
une offrande pieuse extrêmement commune chez les Hindous. A Calcutta, la
police gêne leur circulation dans les rues, toutes ouvertes aux voitures. Ic i, ils
ne gênent personne. Ces animaux sont d’une douceur singulière, gras , indolents
; ils se dérangent pourtant pour les passants : ils vaguent autour des
temples surtout, en quête de quelque nourriture. C’est un acte de piété que
de leur en donner, et quoique je l’aie vu rarement pratiqué, la plupart sont en
condition superbe. La loupe de graisse particulière à leur race acquiert un
développement extraordinaire, se couvre de poils durs, assez longs, frisés,
d’une couleur plus foncée que le reste du corps, et leur donne une forme
singulière qui n’est pas sans beauté.
Beaucoup de rues sont fermées de portes, ouvertes le jour seulement. La
ville est ainsi composée de nombreux quartiers dont plusieurs sont absolument
séparés les uns des autres pendant la nuit.
Point de jardins dans son intérieur; aucun lieu de promenades ; point de
places, d’espaces ouverts, si ce n’est de très-petits. L’aspect des maisons est
extrêmement varié.
Profusion d’ornements ciselés sur le bois ou la pierre de leur façade. Il y
en a qui sont toutes couvertes de peintures; mais toujours on en voit quelques
unes au-dessus de la porte : figures allégoriques grotesques de la théogonie
hindoue, d’un style lourd, égyptien.
Dans mie des rues les plus étroites, j ’entendais de loin venir derrière moi une
troupe d’hommes poussant de grands cris : ils me joignirent bientôt, car ils
couraient : c’était un enterrement. Le corps, eDveloppé d’étoffe de couleur
claire, était posé sur le dos, sur un brancard que 20 hommes portaient sur leurs
épaules. Ils marchaient en cadence comme les porteurs de palanquins, précédés
de quelques autres qui faisaient faire place devant eux. Cette bruyante procession
avait l’air plus gaie que triste ; le peuple y faisait moins attention encore
qu’à Paris. L’idée de la mort est beaucoup moins grande, je crois , dans l’esprit
des gens de ce pays. Il n’y a pas de doute qu’ils ne tiennent moins que
nous à la vie.
Il y a peu de Mosquées au centre de la ville et près de la rivière ; mais en
approchant de ses limites, au N .O . , leurs minarets s’élèvent de toutes parts.
Ce sont de petits édifices élégants, bâtis le plus souvent au milieu d’un petit
jardin entouré de murs percés à jour : ils sont déserts et silencieux. Les Musulmans
des basses classes n’ont pas de culte, et me semblent ne visiter, quand ils
sont saisis d’un accès de dévotion, que quelque place éloignée de pèlerinage,
la tombe d’un Derviche ou d’un Iman. Autour des temples hindous, au contraire,
la foule se presse tout le jour, et au bruit de cette cohue s’ajoute
l’inferoal tintamarre de quelques diables toujours cachés dans quelques niches,
qui renforcent la prière des fidèles , des sons discordants de leurs sifflets et
de; leurs cornemuses, et du tapage épouvantable de leurs tam-tams.
Le Tamarin est l’arbre des Mosquées comme le Pi'pul et le Banian sont ceux
des Pagodes. Son feuillage léger et gracieux est en harmonie avec l’élégante
légèreté des minarets qui s’élèvent à l’angle de ces édifices. Ce bel arbre ombrage
les tombeaux musulmans qui bordent çà et là la voie publique à mesure
que l’on s’éloigne du centre de Bénarès. C’est par cette zone toute musulmane
que la ville hindoue se fond dans les campagnes d’alentour. Il y a peu d’espaces
ouverts à traverser pour arriver aux cantonnements européens.
Rassemblés sur un moindre espace, ceux-ci auraient l’apparence d’une ville,
car il n’y a pas moins de 5o à 70 familles européennes à Bénarès; mais elles
sont disséminées à de grandes distances les unes des autres, derrière la ligne
des cantonnements militaires; et leurs maisons n’étant presque toutes que de
très-grands Bungalows fort bas, ont peu d’apparence. Une église, qui ne
serait, comme toutes les églises protestantes, qu’une grande maison sans le
clocher dont elle est surmontée, est bâtie au milieu de ce cadre de ville.
Entre toutes les portes devant lesquelles je passais, je ne savais où frapper;
le hasard à peu près me fit choisir celle du capitaine Taylor, la première. C’est
un singulier embarras que d’avoir une douzaine de lettres d’introduction dans
le même lieu, lorsque l’on ignore tout des personnes auxquelles elles sont
adressées. Je fus cette fois des plus heureux à cette loterie , y ayant péché
pour hôte un ancien militaire absolument dépourvu de Stiffness (roideurj
anglaise, et fort ennemi d’elle.
Après le déjeuner, je trouvai à la porte de mon logement un éléphant mis
à ma disposition pour toute la durée de mon séjour, e t, sans perdre de temps,
je grimpai dessus pour faire mon cours de visites.
La station européenne de Bénarès se compose de 1 état-major de trois régiments
d’infanterie native et d’une compagnie d’artillerie; de quelques officiers
de l’état-major de l’armée attachés en permanence à la division; des membres
de deux cours judiciaires ; d’un collecteur, personnage qui ne manque nulle
part; d’un chapelain au moins; de plusieurs médecins ; d’un maître de poste;
des officiers de la monnaie, etc., etc.
La préséance appartient au senior Judge du tribunal supérieur. Le titulaire
actuel de cet emploi est M. Brooke, vieillard de 78 ans, camarade d’études de
sir William Jones, venu en ce pays, qu’il n’a jamais quitté depuis, un an avant