
il tire le Punka de toute sa force, vous éprouvez aussitôt un sentiment d’aise
et de fraîcheur. Cependant, pour punir l’homme de sa paresse, il faudrait
vous lever, faire quatre pas pour aller jusqu’à lu i, autant pour revenir à
votre chaise, vous reculez devant la longueur du voyage; Il est vrai que le
moindre mouvement, que le moindre effort physique neutralise l’action rafraîchissante
du Punka, vous perdez en un instant le bénéfice d’un quart
d’heure d’exposition à son influence.
Ce sage calcul de paresse et de bien-être, d’égoïsme, épargne chaque année,
dans le Bengale, à la caste des Behras, un nombre immense de coups
de pied au derrière.
Au coucher du soleil, on ouvre tout ce qui peut s’ouvrir : c’est le moment
où l’on sort en voiture. La température extérieure s’est abaissée de 3 ou 4
degrés quand 011 rentre pour se mettre à table, à 8 heures. L ’air traverse les
maisons ; cependant on n’en trouve jamais assez, les Punkas ne s’arrêtent point.
On dort à peu près nu sur les draps, non dessous, les fenêtres ouvertes;
mais la moustiquière de gaze tendue autour du lit arrête l’impétuosité du
courant d’air qui balaie votre chambre. Sans e lle , je me serais alors couvert
d’un drap; malgré elle , plusieurs fois, je me réveillai le matin avec un rhume.
Le froid,dans l’Inde, produit plus de maladies que l’excès de chaleur; celui-ci
n’est qu’incommode , il n’est pas malsain. Les médecins s’accordent à regarder
la saison des hot winds comme la plus salubre, à la condition qu’on ne s’expose
jamais au soleil.
Je n’ai pas vu une seule fois le ciel parfaitement pur, pendant les hot winds,
à Calcutta. Habituellement il y a quelques nuages blancs, et l’azur n’est pas
d’une couleur intense. Le soleil se lève et se couche toujours parmi des nuages;
les nuits n’ont pas l’éclat des nuits d’hiver dans les régions tempérées; Vénus
ne se lève pas à l’horizon, mais à quelques degrés au-dessus; c’est comme à
la mer entre les tropiques, où je n’ai jamais observé un jour ni une nuit
parfaitement purs. Alors qu’au zénith le ciel paraît l’ê tre , vous apercevez à
l’horizon comme un rempart de vapeurs obscures.
La fin de Mai amène quelques orages de peu de durée, mais d’une violence
extrême. La pluie, pendant une demi-heure, tombe par torrents ; le
tonnerre fait un épouvantable fracas.
Peu à peu la violence de ces météores diminue, mais leur durée augmente.
S’il ne pleut pas, le ciel du moins se couvre tous les soirs de nuages menaçants
, et la foudre, qui gronde sourdement, illumine de traits de feu éblouissants
leurs masses obscures, au coucher du soleil. Chaque orage rafraîchit
l’air pour quelques heures. Il y a des jours où le soleil ne se montre qu’à
travers de pâles éclaircies : le vent varie dans sa direction comme dans sa
force; c’est une époque critique dans l ’année, les hot winds ne soufflent plus
que par intervalles; des jours tout entiers de pluie les séparent. Vers la mi-
Juin, les pluies dominent exclusivement : une nouvelle saison commence.
L ’air est habituellement calme dans cette saison, le ciel toujours couvert;
le soleil ne se montre plus que rarement et au travers des nuages. On dit
cependant que c’est alors qu’il est le plus dangereux de s’y exposer. Le thermomètre
s’est abaissé de quelques degrés; mais la chaleur a pris un caractère
nouveau : elle est bien plus oppressive. Les faibles brises qui soufflent alors
du S .O .y et que l’on admet dans les maisons, ouvertes désormais le jour
comme la nuit, n’apportent qu’un air humide qui rafraîchit, sans la dissiper,
la sueur dont vous êtes couvert, si vous faites quelque mouvement. La
nuit, aucun souffle ne se fait sentir; le thermomètre descend à peine d’un
degré, parce que les nuages épais dont le ciel est chargé s’opposent à tout
rayonnement de la terre, et l’on éprouve l’illusion quelles sont plus chaudes
que les jours. Il y a des personnes qui se font éventer dans leur lit au moyen
d’un Punka pendu sous le baldaquin : il est mis en mouvement par des serviteurs
placés dans la chambre voisine ; ils en tirent le cordon qui passe par
un trou au travers du mur et de la moustiquière. Les médecins disent que
cela est malsain : j ’ai vu cependant des personnes tellement affectées par la
chaleur, qu’à moins d’être éventées la nuit, elles ne pouvaient dormir. C’est
par une exclamation sur l’épouvantable chaleur de la nuit qu’on s’aborde en
cette saison. Il n’y a pas 8 jours qu’ici l’on se récriait encore sur elle, autour
de moi; c’était le début accoutumé de la conversation à déjeuner, on ne
parlait du journal qu’après. Et moi, l ’on m’accusait d’esprit de contradiction,
parce que j ’affirmais régulièrement n’avoir jamais si bien dormi : je ne disais
pourtant que la vérité.
Le mois de Juillet est, je pense, celui dans lequel il y a le plus de jours
pluvieux, et il tombe le plus de pluie. En Août, fréquemment, le temps s’est
séché pendant un ou deux jours. Une fois j ’ai vu tomber la pluie avec violence
pendant 10 heures ; tout le monde le remarqua : cela est rare.
C’est au commencement de cette saison que les eaux du Gange s’élèvent.
Cette année, elles n’ont atteint leur plus grande hauteur que vers la fin
d’A oû t, et je crois que c’est le temps accoutumé. Une étrange opinion est
universellement répandue à Calcutta sur la cause de ce phénomène. On dit,
mais je ne puis le croire, que la crue du fleuve est indépendante des pluies :