
Les gens de la campagne qui coupent le riz à la faucille, n’ont qu’une
courte pièce d’étoffe autour des reins; le dos, la poitrine, la tête, les pieds,
les jambes et les cuisses sont absolument nus. Ils ne paraissent pas souffrir
du froid. Ces malheureux, je n’en doute pas, se couvriraient, s’ils avaient
un vêtement à se mettre sur le corps; mais ils gagnent 3 roup. (7 f,5o) par
mois : presque tous sont mariés, et le riz le plus commun coûte Ô francs le
mand (80 livres). Ils gagnent de quoi ne pas mourir de faim, dans les
bonnes années et les années ordinaires; si la saison est mauvaise,cils périssent.
Un de mes serviteurs n’a que 4 coup. (10 f r .) par mois, et pour
voyager ; c’est là tout, car son service ne lui donne auçune occasion de me
voler. S’il était seul, il pourrait acheter avec cela plus de riz qu’il n’en peut
manger en un mois, et tous les ans deux pièces de coton, et une grande
couverture de cheval pour se couvrir : mais il fume, dépense petite pour un
autre, et qui ne doit pas être omise au budget d’un si pauvre diable; et
probablement à quelques centaines de lieues d’ic i, il a une femme et des
enfants, pour la subsistance desquels il épargne sur la sienne propre. Hier,
je le trouvai malade, avec un peu de fièvre, des maux d’entrailles; je lui fis
boire du thé et le fis empaqueter dans une des couvertures de mon cheval;
il s’est levé beaucoup mieux, mais le cheval s’est levé perclus.
Un jour, peut-être, trompé par la distance et le temps, je parlerai avec une
sympathie vive des hommes de ce pays; je dois donc noter combien elle est
faible, tandis que chaque jour passé parmi eux m’en apporte la preuve pratique.
Ce n’est pas, je l’espère, que je sois devenu moins bon, moins sensible
pour des êtres qui me ressemblent, mais ceux-ci sont si différents! Ils
se séparent, s’éloignent de moi volontairement de tant de façons, qu’ils réussissent
à m’éloigner. La caste, chez les*Hindous, absorbe l’individualité; ils
appellent Frères tous ceux de leur caste. Ils sont charitables envers ceux qui
sont dans le besoin, parmi les basses classes surtout; mais c’est une sorte
de charité de devoir, non de sentiment ni de tendresse. Je raisonne ( j’allais
dire je sens) à leur égard, comme ils le font à l’égard des gens d’une autre
caste qu’eux. Pour ceux-là, point de devoir charitable, — la plus abominable
indifférence. Les Musulmans, je pense, valent mieux.
Les amitiés, dans les basses classes du peuple en Europe, se forment, se
rafraîchissent et s’entretiennent à table. Il y a des nations dont les moeurs
pleines de roideur et d’affectation ne se détendent que dans les repas. Les
Hindous ignorent ce charmant plaisir de manger avec des amis.
Tous les lieux où je suis passé ne sont que de très-petits hameaux aü
milieu des jungles. Le pays commence à s’onduler; l’horizon, fort étendu
dans certaines directions, est borné, dans quelques autres, à de très-petites distances.
Les bois s’étendent à perte de vue ; leur apparence est étonnamment
européenne ; on jurerait d’une jeune cépée de chênes et de nos autres arbres
forestiers. Point de fleurs sinon quelques légumineuses, quelques petites composées,
et deux jolies espèces de Ruellia et de Justicia. Les hameaux que j ’ai
nommés sont situés dans des fonds et entourés de quelques champs de Riz;
les bestiaux errent librement alentour, sans crainte des bêtes féroces. La végétation,
bien quelle garde encore tout à fait la même apparence, est plus variée.
Un Smilax et un Asparagus épineux se traînent sur les buissons, avec une
espèce de Bauhinia à très-grandes feuilles.—Dans quelques petites ravines creusées
par les pluies, le Kankar est à nu; plus loin il se montre à la surface
du so l, tantôt en petites masses concrétionnées, et çà et là en masses plus
grosses et cellulaires; ce sont des grains de Quartz empâtés par des infiltrations
ferrugineuses. Des concrétions tout à fait semblables se trouvent à
Pondichéry, dans les grès friables du Mont.
On sort des jungles à Bidjouparrah, et le chemin traverse une plaine sablonneuse
et peu fertile jusqu’à Ichapour. La terre ne se couvre plus que
d une verdure bien courte ¿et bien pauvre. Les étangs, à l’exception d’un seul
petit, vrai Talab, sont tous construits comme en Europe, avec un barrage
dans un vallon. Ichapour a une centaine de maisons, et comme tous les autres
villages de cette route, est entouré de vergers de Manguiers. L 'Agave Americana
enclôt de haies formidables les champs d’alentour. Le Justicia Adha-
toda se montre depuis hier dans cette station, et le Laurier-rose pareillement.
Le 3 décembre 1829 Au camp de Kendha ( l ), 4.^ cos. ( 2 £ 1. ) d’Ichapour. = [ Soeurhpi ( ) ,
2 £ mil. ( f 1.) ; Houkera ( iyiyt ) , 1 ^ mil. ( | 1.) ; Tchoura (laj^».)’ ^ na^- ( ï f|j > Kendha, 2 mil. ( 1.). 1
Plaines très-légèrement ondulées, absolument découvertes de bois. Le sol,
formé de Kankar, ne nourrit qu’un gazon court, rare et desséché; des étangs
dans les fonds; quelques petits champs de Riz alentour. Il n’y a de cultivées
que les terres susceptibles d’être inondées. Des Mangos et des Tamarins autour
des villages.
A Soeurhpi, village de 80 à 100 maisons, mais fort misérable comme tous
ceux de ce canton stérile, je mesure la circonférence d’un Tamarin, qui se
trouve de 10 mètres. De nouveaux convois de boeufs de charge, que je rencontre
près de là , venant du canton où je vais, sont harnachés de 1 étrange et
bruyante façon que j ’ai décrite, pour effrayer les tigres. On paraît redouter
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