
Mimoses ( Mimosa nilotica, Z .) épars dans la campagne, où l’on ne voit plus
de Banian, ni presque de Pipul; çà et là de petites mosquées ruinées, des
tombes auprès d’elles, un chétif dattier qui les ombrage : voilà tous les éléments
du paysage. Ils sont diversifiés sans doute, mais tellement mêlés ensemble,
qu’une bien petite surface enferme toutes les combinaisons de leur assem-
blaffe. La contrée est d'une monotonie extrême. Il en O est ainsi de toutes
celles où aucun accident du sol ne motive quelque variété dans la nature
et l’aspect de la végétation spontanée et de la culture. Il en est ainsi du
Bengale, où lès détails du paysage sont si riches, mais dont toutes les parties
sont si semblables les unes aux autres. I c i, la monotonie n’est pas compensée
par la magnificence.
Le 10 février i 83o. — A Kurrinkhan, 6 mil. ( i f 1. ) de Secundrah.
Depuis le i " février, le vent du N . 0 . avait cessé de souffler avec régularité;
les nuits étaient d o u c e s , le ciel souvent poudreux ou nuageux durant
le jour. On m’avait prédit à Kalpi un orage terrible, et il vint dans la nuit
du q au 10. Des torrents de pluie tombèrent pendant 5 heures au bruit continu
du tonnerre.
Je quittai la grande route d’Agrah, pour répondre à l’invitation qu’un jeune
officier du génie, M. Smith, m’avait faite de visiter les travaux qu’il exécute
à peu de distance dans le lit de la Jumna, pour rendre sa navigation moins
dangereuse. Après 4 heures de marche au travers de campagnes très-ravinées
et presque incultes, et après avoir traversé deux villages, dont un en ruine
dut mériter, autant qu’aucun autre dans l’Inde, le nom de ville, j arrivai au
camp du jeune officier. Une compagnie de sapeurs et deux ou trois cents
manoeuvres forment sa population active. L aspect en était désole. Il pleuvait
à verse, et déjà la terre imbibée ne buvait plus 1 eau. La plus misérable
chaumière est un palais en comparaison d’une tente dans ces circonstances.
Il y a plusieurs années que le Gouvernement travaille à nettoyer le lit
de la Jumna dans les parties de son cours où les roches qui l’encombrent
rendent la navigation plus périlleuse. Outre ces roches solides, une multitude
de bas-fonds se forment sans cesse et changent de position chaque
année, sur lesquels les grands bateaux s’échouent et se perdent souvent.
Les roches sont d’immenses blocs plats, épais d’un mètre ou deux, longs
et larges de plusieurs. Us sont formés d une concrétion de Sable, d Argile et
de Calcaire, sans dureté, mais d’une ténacité extrême. Il y en a dont la position
sur la tranche indique avec évidence un déplacement ; mais un grand nombre
gisent horizontalement au fond de la rivière. Se sont-ils formés à cette place ?
Je le crois. Je soupçonne que c’est un ciment coquiller qui unit leurs parties
quartzeuses et argileuses : ils reposent presque toujours sur un grand
amas d’Argile.
Il ne me semble pas que les travaux exécutés pour déblayer le lit principal
de la rivière aient été conduits avec adresse. L ’armée indienne n’a pas
d’ingénieurs, et ce n’est que depuis la guerre d’Espagne que l’armée anglaise
en possède. L ’instruction scientifique des officiers du génie de la Compagnie
se borne à quelques connaissances superficielles de géodésie. Us travaillent
sans faire de projets ni établir de devis; et quand il n’y a plus d’argent dans
le trésor, ils se croisent les bras. C’est le courage des troupes et non l'habileté
des ingénieurs qui a pris Séringapatam, Burtpour, etc. Récemment
quelques améliorations ont été introduites dans cette partie du service militaire,
mais elle est encore bien défectueuse.
Le i i février i 83o, et séjour le i2^S.A Dhallennaghur, 16 mil. (4 f !•) de Kurrinkhan. = [OureyabJ.
La pluie avait tombé presque sans interruption pendant 3o heures. Je
retrouvai mes gens sur la grande route, à Oureyah, dans un pitoyable état;
les bêtes n’avaient pas moins souffert. Cependant le ciel semblait un peu
séché, et je donnai l’ordre de marcher. En 14 heures ils firent 10 mil. (3 1.)
en plaine; mais la terre était détrempée jusqu’à un demi-pied, un pied de
profondeur : deux pieds d’eau s’étaient amassés en maintes places au-dessus de
cette boue, et les animaux n’y entraient qu’avec répugnance, ignorant combien
de boue était cachée dessous. Les boeufs, quand on a la patience d’attendre,
sont d’admirables animaux, ils finissent toujours par arriver.
De l’apparence du pays, après un jour et demi de pluie, je conclus qu’au
solstice d’été il doit offrir l’aspect d’une vaste mer. Les chameaux, aussi
communément employés que les boeufs dans la province et tout le nord de
l’Inde, au transport des marchandises, font une triste figure dans la boue;
pour cette raison l’on ne s’en sert pas au Bengale, qui ne sèche jamais entièrement.
La terre, qui exhale en Europe un parfum si agréable lorsqu’elle est rafraîchie
par un orage après une longue sécheresse, ne dégage ici que des
miasmes infects. L’urine des animaux qui depuis 6 mois ont passé dessus,
y a laissé des sels animaux toujours chargés d’une substance très-soluble et
fétide qui se répand dans l’air, emportée par les vapeurs aqueuses qui s’en
échappent; les cadavres d’une multitude d’insectes que n’ont pas encore