longue barbe blanche, H