
ment que de la charité publique. C’est déjà une sorte dé consécration que la
condamnation aux galères, et les personnes dévotes font beaucoup d’aumônes
aux galériens. Quelquefois, cependant, la famine les accable. Les maladies,
engendrées par le séjour dans des prisons infectes et par la malpropreté,
les désolent et les déciment. C’est donc aussi une sorte de peine capitale que
celle des galères; le supplice seulement dure quelques années, au lieu d’être
terminé en un instant.
Les solitudes immenses du Brésil offrent un refuOg e au“x’V E. sclaves fugoitifs.
Ceux qui s’échappent de Rio, ne s’enfuient pas bien loin pour chercher uii
asile 7; ils en trouvent un dans les forêts du Corcovado7, monta0gne située à trois
lieues de la ville et des flancs de laquelle s’échappe la source qui sert à abreuver
cette capitale, où les eaux sont amenées par un bel aqueduc. Les Marrons établis
dans ces forêts, depuis quelques années déjà, n’en ont pu être délogés. Us
descendent la nuit dans les plaines adjacentes, volent et pillent les jardins, les
récoltes, les voyageurs qu’ils peuvent surprendre ; quelquefois, ils commettent
des meurtres, et ils retournent dans leurs retraites où ils subsistent oisifs,
pendant quelques jours, du fruit de leurs expéditions, qu’ils recommencent
quand le besoin les presse de nouveau. La résidence de l'Empereur, Saint-
Christophe, est très-rapprochée du pied du Corcovado ; Don Pédro en allant
à la ville avec une faible escorte, comme il le fait souvent, est exposé à être
enlevé par un parti de ces Marrons.
On a fait marcher contre eux, à diverses reprises, quelques compagnies
d’infanterie légère ; elles ont toujours été repoussées ; il a suffi de quelques
hommes blessés à coups de pierres, et d’un seul tué d’un coup de fusil, pour faire
descendre les assaillants en déroute. Cependant quelques piquets de gendarmerie
française auraient réduit en peu de jours ces malheureux Noirs, presque
tous dénués de moyens de défense, et qui ne peuvent résister qu’à des troupes
brésiliennes.
Us peuvent faire à la ville de Rio un mal immense en détournant le cours
des eaux dont ils commandent la source; car cette grande ville, si admirablement
située à tant d’égards, manque d’eau. Elle y est rare et chère ; et la moindre
diminution qu’on lui en ferait éprouver, en priverait les classes pauvres. Une
partie de la population serait forcée d émigrer.
Cette rareté de l’eau, dans un lieu si voisin de grandes montagnes boisées
et souvent cachées dans les nuages, est un fait digne de remarque.
J ignore si dans l’intérieur du pays, les Noirs de culture s’échappent pour
marronner. Je ne le pense pas. Les moyens de subsistance leur manqueraient,
à moins qu’ils ne formassent, au milieu des forêts, quelques établissements de
culture qui les feraient trop aisément découvrir. Des Marrons ne peuvent vivre
que de rapine^1 c’est près dés* villes surtout qu’ils doivent subsister le plus
facilement, parce que c’est là qu’ils ont le plus de moyens et d’occasions de
piller.
Plus loin, dans l'intérieur des provinces les plus occidentales de l’Empire,
les Esclaves fugitifs “vont chercher un asile parmi les peuplades errantes d’indiens
que l’on n’a encore pu dompter.
'Ces Indiens , dont les tribus diverses se distinguent par quelques traits physiques
et par la différence totale de leurs langages, fuient sans relâche devant les
envahissements de la civilisation européenne; comme leurs frères de l’Amérique
septentrionale. La contrainte, la violence, sont aussi impuissantes à les
plier à nos usages, que les bons traitements à les y attirer. Quelques enfants
ont été enlevés à ces peuplades ; emmenés vers le littoral dans les établissements
les plus civilisés, ils y ont été élevés-dans des conditions diverses. Us sont tous
retournés dans leurs forêts, quand ils ont pu s’échapper. Je nai pu voir à Rio
le seul qu’on m’a dit y exister ; c’est un jeune Bouticoude qu’un voyageur anglais
a ramené de l’intérieur et dont il a fait un domestique. Sur le plateau du
Mexique et dans la Colombie, la race indienne est aussi timide, aussi
docile, qu’ellè est rebelle à toute contrainte aux Etats-Unis et au Brésil.
Sur les rivages de la mer Pacifique, vivent les Araucaniens qui n’ont pu encore
être soumis. Pour démentir la généralité d’un fait, que quelques citations de
plus allaient presque établir, les Indiens du Paraguay ont été parfaitement
asservis- par les Jésuites.
Le lien d’affection qui unit en une seule association politique les diverses provinces
de l’Empirê, est bien faible, et il ne tardera point à se briser. De trop
vastéS déserts séparent les établissements du Brésil pour qu’ils puissent former
un seul État. On ne sent pas, dans chaque province, de quel avantage il est de
faire partie dq cet immense Empire dont Rio-Janeiro, le chef-lieu, est éloigné
peut-être de 5oo lieues et où l’on ne peut aller qu’en quarante ou cinquante jours
de inarche. Les provinces envoient à la capitale quelque peu d'argent; fort
peu à la vérité; mais en retour qu’en reçoivent-elles? rien. D administration
intérieure, il n’y en a pas. De police, pas davantage ; de justice, à peine. La
marine impériale protége-t-elle le peu de commerce des établissements littoraux ?
non sans doute ; elle, qui a capitulé dernièrement devant quelques goélettes
buénos-ayriennes, ne protège personne. Déjà les corsaires de cet ennemi, le
plus faible que puisse avoir l’Empire, croisaient sur toutes ses côtes et en
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