
sans doute aussi la profusion des épices dans la cuisine indienne, incommodent
souvent les étrangers; des lavements sont le meilleur remède. Les médecins anglais
sont convaincus de leur efficacité, mais ils ne peuvent décider leurs malades
à s y soumettre ; il semble qu on ne puisse en prendre qu’aux dépens de la morale,
et qu il ne soit permis de le faire que dans des cas extrêmes.
Pour moi, depuis la saison des pluies, depuis que j ’ai vécu à la campagne, et
que je me suis essayé avec le climat redouté de ce pays, j ’ai joui d’une santé
égale. Je n’ai pas craint d’être mouillé, quand j ’ai su que je ne me refroidirais
pas ensuite; je n ai pas craint de marcher 2 et 3 heures au milieu du jour,
lorsque le soleil ne se montrait que par intervalles; et je n’ai pas éprouvé une
seule atteinte de fievre, ni un seul mal de tête. Quand, après plus d’un an de
voyage, je fais l’inventaire de ma personne, je crois n’apercevoir de déficit
que dans ma vue.
Les Bourbouilles sont un mal dont une longue résidence dans l’Inde ne
dispense pas beaucoup de personnes dans la majeure partie de l’année; tout
le monde en souffre pendant les hot winds. Je fis comme les auires ; mais aussitôt
que les pluies commencèrent, j èn fus débarrassé, tandis que je vois beaucoup
de gens autour de moi continuer à s’en plaindre.
C est ici comme à Haïti, on ne se mouche que lorsqu’on est enrhumé. G’est
sans doute un rhume chronique de la membrane pituitaire que le besoin ordinaire
de se moucher que l’on éprouve dans les pays tempérés de l’Europe.
Ce n est que depuis un mois qu il m arrive de boire entre le déjeuner et le
dîner; je n en éprouvais pas le besoin quand je passais le jour à travailler
dans ma chambre pendant les hot winds, ni pendant les pluies lorsque je
marchais une couple d’heures. A Haïti, quelque différent que pût être d’ailleurs
le caractère de la chaleur, il n en était pas ainsi. Quôiquè je 11’y fusse
pas au temps des plus fortes chaleurs, la soif me prenait dans mes courses ;
je l’éprouvais peu de temps après mon frugal repas du matin, quand j ’étais
resté en repos à l’ombre, à peine vêtu. Force m’était de boire, et les autres
buvaienttous bien plus que moi, ils suaient aussi beaucoup plus; cependantmon
front se mouillait quand je restais le soir immobile devant ma tablé à écrire.
Ici, tels sont les moyens universellement adoptés pour se soustraire à la chaleur,
que Ion en ressent moins de certains effets que dans tous les pays.de l’Europe
pendant lété. Il y a , je nen doute pas, des Européens qui ont vécu 20 ans à
Calcutta sans mouiller une chemise. Si la chose arrivait, on chanOg erait de lingoe
aussitôt. A Haïti il n’était pas question d’en avoir de sec , ni à Philadelphie non
plus au mois de juillet 1827, ni à Paris bien des fois; mais la chaleur était plus
grande èn tous ces lieux qu elle ne l’est jamais ici, excepté pendant les hot winds,
et alors on la combat par sa sécheresse, au moyen des punkas. Les Tatties, dont
j ’ai oublié de parler, y servent aussi efficacement. Ce sont des espèces de
paillassons très-grossiers, très-peu serrés, faits avec la racine du V étiver, qu’on
tend devant les fenêtres exposées au vent. On les mouille sans cesse : l’air qui
passe au travers pour entrer dans les appartements vaporise incessamment
l’eau dont on les asperge, et se refroidit beaucoup ; il apporte avec la fraîcheur
qu’il acquiert ainsi, l’agréable parfum du Vétiver. Mais on dit que l’atmosphère
humide, dont on emplit ainsi sa maison, est malsaine, et que l’usage
des Tatties est dangereux pour beaucoup de personnes. Il est beaucoup moins
répandu ici qu’à Madras, où il n’y a de punkas que chez les plus riches, et
dans les salles à manger seulement. Dans le nord du Bengale, à Dehli, où
les chaleurs de l’été sont plus fortes qu’ic i, on combine ces moyens divers.
Lorsqu’au plus fort de la saison des pluies, l’air, refroidi par une longue
suite d’orages, se réchauffe tout à coup, tout se couvre d’humidité, comme
chez nous au dégel. Au reste; elle est telle en toute saison, que tous les objets
de fer et d’acier sont d’une conservation presque impossible, à moins que
d’être d’un usage continuel. La terre à l’ombre, les pierres, les murs se
couvrent de Byssus en un jour. Les bois se moisissent, même ceux qui sont
imbibés d’huile et de vernis. Les mauvais matériaux dont les maisons sont
bâties, exigent qu’on les répare considérablement toùs les 3 ans. Une maisOn
abandonnée n’est qu’une ruine irréparable en moins du double de ce temps.
Tittagur,, le 26 octobre 1829:
C h a n d e r n a g o r . — L e s r o r d s d e l ’H o u g l i— Il était encore nuit quand je
quittai ce lieu, le dimanche 18 octobre, pour aller à Chandernagor; mais il
fallait profiter de la marée. Mon Mounschi m’accompagnait. En attendant le
jou r, je fis chanter mes rameurs : vainement je les écoutai de toutes mes
forces, et mon docteur lui-même eut besoin de toute son attention pour les
comprendre. Ils chantent un détestable mélange de bengali et d hindoustani
sur deux airs bizarres et monotoues, ressemblant un peu à certains chants
d’église. Les vers sont rimés ; il en manque un à chaque pièce. Un des rameurs
chante le premier, et tous le redisent en choeur ; puis il chante le
second, et tous ensemble le répètent pareillement. Ils chantent faux et à
l’unisson, tantôt en mesure, et tantôt sans mesure. Les Indiens que j ai vus
jusqu’ici n’ont aucun goût pour la musique. Leurs mélodies sont les plus
plates et les plus mal faites.