
homme, un martyr de l’humanité, quelle histoire est plus touchante que la
sienne ? Je me laisserais encore attendrir par des prières faites à Dieu pour
le pardon de nos fautes, et pour la rédemption de ceux qui ont péché avant
nous, si le simple langage du coeur dictait ces prières; mais quand j ’entends
le Kyrie eleison des catholiques, fidèlement traduit Lord have mercy upon
us j par les protestants, je me sens au théâtre.
Le sentiment religieux est, il me semble, comme ces plantes délicates et
capricieuses qui se refusant à la culture, meurent bientôt, ou perdent leur
éclat et leur parfum lorsqu’on les transplante du sol aride qui Lès produit
naturellement, dans les riches et symétriques corbeilles de nos jardins.
D e l a . p o p u l a t i o n m u s u l m a n e d e C a l c u t t a . — Elle doit paraître aux Européens
plus considérable quelle ne l’est réellement, parce qu’ils vivent entourés
de domestiques de cette religion, celle des Hindous leur défendant de
nous servir à table. Elle leur interdit également plusieurs autres professions
qui se trouvent ainsi à peu près exclusivement exercées par les Musulmans |
celles de bouchers, de bateliers, etc., etc.
Ces Musulmans du bas peuple sont vêtus généralement comme les Hindous ;
plusieurs d’entre eux ne portent pas de barbe, et il est souvent impossible
de les en distinguer. Il est indubitable pour moi que la très-grande majorité
d entre eux descendent des Hindous convertis à l’époque de la conquête ; car,
en même temps qu’ils se confondent avec les Hindous par les proportions
de leur corps et de leur visage, ils s’en rapprochent encore par l’adoption
de quelques usages superstitieux tout à fait inconnus aux peuples qui subjuguèrent
l’Inde jadis. Ils ont, par exemple, des distinctions de castes, et des
préjugés de souillure dont les autres Mahométans n’ont pas d’idée, et qui
sont évidemment les restes des superstitions de leurs pères.
Dans ces rangs inférieurs de la congrégation musulmane, on rencontre cependant
quelquefois des figures qui se distinguent des autres par la force et
la grandeur de leurs traits. Ce ne sont pas encore les descendants légitimes
des conquérants mahométans, ce ne sont que des bâtarda issus d’eux et de
femmes hindoues, rapprochés sans cesse, depuis ces temps anciens, de la race
hindoue par des alliances répétées avec les natives. La polygamie et le concu-
binisme des peuples de cette religion altèrent promptement , dans leur pos-!
t.érité, la pureté de leur sang, puisqu’ils peuvent s’allier indistinctement avec
toutes leurs captives; et il est tout à fait invraisemblable qu’en aucune partie
de lln d e , soumise jadis aux Mahométans, on en puisse trouver une famille
exempte de mélange.
La nombreuse collection de figures musulmanes de toutes espèces, rassemblées
hier chez Aga Kabouleï-Mohammed, m’a offert le tableau complet de
toutes ces nuances. Il y avait un bon nombre de Persans, originaires de toutes
les parties de la Perse, quelques-uns des plus méridionales, du Rhorassan,
— des Musulmans nés dans l’Inde, mais qui ont conservé le souvenir récent et
distinct de leur origine persane, et qui ont gardé leur dénomination nation
a le ,— la multitude enfin se composait du bas peuple mahométan de Calcutta
, qui ne saurait dire s’il est de la secte d’Omar ou d’Ali (i).
Je rapporte, sans effort, à deux types différents et inégalement beaux, toutes
les figures persanes (2). L ’un d’eux, beaucoup plus beau que 1 autre, est aussi
beaucoup plus commun; je le définirai d’abord ;.tous deux sont d ailleurs des
variations fortuites de la même race, puisqu’ils se montrent 'parmi les enfants
d’un même père, et qu’ils ne sont liés à aucune autre différence physique.
Le front est élevé, médiocrement large et plat; au lieu de s arrondir doucement
vers les tempes et de fuir sous les cheveux, il se termine latéralement
par un angle .prononcé. C’est le caractère de tous lés traits que cette angul(
i) JNous donnons dans les Planches VII, VIII, IX, X, X I , XII, XIII, XIV, une partie des
têtes dessinées par Victor Jacquemont pendant son séjour a Calcutta et dans les environs.
(a) C’est aussi autour de deux types assez exactement correspondants a ceux-ci que se groupent
toutes les figures espagnoles que j’ai eu occasion de voir. Les têtes comprimées latéralement, les
figures longues et étroites vues de face, le; profil convexe, les veux tres-ouverts, se rapportent au
premier. Le second type a la ligne du profil presque droite; quelquefois même la largeur du front,
le peu de saillie du nez, et le grand développement de la. mâchoire qui repousse le menton en avant,
fôiit paraître cette ligné légèrement concave. Les yeux sont plus petits, mais plus perçants dans ce
caractère de figure ; ils n’ont pas la belle et régulière encadrure du premier type, le pli de la
paupière supérieure est étroit et mal formé. L’angle de la mâchoire inférieure est presque droit.
Chez les Espagnols, ces deux types divers me paraissent liés à d’autres caractères de l’organisation
physique. 11 me semble constant que les têtes à profil convexe du premier type sont portées
sur des corps, plus élancés, et qu’une stature peut-être moindre habituellement et des formes
trapues accompagnent les traits du visage du deuxième type.
C’est dans l’oeil surtout que réside l’expressibn des têtes- du premier type. Elle est sombre
et fort belle quand il est voilé par un épais'sourcil, et que la saillie de la crête ciliaire du
coronal jette de l’ombre sur l’oeil. Au contraire, dans le second type, l’expression dominante résidé
dans la partie inférieure du visage. Elle est de fermeté, de dureté et de férocité suivant la petitesse
de l’angle de la mâchoire, et la forme de la bouche; la lèvre supérieure, mince et étroite, exprime
la timidité; l’inférieure, plus forte, íe s appétits gloutons et animaux; la bouche relevée vers ses
coins, tandis que l’extrémité du riêzycféscend àu dèssôus de Fdüverture des narines, achève une
physionomie repoussante.