
tion suprême de sa nouvelle conquête, reçut le titre de Résident près de
la cour de Dehli.
Schâh Alerh mourut dans un âge fort avancé, peu d’années après la
prise de Dehli par lès Anglais. Son fils Mohammed lui succéda paisiblement
sous le nom àe' Sèhâh Mohammed Akber Rhazy Padischâh. Il avait
alors une cinquantaine d’années. Un de ses fils, Djéhandar, d’un caractère
turbulent, sans reconnaissance pour les égards que les vainqueurs témoignaient
à sa famille déchue, aigrit son père contre leur représentant, et
un jour que celui-ci se présenta aux portes du palais, le prince fit tirer du
haut des remparts ( 1809) sur son escorte. Il paya de sa liberté cet outrage,
fut enfermé dans le fort d’Allahabad, et les portes extérieures du palais
cessèrent d’être occupées par les gardes impériales. Elles furent confiées à
un officier anglais qui commande quelques compagnies de sipahis. Les gardes
de l’empereur n’occupent plus que les issues de la demeure impériale.
C’est dans la forme d’une pétition que le Résident exprime à l’empereur
le désir de lui présenter quelqu’un. M. Metcalfe ayant fait cette démarche
pour m o i, reçut du premier ministre l’avis que l’empereur tiendrait une
cour ou durbar, le 10 janvier, pour ma présentation. Vêtus à l’européenne,
et munis de pantoufles indiennes que nous mimes par-dessus nos souliers,
nous nous rendîmes à un pavillon voisin du palais, o u , en attendant que
l’empereur nous fit savoir qu’il était p rê t, M. Metcalfe passa en revue
son Souwari; on appelle de ce mot hindoustani ( littéralement cavalcade),
une suite de cavaliers, d’éléphants, de palanquins, de domestiques.de toute
espèce, dont les Européens, à l’instar des princes natifs, s’entourent dans
lès circonstances d’apparat. Le Gouvernemènt pourvoit au souwari du Résident
: un train d’éléphants, une compagnie de cavalerie,' sont attachés à la
résidence,'ainsi qu’un grand nombre de. serviteurs portant des masses, d’argent
et dés hallebardes. M. Metcalfe ; privé de ces ressources que le Résident se
garda bien de lui offrir, fit de son mieux pour faire beaucoup de poussière ;
et aü moyen de ses gardes de police, à pied et à cheval j montant à plus
de 5oô, et vêtus d’une manière uniforme et éclatante, réussit à produire
sur notre route un nuage des plus honnêtes. Sur l’avis que tout était prêt
au palais, nous montâmes tous deux en palanquin, portés l’un à côté de
l’autre, précédés d’une trentaine de valets avec des piques et des masses,
suivis de la petite armée susdite, et d’un éléphant richement caparaçonné.
Des troupes de la garnison avaient été convoquées des cantonnements et
stationnées sur notre chemin autour du palais; les tambours battirent aux
champs, et les soldats présentèrent les armes quand nous passâmes dans
nos palanquins devant leurs lignes. Toute la garnison de sipahis qui occupe
les premières enceintes du palais était sous les armes et rendit les mêmes
honneurs. Nous fumes portés dans nos palanquins, accompagnés de toute
notre escorte ou souwari, jusqu’à la première garde impériale. Nous y trouvâmes
le premier ministre qui nous reçut comme nous sortîmes de nos palanquins;
ses attentions près de nous étaient tout à fait celles d’un inférieur.
Nous traversâmes avec lui une petite cour déserte, d’un aspect misérable, qui
communique avec une autre assez belle au milieu de laquelle est bâtie la
salle d’audience. La porte qui conduit de l’une à l’autre était à moitié fermée
d’un large .rideau de drap écarlate : nous passâmes par le côté, et dès lors,
censés en la présence impériale , nous commençâmes à faire trois salams à l’empereur,
qu’il était" impossible de voir au travers de la foule qui remplissait
les arcades ouvertes de la. salle du trône. Un héraut proclama ses titres
comme ci-dessus, pendant que nous fîmes nos révérences à la mode musulmane
, inclinant trois fois la tête légèrement et approchant la main droite
du front.
La salle d’audience, bâtie par Schâhdjéhan, est une sorte de halle carrée,
dont le toit en terrasse est porté sur une quadruple rangée de piliers. Une
simple balustrade de peu de hauteur ferme seule ses arcades. L ’aire en est
élevée de quelques pieds au-dessus de la cour ; on y monte par plusieurs marches
de chaque côté. Ce petit édifice est entièrement de marbre blanc relevé de
coupoles élégantes, de fleurs et d’arabesques ; les moulures et les reliefs sont
dorés. Nous laissâmes sur les marches nos babouches parmi la multitude de
celles des personnes présentes, et respectant la lettre de l’étiquette musulmane,
nous en violâmes l’esprit en marchant sur le tapis impérial avec nos
souliers, européens. La foule des natifs qui formait la cour, y marchait pieds
nus ou en bas de soie. Les Orientaux se couchant sur leurs tapis, l’usage de
laisser ses souliers à la porte est fondé en raison.
L’empereur était accroupi sur un large coussin avec un dossier, • placé
au milieu de la salle : deux de ses fils et trois de ses petits-fils étaient assis
de la même manière près de lu i, sur le tapis : la cour, debout, rangée
sur deux files, à sa; gauche et à sa droite, les plus hauts en dignité
se tenant les plus près du Mesned. Le premier ministre nous conduisit en
face de l’empereur, à l’extrémité de cette haie ouverte devant lui. Nous
y répétâmes le triple salut, tandis que le même héraut proclamait de nouveau
les titres du prince; puis M! Metcalfe s’avança près de l’empereur, et lui