
que le riz qu’il a acheté le matin pour sa subsistance du jou r, il a du moins
une femme à lui.
Les natifs de tout âge, de toute croyance et de toute condition, parlent
avec la même indifférence, presque avec dégoût, de femmes qui ont à peine
cessé d’être des enfants.
MonMounschi, Musulman, espèce de petit bourgeois dans la hiérarchie sociale
de ce pays, jeune homme de 24 ans, me disait que la sienne, âgée de
16 ans, ne lui donnait plus que bien peu de plaisir; mais en parlant de trois
années auparavant : « Quel plaisir alors ! »
Il savait cela avant de l’épouser, car les Musulmans ne se marient qu’en
âge de consommer le mariage, et il était déjà d’une classe, et sa femme pareillement,
à ne l’avoir jamais aperçue auparavant; sa mère seule l ’avait vue ,
et ses parents avaient réglé la chose en son nom.
Les Musulmans du commun sont pleins de superstitions hindoues. On voit
fréquemment dans les jungles, au bord du chemin, un petit toit de paille
porté sur quatre bambous, et abrité par une plate-forme de boue pétrie, relevée
çà et là en hémisphères. Je demandai si c’étaient des; chapelles hindoues ,
car elles y ressemblent entièrement. Mais non; c’étaient des Chapelles des bois,
saintes pour les Hindous comme pour les Musulmans, et que tous vénéraient
également à cause de l’efficace protection qu elles leur offrent contre les tigres.
Ils semblent croire aux fictions de la Fable, aux divinités rustiques. Cette dévotion
toutefois ne se manifeste que par son propre aveu, lorsqu’on l’interroge.
Je n a i pas vu un de mes gens faire une grimace devant aucune de ces deotas,
ni devant aucune pagode, non plus que devant une mosquée ou une tombe
musulmane.
C est sur les choses du boire et du manger que s’accumulent leurs superstitions
: celles des Musulmans ne sont souvent, jele présume, qu’une imitation hypocrite
de celles des Hindous, pour leur donner à croire qu’ils ont aussi quelque
chose de semblable à une caste, qui ne se peut conserver que par une multitude
d observances. Ceux des basses classes sont extrêmement vexés du mépris sincère
que leur portent, du fond du coeur, sur cet article , les hommes de la même
condition et de 1 autre croyance. Ils cherchent, pour leur donner une haute
idée de leur purete, à renchérir sur leur éloignement pour les Feringuis. Le plus
mauvais drôle de ma petite caravane, l ’homme qui est chargé du soimde ma
tente, Musulman d’Agra, refusa un jour de recevoir de ma main mon parasol,
prétendant qu il mangeait. Cela était v rai, il mangeait du grain qu’il venait
d acheter tout grillé des mains d’un Tchamâr peut-être; et il s’enveloppait du
coin de sa eeinture comme d’un gant pour ramasser mon parasol qu’il me
disait de déposer à terre. Force m’est d’avouer que je le déposai, non doucement
, sur ses épaules. Ce n’est que lorsqu’ils font bouillir leur riz le soir que
les Hindous sont soigneux d’éviter le contact de quiconque n’est pas de leur
caste, Chrétien, Musulman ou Hindou, peu importe.
Hors de cette heure sacrée, dans l’habitude des relations du jour, Hindous
et Musulmans paraissent se croire moins étrangers entre eux qu’a tec les Chrétiens
; ce n’est peut-être que l’effet de la similitude de nationalité.
Les Musulmans qui ne sont pas absolument de la basse classe, ceux qui
ont lu quelque peu du Roran, qui ont vu dans les villes les temples des Anglais,
nus, sans images comme les leurs, savent au contraire faire, entre ce
qu’ils appellent l’idolâtrie des Hindous et l’erreur des Chrétiens, une très-
grande différence; mais mon Mounschi était fort près d’assimiler aux Hindous
les catholiques dont il avait vu l’église, à cause de la ressemblance de Jésus
sur la croix avec les mauvaises peintures dont leurs murs sont salis.
J’avais toujours été surpris de l’abondance des poteries antiques dans les contrées
où l’on en trouve des fragments. La terre ici en est couverte. Ce qui est
pour les Hindous et leurs demi-frères les Musulmans une observance religieuse,
était sans doute pour les Romains une recherche de propreté. Leurs vases de
terre cuite, poreuse, devaient s’imbiber de graisse et ne se pouvoir rétablir
propres, après que l’on y avait fait cuire quelque viande; le même vase
sans doute ne servait que peu de fois. Depuis Calcutta, mes gens n ont pas
laissé derrière eux moins de 400 vases de toute grandeur. Cèst chaque jour,
entre eux tous, une dépense considérable que leur achat. Celui du combustible,
depuis Saseram, l’est davantage encore. Ici, le plus mauvais menu bois mort
coûte le tiers du même poids de sucre. Il y aurait plus de profit à sécher les
Cannes, et à les vendre pour faire du feu, quà en extraire le sucre.
Cette culture est redevenue assez étendue depuis Saseram. Curieux den
connaître le produit brut, quand je trouve près de son champ de Cannes le
propriétaire qui les garde, je lui demande combien de mands de sucre il en
tire habituellement, et les champs étant des rectangles, j en mesure de suite
la surface avec bien peu d’erreur. De témoignages divers qui s accordent
assez, je conclus qu’un hectare rapporte 2,710 sers, environ 2,600 kilogrammes.
C’est plus que je n’aurais attendu de la saveur peu sucrée des Cannes vertes
et de leur petitesse; mais elles sont extrêmement serrées. Puis, il faut observer
que ces 2,600 kilog. contiennent toute leur mélasse, et une notable quantité
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