
le Fulgo, lequel reçoit à Gaya les eaux de celui que j ’ai passé hier. Ce sont les
premières eaux que je vois se rendant au Gange; les pentes du ' plat eau sur
lequel j ai marché depuis 10 jours, conduisent les leurs dans la Dummoudah.
Sur la rive gauche est un joli village, de peu de maisons, mais rassemblées
sur une butte dont une partie est couverte de fortifications en terre ruinées; je
trouve sa position et son nom tolérablement indiqués sur la détestable carte
de Cary, Amaroud.
Schirgotti est bati dans une île du torrent Moungur. C’est une petite ville,
ou plutôt un grand village natif, chef-lieu d’une station civile, comme à
Burdwan. N y ayant d introduction pour aucun des membres de l’Établissement,
et pressé de repartir au matin, j ’y campai comme à l’ordinaire, e t,
accompagné d’un de mes gardes, né dans le voisinage ( à Monnonpour,
7 I cos. ( 4 i 1-) plus lo in), et qui sait les. lieux par coeur, je les visitai le
reste du jour.
Quelques maisons européennes, qui ne sont que de grands Bungalows,
se trouvent à 1 entrée ; mais, séparées à peine par une place publique d’un quartier
natif, elles ne donnent pas envie de demeurer dedans, comme celles de
Burdwan : force magasins où est déposé du sel et du coton, propriétés de la
Compagnie : grand appareil de gens à plaque, serviteurs de quelque office
public, cotwals ou pions. Entre autres, j ’en aperçois un, aussi blanc que
moi (après mon mois échu d’insolation sous le tropique), qui conduisait
des forçats au travail. Je 1 appelle pour lui demander de quel pays il est : à
sa teinte, confirmée par une énorme tête, une large poitrine, une longue taille
et une barbe superbe, je m’attendais à le trouver Persan ; mais il soutient qu’il
est né à Schirgotti, et que son père, mort depuis long-temps, a toujours vécu
à Schirgotti.— «Votre grand-père, d’où était-il?» A peine comprend-il ma question
; il n y peut repondre. Cependant la condition de cet homme représente
celle d’un petit bourgeois de chez nous.
Une compagnie du régimeïït local de Ramgur, dont j ’ai vu le quartier général
à Hazaroubag, tient garnison à Schirgotti, près du Collecteur et du
Magistrat. Mon sipahi reconnaît des camarades dans la rue, et échange un
salam avec eux. Cependant il y en a un qui, après m’avoir fait l’élégant salut
militaire du pays, marche droit à la rencontre de mon acolyte, et d’un air
recueilli, lui porte la main droite sur la cuisse gauche, politesse que répète
simultanément le voyageur. Cela fait, ils échangent quelques mots et se séparent.
C’est la forme du salut des Rajpouts. Ji^ ^ /(hamara B e h a c ’est
mon frere, me dit mon garde, qui me voyait surpris de leur reconnaissance.
Le nom de Behaï {frere ) se donne dans toutes les castes à ceux de la même
caste. Il n’y a pas d’autre nom pour désigner ceux nés du même père et de
la même mère.
C’était jour de marché, jour intéressant partout pour un voyageur. Des grains;
du coton qui me paraît d’une détestable qualité; des sucreries grossières faites
de grain torréfié, empâté comme les amandes du nougat, non dans du caramel,
mais dans de mauvais sucre chargé de mélasse; des vases de cuivre
p ou rb oire; des paniers de Bambous; quelques légumes; des radis blancs,
durs et pâteux; quelques patates douces; des citrouilles et des gousses de
Dolichos; des ornements de verre, de cuivre, d’argent et de soie, pour les
femmes ; quelques pièces d’étoffes grossières ; des peignes en bois, assez semblables
à ceux qu’on fait de buis en Europe; des souliers : voilà les objets
que j ’ai remarqués. Du reste, c’eéjt le même bruit, la même cohue que dans
une foire de campagne en France; les acheteurs se plaignant toujours qu’on
ne leur a donné ni leur compte ni leur poids; et les femmes, comme chez
nous, se montrant les plus âpres dans les querelles. Aucune d’elles ne vend.
De grands paniers de Bambous, faits avec élégance et solidité, ne coûtent
que 2 pices (of,o8). Je m’informe du prix d’autres objets, des comestibles:
tout est beaucoup moins cher qu’en Europe, mais nullement en proportion
de la différence des salaires. C’est, l’excessive misère des travailleurs qui fait
ici équilibre à la modération du prix des denrées.
Les Musulmans ont presque tous des pantalons larges d’en haut, étroits
du bas, d’une coupe disgracieuse, mais d’étoffe de coton, double, matelassée,
et qui paraissent bien chauds ; une veste de la même nature, mais d’une
autre couleur ; un turban blanc autour d’une calotte de couleur, et une
pièce de mousseline grossière, roulée en ceinture autour du corps et rejetée pardessus
l’épaule gauche ; le tout très-sale, très-déguenillé, en détail très-peu
pittoresque, mais à distance, dans la foule, d’un',effet agréable. Quelques
Hindous, de la classe de ceux que les Européens appellent Bahous, Messieurs,
contrastent d’une manière avantageuse, par la parfaite propreté de leurs habits
blancs et l’élégance de leur maintien, avec la rudesse, quelquefois belle et
mâle (ce n’est qu’une apparence de masculinité) , plus souvent grossière et
ignoble, dont la plupart des Musulmans portent l’expression.
Dans la rue du bazar est une petite mosquée, sorte de muraille dont l’amortissement
est un arc, avec une niche dans le bas. Un prêtre persan, d’une superbe
figure, assez semblable à celle du Christ, officiait. Tantôt debout, tantôt
à genoux, prosterné quelquefois le front contre terre, il marmottait à voix basse
I. 4o