
et il est vrai que, dans quelques cantons privilégiés du Quartier français,
d’assez vastes surfaces ont rendu 5o livres par Gaulette ; mais combien de
plantations dans les hauts n’en rapportent jamais plus de 20 à 25?.
Les Cannes de la montagne, non-seulement sont moins riches en principe
sucré, mais le Sucre qu’elles produisent est d’une qualité inférieure. Les produits
d’une vieille plantation dans la plaine sont également moins beaux en
même temps que moins abondants. La seconde récolte est la meilleure, tant
pour la qualité que pour la quantité.
Quoique la culture de la Canne à Sucre soit toute nouvelle à Bourbon, il
s'y trouve néanmoins bien des plantations une ou deux fois renouvelées déjà
sur le même sol. J’ignore, et je regrette beaucoup de ne pas savoir positivement
si elles sont aussi productives que celles établies pour la première fois
sur des terres jusque-là consacrées à d’autres cultures ; j ’ai entendu exprimer
la crainte que le sol ne se lassât de porter toujours la même plante sans
recevoir aucun engrais pour compenser la perte des sucs qu’elle lui enlève,
et cette appréhension me parait très-fondée. Au reste\ l’appauvrissement de
la terre obligera à une culture plus judicieuse. Le Manioc ( Jatropa Manihol)
et ie Maïs sont les seules plantes dont on fasse alterner la culture avec celle
des Cannes ; comme elles, 1 une et l’autre reçoivent plusieurs sarclages, i l est
vrai, mais d’engrais pas davantage. Les équipages de Mulets qu’on entretient
dans les habitations bien ordonnées, n’en produisent presque pas, ces animaux
travaillant tout le jour hors de l’exploitation et couchant la nuit, sans litière,
sous les hangars qui les abritent; d'ailleurs, ils ne vivent que d’herbes, que de
feuilles de Cannes, leur fumier ne serait quët-fès-médiocre.
On estime que le Manioc -et le Maïs reposent la terre et la disposent avantageusement
à recevoir une nouvelle plantation de Cannes.
Bourbon a exporté, en 1828, vingt-six millions de livres de Sucre. L ’exportation
pourra aller au double, dit-on, lorsque toutes les terres susceptibles
de produire des Cannes, auront reçu cette culture.
L exportation du Café, qui faisait autrefois la richesse de la Colonie, est, dès
à présent, réduite à très-peu de chose. Je crois qu’elle n’a point excédé 2,600,000
livres lan passé, et Ion détruit encore beaucoup de'Cafeteries pour y substituer
des Cannes. Quant aux Géroiliers, comme leur produit est devenu presque
sans valeur commerciale, on les arrache partout. La Canne envahit toutes les
terrés cultivables.
Cette immense extension dune culture qui exige tant de bras, n’a pu avoir
lieu sans un accroissement correspondant des importations d’Eselâves Noirs.
Les Sucreries de Bourbon en dévorent 4 ou 5,000 tous les ans. C’est une
énorme dépense. Pour s'y soustraire, et pour rendre leur fortune, s’il est possible
, compatible avec l’observation des lois, quelques Colons cherchent maintenant
à remplacer les Nègres Esclaves par des Indiens Libres; mais j ’attends
malheureusement peu de succès de cette entreprise. Les Indiens, si l’on eu peut
déterminer un assez grand nombre à s’engager à travailler plusieurs années dans
un pays si éloigné du leur, pourront remplacer à Bourbon les Esclaves employés
au service domestique, et quelques-uns de ceux livrés à des travaux d’atelier qui
exigent plus d’intelligence que de force; mais ils ne feront jamais ce que font
des Noirs de culture, des Cafres. L’émigration des Indiens Libres pourra
peut-être ainsi diminuer un peu la traite, mais elle ne la fera pas cesser.
La manipulation de la Canne à Sucre est très-facile, si on- la compare à
celle de la Betterave. On se figure généralement à Bourbon qu’elle y est portée
à un haut degré de perfection. Je manque de terme de comparaison pour en
juger; mais il me semble pourtant qu’on y pourrait apporter encore quelques
perfectionnements de détail, dont la somme produirait dans la fabrication une
notable économie.
Ceux des Colons dont les vues s’étendent peu, ne laissent pas que de s’ef-
frayeis, et beaucoup plus qu’ils ne le montrent, de l’accroissement que prend
chaque année la fabrication du Sucre de Betteraves en France. Ils se flattent
que si cette concurrence leur devient un jour défavorable, le Gouvernement
fera pencher la balance en faveur de leurs intérêts, en imposant le Sucre
français comme il impose le vin ; ou en déchargeant les Sucres coloniaux d’une
partie des droits de douane qu’ils doivent acquitter maintenant pour entrer
en France. Déjà la Métropole les protège contre la concurrence des Colonies
étrangères, dont les produits sont-soumis, à leur entrée,*,à des droits doubles
de ceux des Colonies françaises ; mars ce n’est pas assez encore Les hommes
plus éclairés se réjouissent au contraire de l’établissement progressif des fabriques
de Sug'e de Betteraves en France, parce qu’ils calculent que cette
industrie nouvelle, si elle prend assez: d’extension pour faire baisser, par la
concurrence de ses produits, le prix des Sucres coloniaux, assurera du moins,
consolidera la fortune des Colons après l’avoir, réduite ; et c est précisément pour
cela que moi je ne vois pas sans humeur ces manufactures s élever en France.
La fabrication du Sucre, dans un pays extra-tropical, est un contre-sens physique
et industriel. Elle ne peut exister en France que par les droits de douane
énormes qui renchérissent tant, pour les consommateurs français, les Sucres
étrangers. Supprimez ces droits, toutes les fabriques de Sucre de Betteraves